Si la première fois le chargé des relations avec le Parlement, Mahmoud Khoudri, a minimisé l'impact du préjudice causé par ces opérations de dégradation des installations téléphoniques et électriques, de non-rapatriement des devises, de l'utilisation de faux registres de commerce et du recours à de fausses déclarations sur le poids, l'espèce de ces produits à l'exportation, jeudi dernier, le ministre du Commerce, Hachemi Djaâboub, a reconnu, lors d'une séance plénière consacrée aux questions orales des députés, «l'existence de dépassements» dans l'exportation des déchets ferreux et non ferreux. Une vérité que l'opinion publique connaît déjà depuis l'éclatement de cette affaire en 2000, suivie de l'ouverture d'une enquête par l'Inspection générale des finances (IGF), sur instruction de la présidence de la République, qui a levé le voile sur un immense courant de fraude. Lourdement impliqués, les services des Douanes ont, de leur côté, ouvert une enquête qui a touché les exportations de ces produits de1994 à 2000. Si certains dossiers ont été présentés à la justice, d'autres ont tellement traîné qu'ils ont fini par être touchés par la prescription en matière douanière (le délai entre le constat de l'infraction et la mise en action de la justice est de trois ans). Ce courant de fraude ne s'est pas arrêté, puisque de nombreux exportateurs continuent à organiser des bandes de voleurs de câbles téléphoniques et électriques, de panneaux de signalisation… Jeudi dernier, lorsque le député Laribi a interpellé le ministre du Commerce sur les conclusions de l'enquête interministérielle ouverte sur cette affaire, il y a deux ans, M. Djaâboub a donné une réponse inattendue au point de provoquer la colère du député. «Moi, je fais partie d'un autre gouvernement, l'enquête et les conclusions de cette commission sont mortes et enterrées.» Néanmoins, il a affirmé, cité par l'APS, que la récupération et l'exportation des déchets ferreux et non ferreux (fer, acier, aluminium, cuivre, plomb et zinc) étaient prise en charge par des société publiques de récupération. L'ouverture de ce créneau au privé a engendré nombre de «dépassements consistant en la dissimulation de la valeur réelle des déchets afin d'éviter le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, le non-rapatriement des devises au pays, ainsi que l'utilisation de faux registres de commerce», a t-il dit. Le ministre a déclaré que le prix référentiel des déchets était fixé par une commission relevant du ministère du Commerce qui se réunissait une fois par trimestre en vue de le réviser. «En 2002, cette commission a suspendu ses réunions car la fixation des prix des déchets ferreux et non ferreux était illégale du fait qu'elle constituait une entrave à la liberté des commerces intérieur et extérieur (…).» Faut-il relever que la fixation des prix de ces produits n'a jamais constitué une entrave à la liberté du commerce extérieur dans la mesure où elle se décide au niveau de la Bourse des métaux de Londres, étant donné qu'il s'agit de produits cotés en bourse. La commission ne décidait que du prix minimum basé sur le prix référentiel de la Bourse de Londres. Le représentant du gouvernement a cependant évité de reconnaître que cette commission ne s'est pas réunie depuis des années, laissant les exportateurs décider eux-mêmes les prix largement minorés, dont le but ne rapatrier qu'une partie infime des gains financiers générés par l'opération commerciale. Pour le ministre, l'agrément récent par le Conseil national de l'investissement d'une usine de récupération et de recyclage de déchets ferreux en rond à béton, à Sidi Moussa, constitue une des mesures à même de mettre fin à ce courant de fraude. Or, les spécialistes de cette activité savent bien que le rond à béton ne peut être fabriqué en récupérant la ferraille. Il est fait à base de billettes d'acier, une matière première que même Ispat d'El Hadjar ne peut produire. Ce produit est tout simplement importé.