Des chiffres secs pour résumer le naufrage de toute une société dans un océan de sang. Les autorités ont mobilisé 22,6 milliards de dinars pour l'application des modalités de la Charte pour la paix et la réconciliation, dont 6,634 milliards d'indemnisation. Dans le document résumant le bilan du président-candidat, les « réalisations » du processus de réconciliation sont étalées dans une indifférence générale. L'on apprend ainsi que 8023 cas de disparitions forcées ont été recensés, soit 1877 cas de plus depuis les dernières déclarations des pouvoirs publics il y a deux ans. 15 438 personnes ont été reçues par les commissions de wilaya chargées de la question. Est-ce à dire que le nombre des disparus augmentera encore ? On saura, aussi, qu'au 31 juillet 2008, le gouvernement a décompté 17 969 terroristes tués. Mais nulle trace des victimes du terrorisme - notamment les kidnappés par les groupes armés restés sans statuts ni indemnisations -, des jugements, des relaxes, du sort de ses « repentis » qui se sont rendus entre les deux dispositifs de la Concorde et de la Charte, entre 1999 et 2005. Deux dispositifs, rappelons-le, limités dans le temps, créant ainsi des zones grises où d'obscurs architectes de l'impunité tentent de classer ces « repentis ». Peu a été élaboré dans le sens de la vérité et de la justice alors que, déjà, surfe sur la vaguelette de la campagne pour la présidentielle l'idée d'une amnistie générale ! Amnistier qui ? Les tueurs, les fautifs, les « égarés », les kamikazes, les kidnappeurs ? Lorsque, cette semaine, Amnesty international évoque « un héritage d'impunité : une menace pour l'avenir de l'Algérie », l'ONG rappelle les dérives des amnisties déguisées, telle « la grâce amnistiante » de 2000, OVNI juridique, dont aucun bilan n'a été tiré depuis neuf ans. Sans bilan, sans transparence, sans enquêtes, sans véritable réparation, mais surtout sans rétablissement de la vérité, ces différents processus de réconciliation sont vite tombés dans les bras de la surenchère – on le voit avec Madani Mezrag – avant de livrer le pays à de dangereux périls. Car si la justice et la vérité ne se feront pas ici chez nous, elles se feront ailleurs, et par d'autres. L'actualité internationale l'a déjà prouvé.