Ces rescapés ont été évacués vers les urgences médicochirurgicales et le service de la médicine légale du CHUO. Selon un passager clandestin qui a donné l'alerte en rejoignant à la nage la côte, «l'embarcation qui les transportait a chaviré à 500 mètres au large des côtes de Coralès.» Dès les premiers instants de l'alerte, les éléments de la Protection civile, aidés par les gardes-côtes et les plongeurs, dotés de matériels d'intervention et appuyés par un hélicoptère de l'ANP, ont recherché les corps des disparus jusqu'à la tombée de la nuit. D'après les témoignages concordants des deux survivants, les naufragés sont tous de nationalité algérienne. C'est certainement suite à un soudain emballement de la météo que le canot pneumatique sur lequel les dix harraga avaient pris place se serait retourné. En effet, alors que le temps était calme, la veille en fin de journée, un vent d'ouest se leva, annonçant une brusque tempête. Sans doute mis en confiance par un temps anormalement calme et une embarcation apparemment spacieuse, les clandestins seront trahis par la force des vagues. La Méditerranée étant connue pour sa météo capricieuse, qui peut, en l'espace de quelques minutes, transformer une «mer d'huile» en un véritable coupe-gorge. C'est certainement ce qui a dû se produire cette nuit du 24 octobre. Un mois qui aura battu tous les records en matière d'émigration clandestine à partir des côtes ouest. Ce qui explique qu'en cas d'avarie, de panne sèche ou d'incident sur les moteurs, la plupart des embarcations, notamment celles qui parviennent à gagner le grand large, lorsqu'elles dérivent, finissent naturellement par toucher terre au niveau de la façade maritime de Mostaganem. C'est ainsi qu'en l'espace de deux semaines, pas moins de 18 clandestins seront sauvés en haute mer par des navires, dont l'un appartenant à la marine américaine. La plupart des ces candidats à l'émigration sont originaires des wilayas d'Oran et de Tlemcen. Toujours durant cette courte période, 9 autres rescapés seront sauvés d'une mort certaine à quelque 36 miles au large de Achâacha. Ce choix s'explique essentiellement par la relative proximité avec les côtes espagnoles. En effet, les plages de Madagh, des Andalouses (wilaya d'Oran), d'El Ouardania (commune d'Oulhaça, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Beni Saf), ou de Bouzedjar (wilaya de Aïn Témouchent) ainsi que celles de Sidna Youchaâ et de Mekhalla-plage dans la région de Honaïne (wilaya de Tlemcen) se sont transformées, en l'espace de quelques années, en véritable plaques tournantes de l'émigration clandestine à destination de l'Europe. Malgré les patrouilles des éléments de la sûreté et ceux de la gendarmerie, tout le long du littoral oranais (120 km), de plus en plus de jeunes, au risque de sacrifier leur vie, tentent désespérément l'aventure en haute mer sans tenir compte des risques qu'ils encourent, particulièrement à l'approche de l'hiver caractérisé par de fréquents changements climatiques. Pour rappel, durant ces deux derniers mois, plusieurs tentatives d'embarquement clandestin de jeunes harraga ont été déjouées à partir du littoral oranais. Des groupes de dizaines de jeunes, candidats à l'aventure périlleuse, à bord d'embarcations de fortunes acquises auprès d'intermédiaires véreux et arnaqueurs spécialisés, à des sommes pouvant atteindre facilement les 100 millions de centimes, ont été appréhendés. Ces harragas, en grande majorité des jeunes issus des wilayas ou des régions limitrophes d'Oran, sans aucune expérience, ni connaissance des dangers de la navigation en haute mer, évitent à présent d'utiliser les navires en rade dans les ports commerciaux hautement surveillés et sécurisés depuis l'introduction de l'ISPS code maritime. Ils prennent, à présent, les départs à partir des zones isolées situées sur le littoral d'Oran ou celui de Aïn Témouchent. Les chiffres communiqués par les services de la gendarmerie font état, pour le seul premier semestre de l'année en cours, de l'arrestation de plusieurs personnes dans 90 tentatives échouées à partir d'Oran ou de Aïn Témouchent. Pour l'année 2005, ces mêmes services avaient enregistré 119 tentatives. Certaines familles, qui avaient contacté le service spécialisé mis en place depuis une année par le Croissant-Rouge algérien pour d'éventuelles recherches des disparus, attendent toujours des nouvelles de leurs enfants ou de leurs proches. Ces derniers, désespérés, sans emploi, avaient pris le risque et tenté l'aventure pour un eldorado outre-mer. Mais, lorsque le rêve courtise l'aventure, le désir d'aller voir ailleurs demeurera toujours plus fort, tant que les causes de la marginalisation d'une grande partie de la population ne seront pas résolues.