Le mouvement des «gilets jaunes» – qui manifestaient hier à Paris, depuis la naissance de leur mouvement le 17 novembre – a franchi un nouveau cap avec l'entrée en scène de groupes extrémistes déterminés à déstabiliser le gouvernement par des actions violentes. Des «casseurs» restés sourds aux appels au calme de la part de l'Exécutif et dont se démarquent les «gilets jaunes». Ces derniers réaffirment leur volonté de manifester pacifiquement pour porter leurs revendications et se faire entendre par qui de droit et désapprouvent les violences et les dégradations des «casseurs». Ainsi, au mouvement social pacifique des «gilets jaunes» vient se greffer un mouvement violent. Ce dernier risque de déborder le mouvement des «gilets jaunes» au moins au plan médiatique. Mais aussi l'Exécutif Force est de constater que la persévérance des «gilets jaunes» a payé, au moins sur une revendication symbolique : manifester sur les Champs-Elysées. Ce qu'ils ont obtenu hier, deux semaines après l'émergence de ce mouvement de protestation populaire d'abord contre les taxes sur les carburants, puis contre la dégradation du pouvoir d'achat. Un mouvement qui semble s'ancrer dans la durée, qui se radicalise et englobe des revendications plus larges : un changement de politique dans les formes et le contenu, jusqu'à la demande de démission du président Macron. Dans la bouche des «gilets jaunes», on entend des critiques contre le «président des riches» et ses formules : «Il n'y a qu'à traverser la rue pour trouver du boulot» ; «Le modèle social coûte un pognon de dingue». Depuis quelques années, les classes populaires et la petite classe moyenne ressentent une stagnation de leur pouvoir d'achat et voient les services publics auxquels ils ont accès se raréfier. Si Emmanuel Macron n'a pas créé ces fractures, il en hérite en les exacerbant par son action politique et son comportement. Emmanuel Macron, constatant par la force des choses que ce mouvement des «déclassés» dont la popularité au sein de l'opinion publique ne se dément pas au fil des sondages, tout en affirmant ne pas changer de cap, lâche du lest. En demandant au Premier ministre, aux ministres concernés et aux députés de la majorité LREM de se rapprocher des «gilets jaunes» qui clament depuis le premier jour qu'ils ne veulent plus subir en silence, qu'ils veulent être entendus, qu'ils veulent des solutions concrètes pour aujourd'hui. Par son expression, par sa composante, inédites, le mouvement des «gilets jaunes» – qui se dit apolitique – a pris tout le monde de court : l'Exécutif et la classe politique dans son ensemble, les syndicats dont la voix est totalement inaudible, mais aussi les médias et les experts des mouvements sociaux. Un mouvement né sur les réseaux sociaux, qui se veut sans affiliation ni tutelle politique ou syndicale et qui est en train de se structurer pour peser encore plus. Le chef de l'Etat français s'est exprimé, mardi dernier, pour présenter un projet de loi de programmation de la transition énergétique et des mesures de protection des plus démunis. Sans convaincre les protestataires qui estiment qu'ils n'ont pas été entendus. S'il ne veut pas prendre le risque de voir le mouvement dégénérer et pour que la fracture sociale ne soit pas irrémédiable, Emmanuel Macron doit se départir de son intransigeance, montrer qu'il a entendu le message de «ras-le-bol» des défavorisés en annonçant des mesures fortes. Le temps presse parce que dans la rue la situation se dégrade et la tension monte.