Le problème des rapports tendancieux bâtis sur la délation ou les fameuses enquêtes d'habilitation, qui ont, soit dit en passant, détruit la carrière de plusieurs centaines de cadres de l'Etat, n'est décidément pas circonscrit à la seule police. D'autres services de sécurité intervenaient, de façon directe ou indirecte, dans la délivrance du sésame permettant l'accès aux fonctions supérieures de l'Etat et aux postes sensibles. La filature, la délation et la chasse aux sorcières ont été, pendant longtemps, des pratiques érigées en système de contrôle, voire en arme pour châtier et marginaliser les cadres jugés récalcitrants. Ce constat est d'autant plus vrai qu'il a été corroboré, bien que par des sous-entendus, par le directeur général de la Sûreté nationale, Ali Tounsi, dans l'interview qu'il a accordée hier au quotidien El Moudjahid. A en croire le patron de la police, une « révolution » se prépare à tous les échelons de la décision politique pour la réhabilitation des cadres fichés, victimes de rapports calomnieux et souvent fictifs. Outre la police qui a détruit ses « dossiers lourdement manipulés », les autres services de sécurité, selon M. Tounsi, ont fait un « pareil travail, il y a deux ans ». Quels sont ces « autres services » qui, à l'instar de la police, ont brûlé leurs dossiers noirs ? Ali Tounsi n'ira pas au fond de sa pensée. Dans le même entretien, le premier responsable de la police a souligné que concernant « les cadres résidant à l'étranger, qui se plaignent d'avoir été brimés d'une façon ou d'une autre, parfois pour des motifs apparus plus tard comme fallacieux (...), une action a été déjà menée par les services de la Présidence ». M. Tounsi a même parlé de 5000 cadres qui s'estiment lésés. Contacté, le chargé de la communication de la Présidence de la République n'a pas jugé utile de nous éclairer sur la nature, l'envergure et les résultats de l'action menée par la Présidence en direction des cadres injustement incriminés sur la foi de dossiers tendancieux. Tout compte fait, en évoquant le travail des « autres services de sécurité » et « l'action menée par la Présidence de la République », Ali Tounsi a laissé entendre qu'une démarche globale est en train d'être effectuée dans ce cadre et que cette initiative a eu d'ores et déjà le feu vert des principaux centres de décision. La question qui demeure néanmoins posée est de savoir si l'Etat décidera des réparations en direction des victimes de ce genre de manipulations. « Un cadre qui a été brimé dans sa vie de tous les jours par la police, on peut à la longue lui faire oublier le préjudice subi, mais comment faire quand un renseignement ou une information erronée glissée dans un dossier de candidature compromet la carrière d'un cadre (...) Là est le danger », a relevé le patron de la police. Pour diminuer ce qu'il considère comme des « dépassements regrettables ayant porté préjudice à l'intégrité morale et professionnelle des cadres, objet d'enquêtes administratives », Ali Tounsi a déclaré que « ces dérapages ne seront plus admis ».