Le futur président sud-africain, Jacob Zuma, va devoir restaurer très rapidement la confiance ébranlée par les controverses autour de son ascension au pouvoir, s'il veut pouvoir s'atteler à la tâche dantesque qui attend son gouvernement en pleine crise économique mondiale. L'équipe dont va s'entourer Zuma « va devoir faire davantage que ses prédécesseurs avec des ressources moindres, alors que la patience et la confiance des Sud-Africains sont au plus bas », résumait hier le Sunday Times. Le tribun zoulou, qui doit être élu chef de l'Etat le 6 mai par le nouveau Parlement, s'est voulu apaisant et responsable dès le discours qui a suivi, samedi, l'officialisation de la victoire de son parti, le Congrès national africain (ANC), avec près des deux tiers des suffrages. « Le nouveau président de la République sera un président pour tous », a promis celui qui, il y a quelques semaines encore, dénonçait un complot orchestré contre lui par l'ex-chef de l'Etat, Thabo Mbeki. « Nous allons travailler avec toutes les parties, notamment avec les syndicats et les employeurs, pour trouver des moyens de prévenir les pertes d'emplois et d'amortir » l'impact de la crise mondiale, a-t-il affirmé devant les caméras des chaînes internationales. Le charismatique sexagénaire, qui, devant ses partisans, aime à enfiler chemises africaines et blousons, entonner les chants de lutte contre l'apartheid et bondir au rythme des danses traditionnelles zouloues, avait revêtu pour l'occasion un neutre costume gris. Le populaire et populiste Zuma, dont les détracteurs dénoncent la propension à changer de discours en fonction de l'auditoire, va aussi devoir convaincre tous ceux pour lesquels l'abandon de poursuites pour corruption à son encontre, peu avant les élections, n'a pas levé les doutes sur sa probité personnelle. « La clé est dans le choix de son gouvernement », soulignait l'analyste politique Zamikhaya Maseti. Le Conseil des ministres, qui entrera en fonction après la prestation de serment du président, le 9 mai à Pretoria, devrait être complètement remanié. Seuls resteraient certains piliers comme le ministre des Finances, Trevor Manuel, respecté artisan de la croissance post-apartheid, qui devrait prendre un rôle pivot dans une structure de contrôle du gouvernement. La participation de M. Manuel est essentielle pour que les détenteurs de capitaux continuent de considérer l'Afrique du Sud comme une terre d'investissement, quels que soient les alliés — confédération syndicale et Parti communiste notamment — qui ont aidé Zuma à conquérir le pouvoir. La fuite des investisseurs compromettrait définitivement ses chances de pouvoir répondre aux attentes de la masse des pauvres, alors que la plus grande puissance économique du continent s'apprête à entrer en récession pour la première fois depuis 17 ans. Alors que le chômage frôle déjà les 40%, des dizaines de milliers d'emplois ont été supprimés depuis la fin 2008 et 300 000 autres pourraient l'être en 2009, notamment dans les mines et l'industrie automobile. L'ANC doit rendre désormais des comptes : les élections ont vu émerger une opposition nationale, qui a cinq ans pour se construire pendant le 4e mandat consécutif accordé à l'ancien mouvement de lutte contre l'apartheid. Quinze ans après, les premières élections multiraciales, 43% de la population vivent sous le seuil de pauvreté, hôpitaux, écoles et police manquent cruellement de ressources ; la criminalité bat des records et la pandémie de sida est la pire au monde. « Dès que le décompte des suffrages sera achevé, le vrai travail commencera », soulignait, jeudi, Paul Mashatile, Premier ministre sortant de la riche province du Gauteng qui abrite Johannesburg.