A voir le curieux rebondissement de son affaire à la faveur de l'ouverture «éclair» de son procès hier au tribunal criminel de la cour d'Alger, l'affaire de cet ancien chef terroriste devient énigmatique. En effet, les journalistes étaient étonnés hier d'entendre le président de la séance déclarer que, aux yeux de la justice, Hassan Hattab «est un fugitif et doit être jugé par contumace, sauf si des preuves de sa reddition venaient à être fournies aux instances compétentes». Après quoi, le magistrat annonça que le tribunal a reporté le jugement de cette affaire à la prochaine session criminelle pour «omission de la procédure de contumace pour les accusés en fuite, dont Hassan Hattab». En termes simples, la justice algérienne ne sait pas officiellement où est l'ex-émir du GSPC… Aux yeux de la loi, comme l'a expliqué le président de séance, Hassan Hattab est en fuite et par conséquent devrait être jugé par contumace. Au-delà de cette procédure un peu bizarre du fait que le concerné avait été déjà condamné de la sorte par les tribunaux de Tizi Ouzou et de Batna, et non pas par celui d'Alger, il est tout de même curieux que le tribunal d'Alger ait déclaré ne pas savoir où il est, alors que les responsables politiques soutenaient qu'il s'était rendu aux autorités. Flash-back. Le 6 octobre dernier, dans une conférence de presse animée à Paris en compagnie de son hôte Michelle Alliot Marie, le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, avait confirmé que Hattab s'était rendu aux autorités le 22 septembre dernier. Le ministre avait même précisé : «Nous le considérons comme un repenti (…) mais comme il est concerné par plusieurs dossiers judiciaires, il doit éclaircir sa situation.» En clair, Hattab n'est pas en fuite et les autorités politiques, sécuritaires et mêmes judiciaires sont censées le savoir, dès lors que le premier flic du pays «conseille» Hattab «d'éclaircir sa situation». Or, les déclarations faites hier par le président de séance du tribunal criminel d'Alger contredisent celles de M. Zerhouni en ce sens que Hattab est un «fugitif» légalement et un «repenti» politiquement. Une question intriguante à laquelle le patron de la justice algérienne, Tayeb Belaïz, a répondu de manière aussi aléatoire qu'embarrassée, le 26 octobre dernier : «Qu'il soit arrêté ou en fuite, la loi s'appliquera sur lui dans tous les cas de figure. S'il ne vient pas, on appliquera la mesure de contumace…», a concédé le garde des Sceaux. Mais alors pourquoi son collègue de l'Intérieur avait-il été, quinze jours avant, catégorique en confirmant que Hattab était bel et bien entre les mains des autorités ? Qui dit donc vrai dans cette affaire qui prend l'allure d'un vrai polar ? Pourquoi donc les services de sécurité, dont parlait M. Zerhouni, n'avaient pas remis le «repenti» et néanmoins justiciable Hassan Hattab à la justice avec son «dossier» pour que le procès se tienne enfin sans polémique ? On voit bien que le propos catégorique de Zerhouni et celui plutôt réservé de Belaïz tranchent radicalement avec la déclaration officielle du tribunal criminel d'Alger. Les vases… non communiquants Dans pareil cas il y a deux lectures possibles : soit le tribunal ne dispose effectivement d'aucune preuve matérielle du repentir de Hassan Hattab, auquel cas on se demanderait pourquoi les autorités sécuritaires chez qui il «séjourne» ne l'aient pas remis à la justice. Ou alors que les autorités judiciaires ne savent pas trop quoi faire de ce justiciable encombrant, dont le traitement va au-delà de la sphère judiciaire. En effet, et en attendant que la justice reçoive le feu vert des autorités politiques sur le «cas Hattab», le tribunal criminel d'Alger pourrait avoir (en connaissance de cause ?) préféré que le cas soit tranché politiquement d'abord avant d'abattre la main lourde de la justice. L'erreur, peut-être, était d'avoir programmé le procès de quelqu'un qui s'est avéré plus tard être une mine précieuse d'informations dans la lutte contre le terrorisme et contre Al Qaïda du Maghreb islamique dont il aurait dénoncé l'affiliation. A ce titre, il pourrait bénéficier d'un traitement «préférentiel» moyennant des «avantages comparatifs» que les services de sécurité pourraient lui soutirer en matière de renseignement. Le fait est que Yazid Zerhouni ait étiqueté Hattab de «repenti». Ce qui sous-entend qu'il pourrait être «casé» dans la rubrique des bénéficiaires potentiels des dispositions de la charte sur la réconciliation nationale. Dans ce cas de figure, il est difficile d'imaginer un procès où Hassan Hattab, même harnaché d'un passé terroriste, réponde aux chefs d'inculpation aussi lourds que «création et appartenance à une organisation terroriste, assassinat avec préméditation et utilisation d'explosifs dans des lieux publics». Des accusations qui le mèneraient ipso facto à une condamnation à mort. Mais est-ce là le dénouement que veulent les autorités de l'affaire Hattab ? Cela relève pour l'instant d'un secret presque d'Etat, d'où ce cafouillage et cet imbroglio politico-judiciaire.