Le Caire. De notre correspondante Exactement 831 Frères musulmans, selon les chiffres rendus publics par la confrérie, ont été arrêtés au courant des trois dernières semaines. Une campagne qui a commencé en prévision des élections municipales qui se tiendront en Egypte le 8 avril prochain et qui a connu son paroxysme la semaine dernière, au moment où prenait fin le délai légal de dépôt des candidatures. La campagne d'arrestations a commencé par celle de Khaled Hamza, le rédacteur en chef du site Internet officiel des Frères musulmans, Ikhwan web et elle s'est tellement intensifiée que certains Frères musulmans ont affirmé aux médias que beaucoup d'entre eux ont décidé de se porter absents, ne dormant plus chez eux, n'allant plus à leur travail et éteignant leur téléphone portable. Les arrestations ont concerné surtout les membres de la confrérie des Frères musulmans qui tentaient de déposer leur dossier auprès des bureaux régionaux d'inscription des candidatures aux élections municipales. D'autres méthodes ont été utilisées par les autorités locales et ont été détaillées lors d'une conférence de presse du numéro un de la confrérie, Mahdi Akef, qui a affirmé que 90% des Frères musulmans candidats ont été empêchés de s'inscrire. Dans les régions de Manoufiya et Qena, une trentaine de commerces appartenant à des Frères musulmans ont été fermés. Ils étaient au départ 5159 candidats à vouloir participer aux élections et, au final, n'ont été retenues que les candidatures de 438 personnes. Selon l'organisation et les comptes-rendus de presse quotidiens, la plupart des Frères musulmans voulant déposer leur dossier de candidature ont été empêchés physiquement d'arriver aux bureaux, certains ont été menacés par les «baltaguias», les hommes de main du PND, le parti de Hosni Moubarak, et d'autres tabassés par des membres du PND. Pour les leaders de la confrérie «le parti au pouvoir est incapable d'aller à la compétition électorale avec les Frères musulmans de manière franche et normale, c'est pourquoi il recourt à des méthodes exceptionnelles». Du côté des autorités, on justifie ces arrestations massives par le fait que depuis 1954 la confrérie des Frères musulmans est considérée comme illégale. Mais ce qui s'est passé pendant les deux semaines d'ouverture des dépôts de candidature devant les bureaux d'enregistrement n'est absolument pas nouveau en Egypte, et les Frères musulmans ne sont pas les seuls à avoir fait les frais d'une pré-purification des listes électorales. D'autres partis politiques dénoncent le même type de méthodes : le Parti Wafd a d'ores et déjà annoncé que seuls 10% de ses candidats ont réussi à franchir la course d'obstacles au dépôt de candidature, même son de cloche du côté des partis comme Al Ghad ou Al Tagamou. Et la contestation n'épargne même pas le parti au pouvoir, où les batailles entre les «exclus de la candidature» et les heureux élus ont fait rage en fin de semaine dernière et ont fini en manifestations et cascades de démissions, y compris de députés. «La société égyptienne est dans un tel état de rage que si la politique gouvernementale demeure telle qu'elle est aujourd'hui, une révolution finira par éclater et détruira tout sur son passage, elle sera bien plus dangereuse que les émeutes du pain de 1977», avait prévenu le guide des Frères musulmans, faisant référence à un souvenir qui semble décidément hanter de manière insistante la mémoire collective égyptienne, les émeutes du pain qui avaient embrasé tout le pays en janvier 1977.