Les élections générales en Irak ont bien eu lieu, malgré le climat de violence, avec à la clé une participation qui va au-delà des prévisions. C'est en tout cas, le premier enseignement tiré par l'ONU qui assurait dans cette consultation une assistance technique. Quant au président Bush qui a refusé tout report des élections, il a rapidement dit sa joie toujours bien entendu en ce qui concerne la participation, également saluée comme « un pas vers la démocratie » par les autres membres de la coalition comme le Britannique Tony Blair. Un chef de la Commission électorale a indiqué hier que le taux de participation serait de 60 à 75% des inscrits, soulignant cependant ne pas disposer de chiffre définitif. Hareth Mohammed Hassan, chef-adjoint de cet organisme indépendant, a affirmé que dans la plupart des 18 provinces d'Irak, le taux a dépassé, parfois de loin, les 50%. « Les informations en provenance des provinces sont très bonnes et dans la plupart des cas, la majorité des électeurs a voté », a-t-il ajouté. Concernant les provinces sunnites du Centre et du Nord, M. Hassan a déclaré qu'« en raison des circonstances exceptionnelles, la participation n'a pas été forte ». Mais il a ajouté que la participation à Ninive, province du Nord, qui a Mossoul pour chef-lieu, a été plus forte qu'à Al Anbar, province à l'ouest deBaghdad, où se trouvent les villes de Falloujah et de Ramadi. Ce premier chiffre ne traduit pas à lui tout seul toute la compléxité de la réalité irakienne, avec cette fois, un vote éthnique, puisque les sunnites qui exerçaient jusqu'en 2003 un pouvoir hégémonique, malgré leur infériorité démographique, ont appelé au boycott, sûrs en effet d'être balayés du pouvoir. C'est ce qui explique d'ailleurs cette entorse aux règles élémentaires de la démocratie proposée par l'Union européenne, comme le fait d'intégrer les sunnites dans les centres du pouvoir et les impliquer dans l'élaboration de la Constitution, rôle dévolu au nouveau Parlement transitoire élu dimanche. En tout état de cause, ces élections constituent un « succès remarquable » qui conforte la stratégie du président américain George W. Bush, estimait hier la presse américaine. Pour le New York Times, les Irakiens ont profité du scrutin pour envoyer « un message que tout le monde, à l'exception des plus nihilistes des insurgés, sera contraint d'accepter ». Toutefois, USA Today salue également un « succès », mais prévient que, pour autant, « les troupes américaines ne seront pas bientôt rappelées à la maison ». Le monde a bien entendu salué cette forte participation, mais cela à en croire les différents échos ne dissipe pas les inquiétudes au sujet de l'Irak. Ainsi en est-il de la presse espagnole, pour qui la forte participation « démontre à quel point le peuple irakien, après un demi-siècle d'oppression, veut faire entendre sa voix ». Cependant, « aucune solution politique ne pourra être viable ou durable si on marginalise 20% de la population », affirme El Mundo, tout en soulignant que « les sunnites sont aussi nécessaires parce qu'ils constituent une alternative laïque à l'imposition d'un régime dans lequel droits et libertés sont suspendus à l'Islam ». ABC (droite conservatrice) juge « difficile de qualifier ces élections de libres quand les électeurs ont dû aller aux urnes le visage masqué » et il est « naïf de les dire démocratiques, alors qu'elles sont imposées par une puissance occupante ». La presse russe a critiqué ces élections, les qualifiant des « plus sanglantes de l'histoire » en soulignant que les Etats-Unis auront encore plus de mal à contrôler le pays. La Chine a espéré que la situation en Irak allait se stabiliser après les élections, mais n'a pas caché son pessimisme sur l'avenir du pays, en insistant sur un retrait rapide des forces américaines. Le China Daily, quotidien de langue anglaise souvent utilisé par le gouvernement pour faire passer son point de vue à l'étranger, a pour sa part estimé que malgré le taux élevé de participation aux élections, « la situation ne prête guère à l'optimisme ». « Il n'y a aucun signe qui montre que Washington soit capable de garantir l'avenir post-électoral de l'Irak », a ajouté le journal dans un commentaire. Plus qu'un simple commentaire. Il s'agit là d'un verdict que de nombreux pays devraient partager pour continuer à douter encore de l'après-élection. A cet égard, le chef de la diplomatie du Luxembourg, Jean Asselborn, dont le pays assure la présidence de l'Union, a souligné que « l'UE fera tout son possible pour convaincre les autorités irakiennes d'inclure les sunnites » en vue de la rédaction de la nouvelle Constitution de ce pays, en reconnaissant que la faible participation de cette communauté aux élections de dimanche représentait « un problème très important » pour la nouvelle assemblée nationale transitoire chargée de rédiger cette Constitution. Ce n'est plus un homme, une voix. L'entorse est cette fois bien admise. Ell est même fortement préconisée pour préserver l'Irak.