Qui va entrer dans le capital des entreprises étrangères », en vertu de l'obligation faite aux sociétés importatrices d'ouvrir 30% de leur capital social aux nationaux, une mesure qui fait partie des nouvelles dispositions arrêtées par le gouvernement de M. Ouyahia ? L'interrogation, soulevée par le président de la chambre française de commerce et d'industrie en Algérie, mérite qu'on s'y attarde quelque peu. Elle traduit sans doute une part d'« inquiétude » sur la nature de cette participation nationale qui n'est pas sans rappeler une certaine démarche rentière qui a caractérisé l'ouverture économique des pétromonarchies du Golfe dans les années 1970. On sait que cette forme de prélèvement obligatoire des sociétés a servi d'accumulation primitive au capital local qui occupe depuis une position dominante dans le commerce, l'immobilier, etc. Tout comme on est en droit de se demander si nos « décideurs » sont à ce point à court d'idées sur la manière de relancer l'investissement direct en Algérie. Derrière la question du représentant de la chambre française de commerce se profile le souci des opérateurs étrangers sur le caractère obligatoire qui risque à terme de devenir un droit d'accès négocié au marché algérien et dont les premiers bénéficiaires ne seront pas forcément ceux auxquels on pense, c'est-à-dire des investisseurs nationaux. De là qu'elle devienne un droit de passage sans contrepartie, il n'y a qu'un pas que des courants rentiers n'hésiteront pas à franchir au détriment de l'économie nationale. Les interrogations de partenaires étrangers ne semblent pas avoir ému les décideurs convaincus sans doute que le véritable business se fait ailleurs, notamment dans le secteur des hydrocarbures sur lequel des accords et des garanties sont réunis. Le souci mis en avant par le haut fonctionnaire français traduit sans doute le trouble dans lequel se trouvent les opérateurs étrangers face au flou d'une réglementation économique qui semble chercher ses marques. On comprend dès lors que ceux-ci se retrouvent dans l'expectative, voir geler leurs activités, comme l'a souligné l'ambassadeur allemand la veille de l'ouverture de la Foire internationale d'Alger. Le représentant de la chambre de commerce allemande en Algérie n'a pas manqué lui aussi de souligner qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que des entreprises familiales qui n'ont jamais accepté d'ouvrir leur capital le fassent ici.Il n'en demeure pas moins que le constat du représentant français de la chambre de commerce et d'industrie et de son homologue allemand se rapproche de celui de l'ambassadeur des Etats-Unis à Alger, exprimé au cours de sa dernière conférence de presse. Celui-ci a fait part de son inquiétude devant l'obstacle que représentait la bureaucratie algérienne dans les relations commerciales entre les deux pays. Dans la bouche d'un diplomate, de tels propos signifient bien plus qu'une simple préoccupation à l'égard d'une administration tatillonne et procédurière. Ces propos voilés associés au risque de voir des entreprises découragées se désengager du marché algérien renvoient à ce phénomène qui gangrène la sphère économique qu'est la corruption. Celle-ci ne trouvera sans doute pas de sitôt une conjoncture plus « favorable » que celle que traverse l'Algérie actuellement avec un programme d'investissements de 150 milliards, un marché déstructuré, des dysfonctionnements de l'appareil de production national, une dérégulation quasi totale... Les partenaires étrangers sont depuis longtemps au fait de la réalité du marché algérien, mais ils s'attendent sans doute dans la pratique à un relèvement des « droits de pénétration » du marché algérien auquel il leur sera difficile de faire face par ces temps de crise internationale.