D'un taux qui avoisinait les 23 à 25% de la population carcérale enregistré durant 2002, la détention préventive a chuté pour atteindre les 12% vers la fin de 2004. C'est ce qu'a affirmé, hier, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, en marge des travaux du séminaire « La relation complémentaire entre les magistrats du parquet et de l'instruction » organisé hier à Alger. Le ministre a déclaré, par ailleurs, que cette mesure reste néanmoins une exception au regard de la loi. « Mais elle peut être utilisée par le magistrat pour protéger le prévenu lui-même, préserver l'ordre public ou les pièces à conviction », a déclaré le ministre. Il a reconnu l'important volume de travail que subissent certains tribunaux par rapport à d'autres fautes de personnel. « Il est vrai qu'avec 2811 magistrats, le déficit en ressource humaine reste très perceptible. Pour le combler, nous avons prévu de recruter 1500 magistrats d'ici à 2009 », a-t-il noté. Il a, en outre, annoncé l'installation d'un nouveau procureur général près la cour de Blida dans deux ou trois jours. Le ministre, qui devait ouvrir les travaux du séminaire, n'a assisté que le temps d'une ou deux interventions « en tant qu'ancien juge et magistrat parquetier ». « L'objectif de ce séminaire est, selon l'inspecteur général du ministère de la Justice, M. Sahraoui, de renforcer l'opération de formation des magistrats et d'unifier les méthodes de travail au niveau des juridictions (...). » Selon le conférencier, « la relation qui lie les magistrats du parquet aux juges d'instruction est une relation de complémentarité, de coopération et de coordination dans la réalisation de l'action judiciaire ». Pourtant, la réalité du terrain est tout autre. L'ensemble des intervenants, juges et procureurs, a soulevé les problèmes liés à la procédure judiciaire. Problèmes qui souvent ont pour conséquence le retard dans le traitement des affaires. Mohamed Mahfoudi, de l'inspection générale, a noté que le courrier et les registres judiciaires sont souvent mal tenus par les parquetiers pour des raisons multiples. Dans le volet application des peines, Tayeb Belmakhfi, toujours de l'inspection, a constaté à travers les opérations de contrôle que les juges font souvent des « erreurs » dans la notification des peines, notamment celles prononcées par défaut. A ce sujet, un juge du tribunal de Boumerdès a noté qu'il s'agit là d'« une équation très difficile à résoudre dans la mesure où il faut allier le principe d'équité qui engage la crédibilité de la justice et celui des libertés individuelles ». Certains juges se sont interrogés comment la justice compte-t-elle faire pour récupérer les centaines de milliards d'amendes forfaitaires. M. Sahraoui a affirmé que le taux de recouvrement des amendes a atteint 26%. Il existe actuellement, a-t-il expliqué, 1000 recettes des contributions diverses, contre 400 seulement il y a quelques années. Il a ajouté que 30% des contrevenants au code de la route s'acquittent des amendes qui leur ont été dressées. Au sujet du volet lié aux objets confisqués, M. Bouzina a relevé les nombreux problèmes auxquels font face les magistrats, notamment l'absence dans de nombreux tribunaux de la balance de pesée (pour la drogue et l'or), de comptes bancaires pour placer la monnaie locale et en devise confisquée, les compteurs à billets... Un manque de moyens perturbant souvent le travail des magistrats. Des magistrats ont parlé de l'exiguïté des lieux de saisie, mais également des saisies d'objets appartenant à l'Etat, comme par exemple les armes des GLD. Ils ont, par ailleurs, soulevé le cas de la cigarette étrangère saisie au sud du pays et qui, selon la loi de finances 2003, doit être remise aux services des douanes pour destruction avant même la fin de la procédure judiciaire. D'autres se sont demandés si le citoyen est en droit de réclamer des dommages lorsque son véhicule saisi durant des années subit des dégâts. L'axe plainte avec constitution de partie civile a été le plus houleux. L'inspecteur général a déclaré, à ce sujet, que 50% du retard enregistré dans le traitement des affaires concernent cette catégorie de dossiers. Abordant la question de l'organisation de la chambre d'instruction, Noureddine Merrouche a clairement expliqué que les juges gèrent très mal leur juridiction. « 50% des retards au niveau de ces chambres sont dus à la mauvaise gestion », a déclaré M. Sahraoui. De nombreux juges ont expliqué ces défaillances par « le manque de moyens les plus élémentaires, à commencer par les machines à écrire, avant même d'arriver aux micro-ordinateurs, mais aussi le nombre volumineux d'affaires que nous traitons ». Un juge a déclaré que cette histoire de statistiques a négativement influé sur le rendement. « Une affaire où le juge entend plus de 400 personnes n'est pas la même que celle liée à une plainte pour un vol. » Les mêmes remarques ont été faites par Mme Assia Brik en abordant la détention préventive et le contrôle judiciaire qui a constaté que dans 50% des juridictions qu'elle contrôle, les juges gèrent mal. « Les juges ne suivent pas le contrôle judiciaire et nous avons remarqué de grandes faiblesses dans les procédures de mise sous mandat de dépôt. Les juges ne notifient pas la cessation de poursuite pour annuler les recherches. »