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« Le peuple iranien n'a pas voulu que l'étranger lui dicte son choix » Zeina El Tibi. Présidente de l'observatoire d'études géopolitiques à Paris et codirectrice de la revue Etudes géopolitiques (Paris)
Quel message envoie le peuple iranien au monde à travers la réélection d'Ahmadinejad ? Le premier message est que le peuple iranien n'a pas voulu voter pour un candidat, Mir Hossein Moussavi, qui semblait être le candidat de l'Occident. Il n'a pas voulu que l'étranger lui dicte son choix. En outre, on peut considérer que les médias et certains observateurs occidentaux ont fait une erreur de taille en prenant leurs désirs pour des réalités et en surestimant la force du courant prétendument « modéré ». L'Occident a donc soutenu plus ou moins clairement Moussavi, mais est-ce que celui-ci diffère de Mahmoud Ahmadinejad sur les fondamentaux de la politique iranienne ? Il est clair que les Etats occidentaux ne savent pas comment sortir de l'impasse avec l'Iran. Les Etats-Unis n'ont qu'une idée en tête : revenir en Iran. Pour cela, ils se seraient bien accommodés de l'élection de Moussavi pour trouver un prétexte à un rapprochement avec Téhéran. C'est de l'hypocrisie pure, car Moussavi n'est pas un personnage plus recommandable qu'Ahmadinejad. Il ne faut pas oublier qu'il a été Premier ministre sous Khomeiny et l'un des jusqu'au-boutistes de la guerre contre l'Irak. Il est fondamentalement anti-arabe. En plus, c'est sous son gouvernement que la terreur et la répression ont été les plus dures. Simplement, Moussavi pratique mieux l'art de la dissimulation (taqiyya). Quel serait la stratégie américaine avec l'Iran, maintenant que l'espoir de se débarrasser du radical Ahmadinejad s'est évaporé ? Il faudra que les Etats-Unis prennent la dimension de la réalité iranienne. Pour eux, cela n'est pas facile, car M. Ahmadinejad est considéré comme un dirigeant infréquentable qui ne peut constituer un partenaire. Mais il faut rappeler que ce n'est pas lui qui exerce toute la réalité du pouvoir : il y a aussi le Guide de la révolution et les divers organes d'un système complexe. Par ailleurs, il faut faire la part des choses entre l'affichage d'une hostilité à l'Iran et la réalité de tractations et d'ententes ponctuelles entre les Etats-Unis et l'Iran, notamment en Irak et en Afghanistan. Justement, une alliance stratégique Iran-USA est-elle envisageable à l'avenir dans la perspective de règlement des guerres en Afghanistan et en Irak, surtout que Susan Rice a déclaré que la politique américaine à l'égard de l'Iran ne dépendait pas des résultats de la présidentielle ? Il faut être clair. Les Etats-Unis ont toujours eu pour objectif de constituer une alliance avec l'Iran, les Perses, pour prendre les Arabes en tenailles entre ce pays et Israël et la Turquie, qui sont leurs deux alliés privilégiés. Jusqu'à présent, la politique américaine a été toujours anti-arabe dans la mesure où elle a constamment cherché à affaiblir la nation arabe au profit d'Israël et de l'Iran, y compris durant la guerre Irak-Iran puisque les Américains et les Israéliens aidaient Téhéran contre l'Irak arabe (souvenons-nous de l'Irangate). Il faut bien voir que les Etats-Unis ont besoin de l'Iran pour continuer à occuper l'Irak et agir à leur guise en Afghanistan. En Irak, les Etats-Unis ont donné le pouvoir à des gens qui sont proches de Téhéran et ce sont principalement les Iraniens qui tirent les ficelles à Baghdad. Ni Washington ni Téhéran n'ont envie de voir se restaurer en Irak un pouvoir national, unitaire et solidaire de la nation arabe. En Afghanistan, les Iraniens – qui sont liés à des minorités ethniques chiites – ne jouent pas contre les Etats-Unis, bien au contraire ! Comment voyez-vous l'évolution du dossier de la crise nucléaire entre l'Iran et les Etats-Unis ? Y a-t-il un risque d'attaque américaine ou israélienne contre l'Iran ? Il y aurait un moyen de résoudre la crise : c'est, d'abord, la dénucléarisation militaire totale du Proche-Orient, à commencer par l'Etat d'Israël. Dès lors plus personne n'aurait la moindre raison de poursuivre des efforts pour se doter de l'arme nucléaire. C'est aussi la pacification de la région en résolvant les crises, à commencer par celle de la Palestine. Pour ce qui concerne le risque d'une attaque américaine contre l'Iran, il est probable que celui-ci est réduit, car l'Iran pourrait en représailles mettre le feu à l'Irak, bloquer le Golfe arabe dans la zone d'Ormuz et sortir de sa neutralité bienveillante en Afghanistan. A priori, je ne pense pas que le président Obama – qui semble plus prudent que Bush – soit prêt à s'engager dans une telle aventure. En revanche, il pourrait exister un risque de la part d'Israël dans la mesure où ce pays est dirigé par des extrémistes, mais là encore, je pense que le risque est assez faible, car les dirigeants israéliens, qui ne veulent pas résoudre la question palestinienne et ne veulent pas d'une paix juste avec les Arabes, ont besoin de l'agitation et la prétendue menace iranienne pour camper sur des positions intransigeantes. De plus, on peut penser que les Iraniens se servent surtout de la Palestine comme d'une carte, mais ils ne se soucient pas vraiment de son sort ; ce qui les intéresse c'est surtout d'exercer une sorte d'hégémonie au Proche-Orient face aux Arabes et aux Turcs.