L'onde de choc de la réélection de Mahmoud Ahmadinejad a dû être ressentie hier dans toute l'Europe et bien sûr aux Etats-Unis. Et pour cause ! Le « chouchou » de Washington, Paris, Berlin et Londres, Mir Hossein Moussavi, a été battu à plate couture par l'« épouvantail » de président Ahmadinejad. Et c'est le cauchemar qui continue pour les pays occidentaux qui croyaient avoir trouvé un dirigeant « moins mauvais » pour l'Iran. Avec un score sans appel de 62,63% des suffrages exprimés, soit 24 527 516 de voix, le candidat du « peuple » a carrément balayé son rival et néanmoins ex-Premier ministre Moussavi qui n'a recueilli que 33,75%, soit 13 216 411 voix. Pour ceux qui, en Occident, tiraient des plans sur la comète en s'empressant d'enterrer Ahmadinejad, la réponse du peuple iranien a eu l'effet d'une gifle. Les agences de presse des pays européens qui s'épanchaient hier sur les manifestations à Téhéran des partisans de Moussavi qui contestaient le taux de participation annoncé (85%), feignaient d'oublier les comptes rendus « impressionnés » de leurs envoyés spéciaux sur les foules gigantesques devant les bureaux de vote ! Il faut dire que le conditionnement médiatique était tel que la victoire de Moussavi – plutôt la défaite de Ahmadinejad – était quasiment scellée avant même que le peuple iranien ne dise son mot. Il faut croire que le caractère spectaculaire du personnage et son verbe incisif et corrosif dès qu'il est question des Etats-Unis ou d'Israël a fait de lui une coqueluche médiatique mais pas forcément désirée. Si l'on doit retenir quelque chose de cette élection, c'est incontestablement la leçon d'un peuple iranien qui ne prête pas son oreille à ce qui se dit dans les cénacles occidentaux. Le fait est que, bon ou mauvais, populiste ou agressif, Ahmadinejad a eu largement les faveurs de son peuple qui a trouvé en lui l'homme qui entend restituer la grandeur de l'antique Perse. La vision de l'Occident selon laquelle Ahmadinejad incarnait le parfait provocateur qui s'amuse à réduire jusqu'à la caricature le fameux « holocauste » et qui s'accroche à son droit de développer l'industrie nucléaire, est perçue différemment à Téhéran. Dans son pays, et cette présidentielle l'a prouvé, Ahmadinejad est élevé au rang de héros national qui tient tête aux puissants de ce monde, même sous embargo. Eh oui, « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà », disait Pascal… Moussavi : « Chah » de l'occident ! L'erreur fatale des stratèges occidentaux a été de dissocier cet homme de son peuple mais surtout des vrais décideurs – le guide suprême de la Révolution – dont il est le poulain. L'ayatollah Ali Khamenei n'a pas hésité hier à qualifier de « vraie fête » et de « succès massif » le triomphe d'Ahmadinejad. « La participation de plus de 80% et les 24 millions de voix pour le président élu sont une vraie fête qui peut garantir le progrès du pays, la sécurité nationale et une joie durable », a commenté le haut dignitaire, sur la chaîne de télévision d'Etat. Aux Etats-Unis, on semble plutôt avoir prédit la victoire de Ahmadinejad. Pragmatique, Barack Obama n'a pas écarté la possibilité de travailler avec l'Iran, quel que soit son président. Le président des USA a en effet souhaité « un dialogue ferme mais direct avec Téhéran », et a estimé qu'un « changement » était « possible dans les relations bilatérales, quel que soit le vainqueur du scrutin ». Ce qui est sûr, c'est que la réélection de Ahmadinejad va entraîner une redistribution des cartes et peut-être même de nouvelles alliances, inimaginables il y a quelque temps.