Comme il fallait s'y attendre, le régime de Téhéran, qui a été pris de court devant l'ampleur des manifestations contre la « fraude » des partisans de Moussavi, vient de sortir son artillerie lourde : les redoutables Gardiens de la révolution. En effet, depuis hier, les éléments de ce corps d'élite de la République islamique ont fait irruption dans les rues de Téhéran et averti les intrépides partisans de Moussavi qu'ils allaient les « écraser », si d'aventure ils tentaient d'organiser une nouvelle manifestation contre la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. Ultime et dernière démonstration de force avant que ce bras armé du régime des ayatollahs ne passe à l'acte. Et cette menace n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd puisque seules quelques centaines d'irréductibles ont bravé hier l'interdit. Mais ce fut juste un petit tour, visiblement destiné à entretenir la flamme d'une protesta citoyenne qui s'essouffle sous les coups de matraque, de bâton, de câbles d'acier, des arrestations massives mais également des morts et des blessés. L'entrée en scène des gardiens du temple de Khamenei vient traduire la menace de ce dernier de « sévir » lors de son prêche vendredi dernier. Un communiqué officiel cité par l'agence Mehr a donné hier une couverture « légale » à cette menace : « Les Gardiens de la révolution, les bassidjis (milice islamique dépendant des Gardiens, ndlr) et les autres forces de l'ordre et de sécurité sont prêts à mener une action décisive et révolutionnaire pour (...) mettre un terme au complot et aux émeutes. » Les bras armés C'est dire que le régime de Téhéran est passé à l'alerte rouge en mettant pour la première fois à contribution l'armée des pasdarans, ultime rempart contre la révolte des manifestants. Conscient des dangers qu'encourent ses partisans, l'ancien Premier ministre et candidat malheureux, les a exhortés « d'éviter toute provocation ». Il a également demandé à la police et l'armée « à ne pas agir de manière irréparable ». Il ne baisse pas les bras pour autant. Mir Hossein Moussavi a enjoint à ses partisans de « poursuivre » le mouvement, estimant que « protester contre le mensonge et la fraude était leur droit ». Mais l'irruption des pasdarans risque fort de refroidir ses ardeurs, lui qui connaît parfaitement le mode opératoire du régime en pareille circonstance. Déjà que 17 personnes ont été tuées, une centaine d'autres blessées et plus de 450 arrestées, l'Iran risque de basculer dans un bain de sang si les Gardiens de la révolution venaient à lancer leur « révolution ». Ceci concernant la gestion « sécuritaire » des manifestations. Sur le plan diplomatique, l'Iran à lancé une charge contre les pays occidentaux qu'il accuse d'« ingérence ». Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hassan Ghashghavi, a dénoncé notamment la réaction de la France. « Quel droit ont-ils (les Français, ndlr) de faire de telles remarques inappropriées et irresponsables ? », s'est-il indigné face à la demande de la France d'annuler les résultats des élections. Et comme pour lancer plusieurs fers au feu, Téhéran a actionné hier quatre associations d'étudiants pour manifester devant l'ambassade du Royaume-Uni à Téhéran pour dénoncer « l'ingérence » du gouvernement « pervers de Grande-Bretagne ». Quant aux suites à donner à la requête de Moussavi Abbas Ali Kadkhodaie, porte-parole du Conseil des gardiens de la Constitution, a confirmé que le verdict sera rendu aujourd'hui. Mais il ne faut pas trop se faire d'illusions sur l'oracle qui sera rendu. « Cela n'aura pas une influence importante sur les résultats de l'élection », a prévenu ce « gardien » de la Constitution.