Rue Hassiba Ben Bouali, l'une des artères les plus commerçantes d'Alger. Friperie Les 3 F. Un bout de papier collé à la devanture de ce magasin annonce un prix promotionnel : 250 DA la pièce. A l'intérieur, il faut jouer des coudes pour se frayer un passage. Femmes, personnes âgées et jeunes filles s'affairent à dénicher leurs « vêtements ». Pourquoi ce rush ? Hakim, étudiant en interprétariat, tente une explication. A vec un coût de la vie de plus en plus élevé, on est obligé de venir ici », estime-t-il. Et d'ajouter : « Je consacre un partie de ma bourse (2700 DA) à l'achat de quelques pulls et chemises à raison de 250 DA la pièce. » Pour Hakim, ces mêmes habits coûtent les yeux de la tête dans les magasins de vêtements branchés. « Pourquoi irai-je m'offrir des vêtements ailleurs alors que je peux m'en procurer ici à moindres frais. Des sous épargnés que je consacre à l'achat de mes livres », dit-il. Encore faut-il négocier avec les vendeurs. Parfois, il est des vendeurs têtus. Le gérant du magasin, un jeune à l'allure athlétique, nous confie que sa boutique ne désemplit pas, surtout à l'approche des fêtes de l'Aïd ou de la rentrée sociale, périodes de grandes dépenses. « On voit toutes les couches de la société. Parfois, des jeunes filles qui n'ont pas l'air d'être dans le besoin viennent ici pour s'approvisionner », relate-t-il. Un avis que partage une femme pimpante : « Il m'arrive de trouver des pulls ou des chaussures qu'on ne peut pas trouver même dans des magasins de luxe. Ce sont des pièces rares ou redevenues à la mode. C'est d'ailleurs pourquoi je viens ici de temps en temps pour trouver l'article rare. » Dans une autre échoppe située non loin, près de l'hôpital Mustapha Bacha, des citoyens sortent les bras chargés. Une plaque annonce un nouvel arrivage de vêtements usagés. Une dame d'un certain âge franchit le seuil du magasin en grommelant à la face du vendeur : « Les prix affichés sont excessifs. » Le propriétaire ne bronche pas, se contentant de lâcher un sourire espiègle. « Les tarifs ne sont plus ceux d'il y a quelques années. Même à 500 DA la pièce, je ne peux m'offrir ce que je veux. Je préfère chercher dans d'autres échoppes de la banlieue d'Alger. Là au moins les prix sont moins élevés », nous confie-t-elle avant de tourner les talons. Depuis la floraison de cette activité lucrative, de nombreux marchands pratiquent des prix plus ou moins élevés. « Notre commande nous parvient des pays du Golfe et de Chine. C'est normal que les premiers articles qui sont de qualité méritent un prix », précisent-ils, ajoutant que « les prix baissent au fur et à mesure que le stock diminue ». « Les émigrés aussi … » Quid de la clientèle ? Selon lui, il n'y a pas seulement les citoyens aux bourses moyennes ou les familles démunies qui achètent, mais aussi des personnes aisées à la recherche de pièces introuvables sur le marché local. A l'entendre, il y aurait même des « émigrés » qui envahissent les lieux en vue « d'acheter ou de vendre des vêtements élimés ». Les familles de « zmagra » n'hésitent pas, selon lui, à venir faire les courses dans l'espoir de se procurer des articles pour la famille ou les amis. « C'est une clientèle fidèle. En plus, ils déboursent sans compter », raconte-t-il, narquois. Les mêmes propos sont tenus par Ahmed, la trentaine, propriétaire d'un magasin de friperie sur la même artère. « Les immigrés viennent ici souvent acheter ou pour nous revendre des vêtements. Les prix ne posent pas de problème pour eux. Une fois l'article acheté, ils le repassent avant de l'offrir à un membre de la famille », indique-t-il. Une manière bien subtile de ne pas trop s'encombrer de bagages une fois de retour au pays. Risque sur la santé Même si le marché de la friperie offre une opportunité en raison des prix abordables, pour les bourses en difficulté et autres familles pauvres, il n'en demeure pas moins que le risque sur la santé est important. Les médecins spécialistes avertissent essentiellement contre les risques de dermatoses, à savoir l'allergie, les eczémas, les brûlures, les infections et les germes. Toutefois, beaucoup de citoyens ne semblent pas s'encombrer d'autant de mises en garde. Certains par ignorance du risque encouru, d'autres démunis, ne pouvant s'offrir le luxe d'acheter « ailleurs ». « Les vêtements sont stérilisés. Il suffit juste de les laver à la maison », rassure Ahmed. Ce n'est pas le cas de Salim, gérant d'un café maure, rencontré pas loin de ce magasin. Lui, a eu à vivre une mésaventure qu'il n'est pas près d'oublier. Salim jure ses grands dieux de ne plus remettre les pieds dans ces lieux « maudits » ! La raison ? « Une fois, j'ai acheté une paire de chaussures dans une friperie pour quelques broutilles (500 DA). Après deux semaines, j'avais les pieds rouges et des sensations de brûlures. Sollicité, un médecin m'a expliqué que ces chaussures étaient de mauvaise qualité et qu'elles seraient produites en Chine », se souvient-il. De leur côté, les revendeurs se défendent de tous les risques que leurs marchandises pourraient occasionner aux clients. « Ce n'est pas de notre faute s'il y a des cas de personnes ayant chopé une maladie ou autre. Je sais que les vêtements importés sont stérilisés, c'est tout ! », s'exclame l'un d'entre eux. Dans ce marché de gros sous, où la santé du citoyen est en jeu, les pouvoirs publics se doivent d'être plus vigilants dans le contrôle de qualité au niveau des douanes.