Batteur, compositeur et chanteur, Brice vit à Paris, mais reste attaché à la musique des ancêtres. Il est bamiléké, une ethnie de l'Ouest camerounais qui parle plusieurs dialectes. En traversant l'Atlantique, le jazz a, selon lui, légèrement changé de rythmique. Brice n'est pas dans la revendication récurrente sur l'origine africaine du jazz. « Je suis d'abord musicien avant d'être africain. On doit s'ouvrir et mélanger avec tout ce qu'on a appris des autres. Reste qu'on doit défendre d'où l'on vient », a précisé l'artiste, trois minutes avant de monter sur la scène de l'Auditorium de la Radio nationale, spectacle organisé dans le cadre du 2e Festival culturel panafricain (Panaf') d'Alger. Brice a commencé sa carrière presque naturellement en jouant sur des casseroles. Au Cameroun, le pays du Makossa, style musical mondialisé par Manu Dibango, le jeune artiste a appris à maîtriser les percussions. Au fil des temps, et avec son groupe, il a adopté le Drum and Bass style, dans lequel la batterie est au cœur d'un système harmonieux. Brice Wassy a côtoyé de grands batteurs, tels que Francis Lassus et Paco Sery (griot de la groove et de l'afrobeat, cet Ivoirien est une véritable icône). Le célèbre batteur new yorkais Leon Parker, qui a révolutionné le jeu de la cymbale et de la caisse, a dit un jour de Brice Wassy : « J'adore le feeling de ce batteur. » Face à un public acquis, Brice Wassy, accompagné de Thérèse Henri à la basse, Lisa Cat Berro au saxo et à la flûte, Mathieu Borgne au steel pan, Mathias Bernhein aux percussions et Brice Moscardini à la trompette, a présenté un plat varié. De la polyrythmie à plein tube ! On y trouve toutes les sonorités du classic jazz, de l'afro-jazz, de la groove et des airs traditionnels de l'Ouest africain. Brice Wassy nage entre les rythmes et les mélodies avec grand aise et joie apparente. Et, il n'hésite pas à improviser, à danser et à inviter le public a répéter des mots curieux. Il lance parfois des paroles à la Manu Dibango (Brice Wassy a joué pendant six ans avec le roi de la Makossa et le père de Waka Juju). Les textes sont en bamiléké, sa langue maternelle, et parfois en français, comme ce petit appel emprunté à la protest song « Démocratie-mangécratie ! »… J'ai toujours aimé le mélange de sons. Et puis le jazz c'est l'improvisation. Et l'improvisation est la base des musiques traditionnelles », a-t-il confié. Les puristes du jazz pourraient faire des grimaces. Mais Brice Wassy aime ce qu'il fait. « Et je le défends », a-t-il insisté. Il est favorable à un véritable travail pédagogique autour de la musique traditionnelle africaine pour « ouvrir l'oreille de l'autre » à cet héritage riche. Le groupe a interprété des extraits de ses trois albums Balengu Village, Méditations et Nga Funk. Depuis six ans, le groupe n'a produit aucun album, mais vient de mettre sur le marché un DVD sur un live au Queen Elisabeth Hall à Londres. Mais, il n'arrête pas de faire des tournées. Récemment, le groupe a animé un concert à Djibouti. En hiver, il était en Scandinavie. Brice Wassy a accompagné plusieurs célébrités du jazz, tels que Colin Walcott, Jim Pepper et Don Cherry. Il a même joué avec Myriam Makéba. Et, il a co-produit plusieurs albums comme ceux des Maliens Salif Keita ou Oumou Sangaré. Il est peiné par la situation de l'art musical au Cameroun où il s'y rend souvent. « Il y a beaucoup de choses qui ne se portent pas bien. Il faut engager une grande réflexion sur la lutte contre le piratage des disques », a-t-il dit. Il est fier d'être notable dans son village. « Je n'ai pas oublié le terroir », a-t-il confié. Le Centre-Africain Gervais Lakosso, qui a précédé Brice Wassy sur scène, n'est pas loin de cet esprit. Auteur, compositeur, interprète et comédien, Gervais Lakosso fait de l'afro acoustik qui fait l'économie des instruments : guitare classique et percussion. Il y a des textes et des contes également. Gervais Lakosso a surpris le public par la mise en musique d'un conte sur les aventures de Kunda la tortue et Baba l'araignée. Une histoire pleine de sagesse comme la plupart des contes africains. Et il n'a pas, à la manière d'un professeur, des arbres géants et touffus des forêts tropicales. « Quand on est passé par Zéralda, on nous a dit voici la forêt. On leur a répondu : ‘‘mais où est la forêt ? », a-t-il plaisanté. GervaisLakosso, accompagné du percussionniste Kombe Buenaventura, a interprété une chanson dédiée à l'Afrique : « Ecoutes Afrique, l'enfant qui pleure, qui joue et qui chante. Qui chante le passé et l'histoire. » Gervais Lakosso, 40 ans, fait de la musique depuis dix ans avec le groupe Les Jardiniers de Dieu. Il a fait plusieurs concerts en Europe et en Afrique. « C'est la première fois que je viens en Algérie. Je traverse souvent ce pays lorsque je pars en Europe sans m'arrêter », a-t-il reconnu. Il est important, selon lui, de maintenir l'organisation du Panaf au moins chaque deux ans. « La prochaine révolution, qui peut véritablement libérer l'Afrique, est culturelle. La culture est la véritable richesse de l'Afrique. La parade d'ouverture du Panaf' a mis en valeur cela. Il faut que les politiques suivent le mouvement culturel », a soutenu Gervais Lakusso. Brice Wassy a, lui, aussi appelé à renouveler l'expérience du Panaf'. « Peut être que d'autres pays vont prendre le relais. Espérons-le ! Pourquoi pas le Cameroun ou le Sénégal », a-t-il dit.