Après avoir annoncé des investissements à hauteur de 40 milliards de dollars, le groupe immobilier émirati Emaar s'est cassé le nez au bout de quelques mois seulement de spéculation. En mai dernier, lors de la tenue de la 7e session de la commission mixte algéro-émiratie, l'on avait annoncé que les investissements émiratis en Algérie s'élevaient à 40 milliards de dollars. A l'Agence nationale de développement de l'investissement (Andi), le montant des projets émirats inscrits entre 2002 et 2007 ne dépasse pas les 76,6 milliards de dinars, soit 1,1 milliard de dollars. Fin 2008, date de la dernière actualisation opérée sur la liste des projets d'investissement déclarés auprès de l'Andi, l'on enregistrait 38 projets d'investissement arabes d'un montant global de 405,098 milliards de dinars. C'est-à-dire que les chiffres dont disposait l'Andi depuis 2002 sont très loin des 40 milliards de dollars d'intentions d'investissement déclarées par les Emiratis de Emaar, mais loin aussi des 20 milliards de dollars déclarés par l'autre investisseur émirati, Emirates International Investement Company (EIIC). Cette campagne des chiffres menée par les investisseurs émiratis avait généré, à fin 2008-début 2009 une bulle d'environ 60 milliards de dollars d'investissements spéculatifs. Début 2008, les autorités algériennes en charge de l'investissement direct étranger se sont pleinement impliquées dans cette « tornade » spéculative. Le président de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie, Brahim Bendjaber, avait annoncé, le 20 janvier 2008, en marge du 3e Forum économique d'Alger, que les investissements arabes en Algérie étaient évalués à 9,5 milliards de dollars au premier semestre 2007. Le même responsable avait prévu également qu'avec les projets proposés, le chiffre atteindrait les 40 milliards de dollars d'investissement. M. Bendjaber avait même annoncé que le groupe Emaar entendait démarrer ses projets d'investissement dès le mois de mars de l'année écoulée. Il n'est pas le seul à avoir participé, directement ou indirectement, à « l'amplification » de cette campagne de spéculation. Le ministère de Abdelhamid Temmar estimait que les investissements arabes avaient été de l'ordre de 7 milliards de dollars en 2007. Durant la même année, le transfert des capitaux vers l'étranger, par des entreprises étrangères implantées en Algérie, a atteint un chiffre faramineux de 7 milliards de dollars. Ce que Emaar n'a pas dit Le ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements a prévu, pour les années 2008 et 2009, un volume d'investissement de 19 milliards de dollars. Résultats des courses : l'Andi a estimé, dans un document évaluatif qui nous a été transmis, que le nombre de projets d'investissement arabes déclarés n'était que de 38 en 2008, d'une valeur de 405,098 milliards de dinars. Le chiffre global des IDE déclarés en 2008 s'était établi à 102 projets (investissements arabes compris), d'une valeur globale de 897,591 milliards de dinars. Ceci, alors que le ministère des Finances estime que la moyenne annuelle des IDE en Algérie est de l'ordre de un milliard de dollars. Rattrapé par une crise financière aiguë, Emaar, pour expliquer les raisons de son échec en Algérie, a préféré évoquer « l'absence de progrès sur ses projets dans les pays d'Afrique du Nord ». « En raison d'une absence de progrès qui est au-delà du contrôle de l'entreprise, le bureau mis en place pour conduire ces projets a été fermé », a déclaré l'investisseur émirati. Le 12 février 2009, le patron d'Emaar a annoncé le gel de toutes les ventes ainsi que de tous les projets du groupe qui ne sont pas encore en chantier, à comprendre ceux prévus en Algérie. Les pertes globales d'Emaar au quatrième trimestre 2008 ont entraîné une réduction de moitié de ses bénéfices annuels par rapport à 2007. Pour la première fois de son histoire, Emaar a publié, en février, une perte nette de l'ordre de 1,768 milliard de dirhams, soit 481,337 millions de dollars pour le dernier trimestre 2008. Pis, la chute du « géant » s'est poursuivie et s'est traduite par l'effondrement, fin juin, de 10% de l'action du groupe en Bourse. Le 3 juillet dernier, l'action d'Emaar a chuté de 5,79% à la Bourse de Dubaï. Les projets du groupe souffrent de plusieurs retards. Il sied de citer, à titre indicatif, le projet de Burj Dubai, la plus haute tour du monde, qui totalisent déjà trois mois de retard. Pour rééquilibrer ses comptes, Emaar a fusionné, il y a quelques jours, avec trois sociétés de moindre importance. Il s'agit de Dubaï Properties, Sama Dubaï et Tatweer. Ces trois entreprises font partie de Dubaï Holding, détenue par le cheikh Mohamed Bin Rashid Al Maktoum, souverain de Dubaï. Dubaï Holding souffre d'un passif inconnu et la plupart de ses projets sont proposés à la vente. Les analystes sont sceptiques quant à cette fusion qui, selon eux, témoigne d'une volonté, au nom du cheikh Mohammed Bin Rashid Al Maktoum, de consolider les empires de ses lieutenants. Mais ils redoutent surtout la chute du groupe à l'international, d'autant qu'il souffre de manque de visibilité et de stratégie à l'avenir. Joint par téléphone, le responsable du groupe Emaar en Algérie, M. Sefouane, a refusé de s'expliquer sous prétexte qu'il est « interdit de communiquer avec la presse ». Le second groupe émirati implanté en Algérie, EIIC, s'est refusé aussi à s'expliquer sur l'avancement de ses projets en Algérie, dont le coût global avoisine les 20 milliards de dollars. Sans commentaire !