Le Conseil des ministres a décidé de faire du vendredi et du samedi jours de congé hebdomadaire. Cette mesure a été saluée par les opérateurs économiques, mais diversement accueillie par le petit peuple. « Le président Bouteflika, aussitôt revenu aux affaires en 1999, aurait pu prendre une telle action les premiers jours. Boumediène a décidé en 1976 de prendre le contre-pied de ses collaborateurs et c'est 33 ans plus tard que son fidèle adjoint lui donne l'estocade. Il n'y a pas meilleur façon de tuer le père », assure Lyes, qui a rejoint une entreprise publique de textile au début des années 1970. « Beaucoup à l'époque ne s'expliquaient pas ce revirement. Mais cela ne s'est pas fait sentir du fait que les entreprises socialistes ne fonctionnaient pas réellement. Le sureffectif et la gabegie avaient tout bloqué. Le week-end, chez nous, durait toute la semaine », se souvient-il. Il affirme néanmoins que cette mesure ne s'appliquera pas à lui : « Cette formule ne s'appliquera pas à moi, du moment que je quitte mon poste en octobre. » Son collègue Khaled, plus jeune, salue cette décision. « C'est une bonne chose, mieux vaut tard que jamais. Si une partie de la population s'attachait au vendredi, elle ne peut toutefois dicter ses choix à la majorité. Le Forum des chefs d'entreprise n'a pas attendu cette décision d'en haut pour réagir. Plusieurs sociétés nationales et étrangères ont en effet opté pour le week-end universel depuis plusieurs mois. Avec cette décision, c'est une journée en plus de gagner », soutient-il. Noureddine B. est plus cassant : « La chose est universelle ou elle ne l'est pas. La demi-mesure est une manière de noyer le poisson ! Un poisson pourri de surcroît... » Jeune informaticien dans une entreprise privé à Alger, Noureddine est sceptique : « Ce redressement temporel a des conséquences imprévues. La manière de l'appliquer provoquera à coup sûr la pagaille. » « Des salles des fêtes fermeront le vendredi et les clients seront malmenés, des sociétés verront leurs horaires chamboulés et leurs employés seront obligés de changer de lieux d'hébergement », résume-t-il. « L'Etat a perdu beaucoup de temps avant de changer de cap. Mais cette mesure obéit-elle à une rationalité économique ou a-t-elle été prise à la hussarde ? », s'interroge Salim, qui dit ignorer le contenu d'une mesure décidée entre les deux sessions du Parlement. Haut fonctionnaire, ce quinquagénaire affirme que le gouvernement « a toujours été à la traîne d'une société qui évolue. C'est bien qu'il rectifie le tir, après des années de retard, par cette mesure. Mais cela l'absoudra-t-il pour autant de ses graves fautes ? ». Djamel, autre fonctionnaire rencontré à l'annexe de la wilaya d'Alger, à El Biar, affirme que les pouvoirs publics doivent expliquer davantage cette mesure. « Moi je ne travaille pas le jeudi et le vendredi. Avec cette mesure, je ne sais pas si je peux bénéficier des mêmes avantages. Des explications doivent être données aux bataillons de fonctionnaires qui ne pourront plus profiter en totalité de leur journée du vendredi. Quoi qu'il en soit, il est difficile d'obliger le commun des employés de l'administration et des banques à venir pointer vendredi. Le changement ne se décrète pas », assène-t-il. La trentaine, Amina se veut, elle, plus pragmatique. Travaillant dans une société qui l'oblige à être présente le vendredi, cette habitante d'El Biar dira que le changement lui permettra de revenir à ses « habitudes de lycéenne ». « Chez nous, le vendredi est pour le repos. Je peux désormais faire la sieste et ma prière à temps », assène-t-elle. « Ces mesures vont-elles changer quelque chose, notre rythme quotidien peut-être ? Je n'y crois pas trop. Que les caisses débordent d'argent ou pas, moi je n'en profite pas pour la simple raison que je suis chômeur. Pour moi, tous les jours sont pareils. Les questions sur le PIB et les pertes, ce n'est pas mon dada », explique Ali, diplômé d'histoire et « au chômage depuis 6 ans ».