«L'écriture n'arrive pas qu'aux autres… Personne n'apprend vraiment à écrire, on s'y jette un jour, comme un banal besoin d'air pur, un geste de sauvegarde, un espace à gagner sur le rationnel, un lieu de retrouvailles avec sa propre histoire, avec sa part d'humanité. Aucune évidence préétablie, pas même un soupçon de vocation… Juste quelques notes poétiques que l'on sort de soi pour conjurer le doute.» Ces propos du poète Yacine Mahideb conviennent qu'il est destiné pour écrire. C'était il y a pas longtemps, dit-il. Il est en plein carrière militaire, une douceur d'une plume est née. Pas du tout un miracle, mais une suite logique pour déverser sa douleur et ses chagrins dans des mots bien choisis. Trois ans après la galère des années de guerre, la mobilisation militaire, «la frustration d'une victoire dépourvue de goût, la déraison, la maladie subite et violente et le long travail» sur soi qui consiste, en tout, à réorganiser l'ordre des priorités dans sa vie et qui choisit donc, «la force des mots et la beauté du verbe» plutôt que le divan coûteux et pas forcément efficace d'un psychanalyste… A ce moment-là, décision : il était temps d'écrire, de jeter des mots, des pensées, qui ressemblent à tous ceux que l'idée même de révolte effleure depuis longtemps, que la volonté d'agir sur l'ordre des choses mobilise, que les cris, las d'être murmurés, transcendent enfin les ordinaires. L'écriture vient donc à son insu, sans prévenir, comme l'urgence d'une respiration haletante, une porte qui s'ouvre devant lui, une lumière qui se lève pour éclairer son chemin. Oui, elle est cette lucidité qui habille sa vision des choses et une conscience retrouvée. Et puis il y a les mots, les vers, les strophes, d'une poésie à la solde de ses humeurs, c'est aussi ses engagements, ses sentiments griffonnés sur les feuilles de papier froissées. Une beauté qui s'offre à ses yeux comme une aquarelle, ses carnets de voyage encore secrets, ses notes de découvertes, ses mots jetés à vif pour décrire les saisons, les sites visités, le sable trop jaune et les pierres vertes du Sahara, la baie rocheuse qui donne sur la mer, la sérénité qui se dégage de ces ressourcements. Voilà pourquoi les contemplations, les pensées et les souvenirs jaunis par le temps ont besoin d'encre et de la beauté des mots pour exister à jamais. A ce titre, tout ce qu'il demande, c'est qu'on ne se méprenne pas sur le verbe de ses poèmes et ne porte pas un jugement sévère sur cette poésie débutante qui, au vu des littéraires, pourrait peut-être gagner en intérêt rétrospectif, ce qu'elle risque de perdre en actualité. Mais quoi qu'il en soit, il y aura toujours une raison qui rendra ces contemplations plus qu'intéressantes, c'est l'opinion accréditée, de coutume, pour ne pas s'arrêter sur les idées reçues de ceux et celles qui donnent écho à la superfluité des choses. Ceci dit, sa poésie résume toute une vie tumultueuse, emplie de joies et de déceptions, le récit d'un homme grandi par bien des événements, un parcours chaotique mais toujours en éveil, et enfin s'intègre facilement dans la lecture intelligente des grandes mutations qui s'opèrent sur nous, à travers les phases de notre vie respective. – Ses ouvrages par ordre chronologique : – Arc-en-ciel (2017) – Editions La librairie des Inconnus (France) – Murmures du silence (2017) – Editions la librairie des Inconnus (France)) – Poética (2018) – Editions la librairie des Inconnus (France) – Au jardin des sens (2018) – Editions la librairie des Inconnus (France)) – Regards croisés (2018) – Editions du Net (France)) Ses ouvrages réédités en Algérie : – Au-delà des mots (Arc-en-ciel) (2018) – Editions Numidia (Algérie) – Poética (2018) – Editions Numidia (Algérie). – Yacine Mahideb Est né à Constantine, le 24 mars 1968. Il grandit orphelin de père. Il grandira en jeune homme engagé militairement. Il montera au maquis en tant que parachutiste. Et c'est dans les hauteurs de cette chaîne de montagnes sous un ciel lourd de plomb qu' il verra les plus monstrueuses horreurs. Une chose était positive dans ce trou à rats, c'était d'avoir eu comme compagnon sa plume. Grâce à elle, il avait pu griffonner sur du papier d'emballage de sa ration de café, tout ce vécu de la descente aux enfers de ces soldats engagés prêts à mourir pour leur nation ! Bien qu'il aspiraient à des jours meilleurs. Il mènera une vie qu'il décrit lui-même comme tumultueuse, emplie de joie et de déception. Auprès de son épouse et ses quatre enfants. Il ira alors plonger dans l'océan poétique des plus grands qui ont fait la littérature française. S'abreuver à la coupe de vers de Lamartine, Hugo, sans pour cela passer outre Baudelaire, Rimbaud, de la Fontaine et bien d'autres encore… Ses œuvres poétiques ont cette musicalité que tout oreille fine distingue entre la fluidité des rimes et l'enchaînement des strophes, dont la franchise d'expression et la subtilité lyrique ne laissent pas indifférent le lecteur. Il fut retenu au concours de la Journée mondiale du manuscrit francophone à Paris. Bonnes feuilles Un poète est né Lorsque ses yeux l'ont vu naître Un ange, enfant d'amour, qu'elle déteste Elle pleure son malheur de tout son être La bénédiction, un choix qu'elle conteste Puisque tu as si bien puni mon infortune Pour encore accabler mes tristes jours Et mes lendemains d'outrance jalonnent A la débauche, je donne en offrande, son corps. A l'abandon, je lègue la destinée de ce monstre Plutôt de nourrir le calice de ce chagrin Aux vents de la tourmente que souffle l'apôtre Maudite soit la vie de l'enfant pérégrin Elle ferme ainsi ses yeux sur sa haine Couvre l'enfant, qu'elle laisse sur le trottoir Donne libre cours aux larmes de sa peine Et le laisse à la merci, des brumes du soir Impénétrables, sont les desseins éternels Aussi cruels, à nos yeux semblent-ils Il a fallu un passant pour sauver le Graal Et faire de ses périples, un chemin fertile Voilà que sous la bienveillance divine Ses journées s'enivrent, en toute quiétude Sur son passage, les envies résonnent Et applaudissent, de mains ternes et rigides Béni soit le Seigneur, qui a banni ses souffrances Une vie de poète, comme ultime sainteté Comprendre la vie, s'enivrer de son essence En divin remède, contre toute impureté Il sait que le vers est l'ultime noblesse Pour faire valoir la grâce et la pureté Il a goûté le nectar exquis, en prémisse De voir sur terre, le trône céleste de la beauté Ni bijoux précieux, ni mets somptueux Ni couronne incrustée de perles et saphirs N'égalent la contemplation de l'œuvre de Dieu Et la beauté d'un vers porté sur le zéphyr Car la poésie tissée dans l'écrin de prières Puise l'abondance, dans l'univers de Dieu Dont les yeux du poète et son âme entière Reflètent gracieusement, la beauté des cieux. Miséricorde Divine Dieu dans sa miséricorde, un jour de grâce Accorde une audience à tous les oiseaux Et à cette inespérée et divine allégresse Les oiseaux se hâtent de faire entendre leurs doléances. L'aigle royal, comme à son habitude, prend parole Et débute sa plaidoirie, en faisant une révérence Oh Seigneur, contre toute frénésie frivole Accorde-nous la grâce de ton indulgence. Permettez-nous de déployer nos ailes De caresser les cimes et subvenir à nos besoins Nos corps chétifs et nos tiges menues et frêles Ne pouvons nous nourrir, ni nous porter bien loin. Dieu, dans sa clémence s'adresse à l'assistance Je crains pour vous le pire, mortels que vous êtes De contracter la vanité, l'orgueil et l'arrogance Et à votre perte, vous conduisent, l'ultime quête. Pour donner suite à votre demande Il faut se soumettre à mes conditions S'abreuver aux trois sources et je vous accorde De jouir des faveurs de cette distinction Vous trouverez à la première source Les vertus de l'humilité Dans ses eaux fraîches et douces Vos âmes vagabondes retrouveront la sérénité. Dans l'eau bénite de la deuxième fontaine Coule et ruisselle ses vertus, de la retenue Aussi loin que vous profiterez de l'aubaine Ne tuez point que pour ce qui a été convenu. À la troisième source, vous me faites allégeance D'obéir aux lois divines et leurs commandements De vivre et mourir dans le respect et la décence De savourer l'abondance et craindre mes châtiments Et c'est donc illuminés par ces consignes Que les oiseaux reçoivent la miséricorde du Seigneur Déploient leurs ailes, avec la grâce divine De voler et découvrir la joie des hauteurs. Les aiguilles du temps La vie s'égrène sur le fil du temps Et nous fait voir de toutes les couleurs Peut-on empêcher le fleuve, longtemps Avant qu'il se précipite et se jette à la mer L'homme d'aujourd'hui se croit éternel Invincible, il savoure les années d'insouciance Dégustant sa jeunesse, met au goût de miel Le bonheur de ces jours, occulte toute pertinence Pour mieux s'affirmer, il donne raison à sa fougue De l'élan à ses aspirations gourmandes Il emporte tout sur son passage et conjugue À sa perte, les années à détruire son monde Bien des années après, il se rend à l'évidence Et se hâte à vouloir bien faire, grincheux Toute est amertume, il pleure sa malchance Et jaloux, il tient rigueur au plus chanceux Sa tristesse a eu le dernier mot Sa chandelle a fini par s'éteindre Les aiguilles du temps ont effacé ses maux Et donne à sa fin, des jours plus tendres. L'incompris Textes sensés, ode de puissance Cœur épris, la quête est grandiose Des mots de maux en effervescence À la recherche d'un idéal, une osmose Solitaire, étranger, il erre en silence Son cœur plein de rage et de colère Il regrette tant de beauté, de magnificence À la merci d'esprits ignorants et austères A l'ignorance, on bâtit des édifices Qu'on garnisse de mille parures A son autel, en offrande, en sacrifice L'étincelle de vie, qu'on tue, par l'usure. Peut-on espérer, de ces décombres, une fleur Un mutant, des entrailles de la désolation Et d'aspirer à une renaissance et des jours meilleurs Et de caresser un jour, les cimes de l'élévation. Le paradoxe libérateur L'homme… Cet Animal qu'on veut bien endoctriner… L'homme, lorsqu'il trouve son équilibre, Au prix du bon sens et d'une certaine maturité Cloîtré dans son cœur qui vibre, Voulant ignorer son absurdité Renaître, oui, mais totalement libre. Quand la lucidité éclaire son esprit Comblé comme il voudrait bien l'être Une fois la métamorphose le prit De son intérieur, l'homme se fait connaître Une renaissance, une bouture qui mûrit Aux questions qui restent sans réponses Et les paradoxes, alors en lui, ancrés ! Un choix s'impose et il doit donc, saisir sa chance Changer ou continuer, sans rien censurer. Choisir alors la voie de la sagesse L'homme, de ses chaînes, se libère Il en sortira riche de cette ivresse La clairvoyance habite enfin son cœur. Au jardin des sens Se réinventer un autre Ailleurs Quoi de plus beau, de plus sensé Que d'aspirer à un monde meilleur Caresser ses horizons et les sphères de la pensée Faire le tri, quitter ce qui pèse Se donner le temps et prendre ses distances Renaître dans une autre genèse Retracer son chemin, grandir d'éloquence Tirer un trait sur ce qui est révolu Savourer le précieux de ce que tu possèdes Evoluer dans le beau, loin du superflu Chercher pour les maux, des mots en remède Au jardin des sens, le rêve est permis Il suffit de faire le point et franchir Le seuil de l'imaginaire caché, sous le vermis S'abreuver de son calice, goûter à l'élixir.