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Réda Djebbar (Enseignant-chercheur en sciences biologiques USTHB) « La présence de l'algue toxique dans l'eau de mer est l'hypothèse la plus plausible »
Des informations ont fait état d'une contamination contractée par les baigneurs sur les plages de Corso, dans la wilaya de Boumerdès, et de Aïn Témouchent. Une équipe du ministère de l'Environnement a procédé à une analyse physico-chimique et a conclu à une normalité des eaux de baignade. Il est naïf de croire que la mesure de la température, de la conductivité, du pH et de la teneur en oxygène pouvait être suffisante pour expliquer un phénomène de contamination. Une autre analyse bactériologique aurait été également réalisée et se serait révélée négative. En fait, seuls les germes banals, dits germes témoins de contamination fécale, ont été recherchés. Certains ont évoqué une probable pollution par des substances chimiques rejetées par des bateaux. Mais l'explication la plus invraisemblable (et la plus ridicule) est celle qui incrimine ce phénomène à une pollution atmosphérique (présence de substances volatiles) sous prétexte que des personnes qui ne se sont pas baignées ont également été contaminées. Comment peut-on expliquer alors que cette pollution ait touché uniquement deux localités distantes de plusieurs centaines de kilomètres et pas toute la zone ? En fait, une hypothèse a été avancée par certains et c'est la plus plausible : la présence dans l'eau de mer d'une algue toxique. En effet, ce phénomène a déjà été observé par le passé dans d'autres plages du nord de la Méditerranée : Catalogne (2004), Gênes (juillet 2005 et juillet 2006), Marseille (juillet 2006). Les symptômes sont : fièvre, toux, écoulement nasal, troubles respiratoires, nausée, conjonctivite, démangeaisons et même des éruptions cutanées. D'après une recherche bibliographique, ces effets incommodants seraient causés par une cyanobactérie dénommée Ostreopsis ovata. C'est une algue microscopique unicellulaire (groupe des dinoflagellés) présente habituellement dans les eaux chaudes tropicales. Son mode de vie aquatique est benthique (proche des fonds) et épiphyte (elle se fixe notamment sur les algues au fond des eaux). Lorsque les conditions environnementales lui sont favorables, cette algue peut donner lieu à des efflorescences ou blooms, qui constituent un problème émergent pour les eaux méditerranéennes. On observe, alors, la présence épisodique d'un mucilage sur les rochers et d'une mousse de couleur marron à la surface de l'eau, accompagnée de signes de souffrance des organismes marins. Les analyses ont montré que les agrégats présents à la surface de l'eau sont constitués de végétaux, de fragments de macrophytes, de plancton et de débris de crustacés agglomérés par du mucus. Ces éléments sont caractéristiques des blooms d'Ostreospsis. Parmi les facteurs responsables de cette prolifération méditerranéenne figurent la température élevée, l'usage fréquent de gros blocs de pierre pour lutter contre l'érosion des plages, qui crée des zones d'eaux peu profondes et exposées au soleil, les endroits riches en éléments nutritifs tels que la proximité des estuaires, une haute pression atmosphérique, une mer calme et l'absence de vent pendant plusieurs jours. Cette algue produit une toxine, la palytoxine, qui peut intoxiquer l'homme de deux manières différentes. Par inhalation, tout d'abord. Lorsque les cellules sont emportées dans les aérosols marins, elles se lysent et libèrent alors les toxines qu'elles contiennent, provoquant des troubles 3 heures après inhalation. Ce qui explique que des personnes qui ne se sont pas baignées aient été également affectées. Les signes cliniques se résorbent généralement quelques heures à 24 heures après leur apparition. Au pire, 48 heures. L'intoxication peut se faire également par contamination alimentaire lorsque les fruits de mer et les poissons absorbent et accumulent la toxine dans leurs tissus. Le consommateur peut alors souffrir de troubles digestifs et de crampes abdominales, pouvant aller jusqu'à de graves perturbations rénales et, lors des cas extrêmes, à la mort des patients. La première observation d'Ostreopsis ovata décrite en Méditerranée remonte à 1972 à Villefranche-sur-Mer (France). Elle est depuis ces dernières années régulièrement signalée le long des côtes méditerranéennes de France, de Monaco et d'Italie. Ce problème devenant chronique, il pose de nouvelles contraintes aux autorités concernées afin de garantir la sécurité sanitaire des eaux de baignade et des produits de la mer. J'invite les spécialistes à orienter leurs recherches dans ce sens.