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« Il n'y a pas de littérature sans ratures »
Eugène Ebodé (Ecrivain camerounais)
Publié dans El Watan le 31 - 07 - 2009

Eugène Ebodé, 47 ans, est un écrivain camerounais. Il a, à la faveur du deuxième Festival panafricain, participé à une résidence d'écriture à Alger. C'est la première fois qu'il rend visite à l'Algérie. Il est l'auteur de plusieurs essais, romans, contes et recueils de nouvelles et de poésie. Il est connu par sa trilogie La Transmission, La Divine Colère et « Silikani », publiée en France à partir de 2002.
Vous parlez souvent du « don des morts »...
Je suis venu à la littérature en lisant les autres. On a besoin de se connecter à la parole ancienne. Des voix qui portent ce que j'appelle le don des morts, ce qui survit aux vivants. On a le sentiment qu'on n'est pas seul, qu'on n'est pas nu et qu'on a reçu un héritage qu'on peut essayer de faire fructifier en le revisitant pour qu'il ne soit pas un héritage mort. Donc, en lisant les classiques et en lisant sur les lèvres de mon oncle conteur, j'ai eu envie, à mon tour, de raconter. J'ai passé deux années dans mon village. Pas dans le village de mon grand-père, Zakaria Ebode, mais au village de ma grand-mère. Ce village s'appelle Long. Il est situé au sud du Cameroun.
Quels sont les classiques que vous avez lus ?
Des classiques africains : Aimé Cesaire, Léopold Sedar Senghor et Camara Laye. L'histoire du lièvre de Senghor me plaisait beaucoup avec un animal rusé qui essaye d'échapper à tout le monde, une histoire sympathique. J'ai aussi lu naturellement la littérature russe qui m'a meublé. J'ai rempli ma chambre et mes armoires des livres et de ces choses qui venaient de loin. Et quand, j'ai lu les Frères Karamazov de Dostoveisky, il y avait une telle puissance et une telle folie. On nous a présenté les gens du Nord comme des gens rationnels, organisés, qui ne laissent rien au hasard... Cette folie qui vient perturber un personnage, cette espèce d'angoisse qui le ronge, comment est-ce possible ? Nous vivons finalement les mêmes sentiments, nous sommes branchés sur la même longueur d'onde, nous sommes des êtres humains qui avons des sentiments, qui ont des envies et des attentes, tout n'est pas organisé par une main invisible qui fait en sorte que nous ne pouvons pas avoir un destin autre que celui d'un homme. Il n'y pas que le mektoub dans la vie, il y a aussi notre propre capacité à pouvoir, au bout de la nuit, faire jaillir une lumière qui nous entraîne vers ce que nous voulons. Donc, on vivait à la fois avec des livres mais des livres qui nous parlaient, qui nous disaient notre monde, qui nous branchaient sur les autres cieux. Autour de ces navigations entre l'ici et l'ailleurs, se formait le désir de dire mon petit mot, de participer à la construction de la longue phrase universelle. Donc, ce mot-là ne pouvait venir que de cette matière invisible qui m'avait été transmise et donnée et qui avait fait en sorte que si j'avais une phrase à construire, elle devait venir d'un lieu, d'une terre, pas parce qu'elle est chauvine, pas du tout, mais parce que nous avons besoin de toutes les terres, de tous les hommes. On ne peut se dissoudre toujours dans l'ailleurs
Avez-vous lu les auteurs algériens et maghrébins ?
C'est plus tard que j'ai lu les auteurs du Maghreb. Evidemment, on ne peut pas passer à côté de Kateb Yacine. On ne pas passer à côté non pas du Polygone étoilé, que je n'ai pas encore lu, mais de Nedjma. Et dans Nedjma, il y a l'idée que la route est longue. C'est un texte aux fragments incroyables et lumineux. Et qui dit que la route est longue et où se dissipent les ombres. Alors, j'ajouterais que la route est longue où se dissipent les ombres et les malentendus. Par exemple, quand nous nous retrouvons ici (en Algérie, ndlr), nous sentons qu'il y a eu tellement de malentendus. Et que notre route est longue. Nous avons à dissiper tout cela pour aller vers des horizons communs. Et ces horizons communs, on y va en tâtonnant, en cherchant et en s'appuyant sur la main de l'autre.
Vos débuts dans la littérature sont liés à un certain cahier d'écolier, n'est-ce pas ?
J'avais un cahier quadrillé d'écolier que ma mère m'avait acheté. Je lui ai dit que j'avais envie d'écrire. Et ma mère était ravie. Elle ne savait ni lire ni écrire. Et quand, je lui ai fait cette demande, naturellement, elle a été satisfaite. Elle m'a acheté un cahier de couleur verte avec des traits blancs. De belles couleurs ! J'étais au collège, j'avais 15 ans. J'ai commencé à écrire. Et figurez-vous que ça avait pris du temps. Le cahier n'était pas épais. Il devait faire 54 pages. Quand j'y ai mis le premier mot, j'étais tellement heureux. Vous ne pouvez pas imaginer le sentiment de bonheur qui vous inonde. Chose curieuse : ce cahier a disparu !
Disparu ?!
Oui. Je n'ai jamais eu le plaisir de retourner aux pages, aux phrases, aux mots de ce cahier. Il s'est passé un truc, j'ai dit à ma mère que je ne le retrouvais plus. Ce moment était intéressant et douloureux à la fois. Douloureux de ne pas pouvoir contempler son œuvre, retourner, recercler, rebêcher, replanter d'autres graines. Il n'y a pas de littérature sans ratures. Je n'ai pas eu le temps de raturer mon texte. Je n'avais pas conscience de tout ce que je vous dis là, mais c'était souterrain. Et j'ai dit à ma mère mon cahier, mon livre, a disparu. Ma mère m'a regardé. Il y avait dans ce regard de la tristesse. Elle y croyait plus que moi. Elle m'a dit, on va le retrouver. Et on a commencé une danse, une transe, un voyage chez des marabouts pour retrouver le cahier.
Et vous l'avez retrouvé ?
Non ! Le dernier des marabouts qu'on a vus a dit à ma mère : « Je vous donne ceci, je vous donne cela, vous ferez cela, et au bout d'une semaine, celui qui a pris ce cahier va le ramener. » Les jours ont passé, des semaines et des mois... J'ai dit à ma mère, au bout de quelque temps, ne t'inquiète pas, j'en écrirai des livres. C'est la promesse faite à la dîme de tristesse dans laquelle ma mère avait plongé.
Et vous avez écrit votre premier livre, promesse tenue, donc !
Le premier roman je le dois à Sami Tchak (écrivain togolais, ndlr) dont le titre est la Transmission paru en 2002 en France. Le titre initial était La Dette du père. Père et mère sont toujours présents dans mon œuvre parce qu'il faut une dualité, deux pôles, pour faire un monde. Et dans cette aventure qui est la vie, il faut un père et une mère. Ils sont au commencement. Et je navigue entre deux eaux. Mon éditeur voulait le titrer N'oublie pas le baobab. Ce qui a fait bondir Sami Tchak qui a dit qu'on va encore nos renvoyer au manioc et au baobab ! Il a, avec l'éditeur, trouvé un titre magnifique La transmission. Cela correspondait effectivement à l'idée que je me fais que nous sommes des passeurs. Des passeurs d'âmes rebelles. Le monde, tel qu'il va et tel que nous le recevons, n'est pas toujours satisfaisant. Nous mêmes contribuons parfois à la lassitude générale.


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