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«Plus de 300 plaintes de malades ont été traitées»
Publié dans El Watan le 01 - 11 - 2010

– Aujourd'hui, on peut se demander à quoi sert l'Ordre des médecins ?
L'Ordre national des médecins et les Ordres régionaux sont des organes élus prévus par le code de déontologie médicale. Ils regroupent toutes les professions médicales quel que soit leur statut : public, parapublic ou privé. Ils ont la charge de défendre la déontologie médicale, c'est-à-dire, le bon exercice médical, juger et apprécier dans le cadre de commissions disciplinaires des médecins qui auraient commis des erreurs ou des fautes médicales. Ils sont, en outre, des partenaires des pouvoirs publics dans leur mission d'avis pour toutes les questions relevant de la santé et de la médecine. Ils ont, donc, comme vis à vis un certain nombre de départements ministériels ou des institutions élues nationales ou à caractère régional qui peuvent solliciter leur avis on peut dire que les ordres se sont acquittés de manière optimale de leur tâche. Rappelons que tous les élus qui dirigent les instances de l'Ordre des médecins sont tous des bénévoles et qu'ils prennent sur leur temps qu'ils soient employés des secteurs public, parapublic ou installés à titre privé pour recevoir leurs confrères, délivrer les cartes d'adhésion, tenir des réunions, faire leur travail de communication, etc., et aussi faire face à leurs obligations de représentation de l'Ordre à l'étranger.
– Peut-on dire que la déontologie médicale se porte bien en Algérie?
Dans sa définition comme science du devoir, la déontologie médicale est le centre d'intérêt de l'Ordre national des médecins.
Ce dernier ne se limite pas à défendre les intérêts des médecins, leur honneur et leur dignité, mais aussi et avant tout, il veille à la bonne pratique de la médecine. C'est ainsi que nous avons été amenés à donner notre avis sur des situations où des médecins ont été parfois jugés à tort. Des commissions de discipline sont aptes à statuer sur les cas qui leur sont soumis. D'ailleurs, l'Ordre, en accord avec le ministère de la Justice et dans le cadre d'un séminaire international que nous avons organisé, a plaidé en faveur d'une dépénalisation de la faute ou de l'erreur médicale. C'est-à-dire, elle doit être placée dans le cadre d'un contrat entre le médecin et son patient et à partir de là, ne relever que la compétence des tribunaux administratifs et ne devrait plus être considérée comme un délit. Si l'on suit ce raisonnement, le médecin est tenu par une obligation de moyens et non de résultats. Donc, l'Ordre des médecins est également, comme on l'a constaté à l'occasion de cette question de la dépénalisation de l'erreur médicale un partenaire des pouvoirs publics.
– Avez-vous eu à vous prononcer dernièrement sur des cas d'erreurs médicales ?
Bien sûr, nous avons eu à traiter plus de 300 plaintes de malades au cours de ces quatre dernières années. Certaines ont été réglées en faveur des malades. Des médecins ont été sanctionnés, soit par un avertissement, soit par un blâme ou alors par une suspension de leur activité professionnelle conformément au code de déontologie.
Signalons au passage que les citoyens préfèrent la justice plutôt que l'Ordre car ils espèrent toujours obtenir des dommages et intérêts, ce que l'Ordre, n'accorde pas. Il convient de souligner, comme l'a d'ailleurs fait le ministre de la Justice et garde des Sceaux, que la justice a malheureusement «la main lourde» dans ses jugements et a tendance à considérer le médecin comme un délinquant. Les cas de fautes médicales ne relèvent pas de la délinquance.
Il est rare qu'il y ait des cas de délinquance parmi les médecins. L'erreur et la faute médicales ne devraient pas relever du délit pénal comme nous l'avons expliqué auparavant. Nous pensons qu'avant de se prononcer sur de pareils cas, la justice devrait consulter l'Ordre à travers ses instances puisqu'il dispose de moyens et surtout de compétence pour faire toute la lumière sur l'acte médical, d'autant que la médecine est loin d'être une science exacte et que comme je l'ai dit, le médecin est tenu plus par une obligation de moyens que de résultats.
Mais il n'y a pas que le côté répressif des choses, l'Ordre travaille aussi sur la normalisation de l'activité médicale. Il y a actuellement près de 55 000 médecins, sachant qu'au bout de cinq ou dix ans, un praticien risque d'être dépassé par les innovations et les progrès de la médecine.
C'est à la formation continue que l'Ordre veut accorder un intérêt avec la collaboration de l'enseignement supérieur et de la santé afin, précisément, de réduire la marge d'erreurs et de la faute dans l'accomplissement de l'acte médical. Il faudrait donc associer toute la chaîne de formation médicale dans ce sens. Il faut souligner au passage qu'avec le ministère du Travail, de l'Emploi et de la sécurité sociale le courant passe bien. Nous avons pu travailler avec la sécurité sociale et donné avis sur la carte Chiffa, fait des propositions pour rentabiliser les dépenses de santé, en encourageant la prescription par exemple du générique. Et nous sommes en concertation pour une réévaluation des tarifs des consultations qui n'ont pas évolué depuis des années et ce dans un souci d'équilibre des intérêts dinandiers des caisses de sécurité et ceux des praticiens privés. Les choses progressent bien.
– Et avec le ministère de la Santé?
Justement, avec le ministère de la Santé, qui devrait être partenaire administratif de premier plan, les choses, à notre grand regret, se passent moins bien. Nous ne sommes même pas associés aux commissions et cellules de travail ni avec le ministère afin d'élaborer des plans de santé qui s'inscriraient dans la durée et qui survivraient aux changements d'hommes.
Malheureusement, nous le disons une fois de plus, le ministère de la Santé jusqu'à ce jour ne nous a jamais associés à quoi que soit, alors que théoriquement, c'est notre partenaire de premier plan. Alors que nous sommes partie prenante à des initiatives aussi bien au plan méditerranéen, arabe ou africain. Nous sommes associés à des activités régionales et de coopérations bilatérales et multilatérales avec d'autres ordres de déontologie médicaux du bassin méditerranéen et pays arabes.
– Dans son fonctionnement interne, l'Ordre est-il libre de ses mouvements ?
Nous fonctionnons uniquement avec les cotisations de nos membres, nous n'avons pas de subventions. Les cotisations de nos membres représentent la totalité de notre budget de fonctionnement, soit près de trois millions de dinars.
Jusqu'à présent, nous n'avons consommé que la moitié à peine en frais de réunions, de secrétariat, de communications, etc. Pour nos déplacements à l'étranger, seule la billetterie est à notre charge. L'hébergement et nos déplacements ce sont nos partenaires qui s'en chargent. Pour le reste, il faut savoir que nous perdons plus de temps dans notre activité professionnelle ; nous fermons nos cabinets et notre clientèle est en attente, etc.
Mais nous faisons tout cela pour le bien de la médecine algérienne et de la déontologie. Sur le plan comptable, tous nos comptes et bilans sont tenus et certifiés par des commissaires aux comptes et transmis à l'administration fiscale en toute transparence et conformité à la loi.
– Et au plan de la représentativité, l'Ordre est-il véritablement le reflet des préoccupations des médecins ?
La loi nous oblige à renouveler de moitié les instances de l'Ordre. C'est ce qui a été fait le 7 octobre dernier à travers les douze régions du pays. Dans neuf d'entre elles, les élections se sont bien déroulées. On a même constaté un certain engouement de la part des médecins pour ce scrutin. A Alger, par exemple, on a pu enregistrer plus de 1100 votants en une journée. Ca s'est bien passé, à l'exception de trois régions où le vote n'a pas eu lieu, tout simplement parce que le ministère de la Santé a adressé pratiquement, la veille du vote plus exactement, une correspondance destinée aux différents Ordres médicaux dans laquelle il a émis le souhait d'un report de ces élections sous prétexte que l'assemblée n'a pas eu lieu. Pour nous, c'était trop, nous ne pouvions satisfaire le souhait ministériel, d'autant que tout avait été fait dans la perspective de la tenue du scrutin le 7octobre ; les convocations envoyées aux médecins, les liste de candidature élaborée et surtout, le processus électoral avait déjà débuté à travers le vote par correspondance. Quant à l'argument du ministère de réunir 450 membres, il est vrai qu'il est difficile à satisfaire car nous n'avons pas les moyens de réunir autant de délégués des différentes régions du pays durant une ou plusieurs journées. Une telle initiative dépasse les capacités financières de l'Ordre qui vit des cotisations de ses membres. Pour procéder au renouvellement partiel de l'Ordre, nous avons juger inutile de tenir une assemblée pour les raisons signalées précédemment et nous avons estimé que jusqu'à présent, les différentes instances régionales avaient fait le travail, recueilli les propositions et les doléances des médecins à travers les wilayas du pays, et enfin élaboré et adopté leurs bilans moraux et financiers conformément à la loi. Nous tiendrons très certainement dans un proche avenir notre assemblée générale, mais cela demandera des moyens très importants.
– Il n'y a pas eu de contestations de la part des médecins sur cette façon de renouveler de moitié les membres ?
Je dois souligner qu'il y a eu un certain nombre d'accusations portées par le président de l'Ordre des médecins de la région de Blida et qui n'a pas eu la chance d'être élu au niveau national. Plus grave encore, il a refusé de tenir des élections le 7 octobre dernier, en s'alignant directement dernière le ministre. De manière récurrente, ce monsieur traite, à travers la presse notamment, les membres du conseil national de l'Ordre de tous les qualificatifs relevant d'accusations diffamatoires, entretient l'amalgame et la suspicion. Encore, il lui est reproché d'avoir pris partie en refusant de procéder au renouvellement alors qu'il était sommé par la règlementation interne et les statuts de le faire. Une attitude qui n'est pas nouvelle de la part de ce «responsable» puisqu'en 2008, il a saisi le conseil d'Etat pour contester les élections et il finalement été débouté. D'ailleurs, le conseil national a pris la décision de le traduire devant une commission de discipline et de demander réparation pour les propos et accusations diffamatoires qu'il a portés à l'encontre des membres. Mais nous poursuivons les missions pour lesquelles nous avons été élus grâce au soutien des médecins qui nous ont fait confiance, l'appui et la sympathie manifestés par les syndicats médicaux et les associations des hospitalo-universitaires.
– Et dans les deux autres régions, pourquoi n'ont-elles pas eu lieu ?
Elles ont tout simplement été empêchées par les directions de la santé des wilayas qui ont reçu des directives du ministère dans ce sens. Publiquement, le ministre de la Santé se défend d'avoir donné de telles directives.
Mais pour notre part, nous sommes perplexes d'autant qu'on nous a parlé de coups de téléphone ou «sms» envoyés par les structures centrales du ministère aux wilayas en question. Quant à nous, nous restons déterminés à parachever le renouvellement en en cours. Un programme a été adopté dans ce sens, les élections auront lieu quand et là où elles n'ont pas pu se tenir par la faute des structures du ministère de la Santé.


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