Fini le couple « jeudi-vendredi ». A partir du 14 août, le repos hebdomadaire sera le vendredi-samedi. Ce « nouveau mariage » semble être apprécié différemment par la rue, notamment chez les fonctionnaires des administrations publiques. A première vue, c'est la confusion totale qui domine les esprits. C'est le cas de cet agent postier, travaillant à l'agence du 1er Mai, à Alger, qui se dit complètement désorienté par le changement du week-end. « Rien d'officiel en ce qui nous concerne, on nous parle d'une note administrative qui va tomber d'un instant à l'autre pour mieux préciser les choses. Il paraît que nous allons bénéficier d'une deuxième journée de repos. Vous savez, ça fonctionne par la rumeur. » Mais pour cet agent public de toute manière, « ancien ou nouveau week-end, pour nous les postiers ça ne change rien, car à l'exception des autres fonctionnaires, nous travaillons six jours sur sept », précisera-t-il. Le gouvernement a choisi le juste-milieu et il ne fait que ça dans tous les domaines, commente, par contre, un fonctionnaire d'une agence de BDL à Belouizdad. « On dit pour mieux booster l'économie nationale, nous devons en avoir une déjà pour pouvoir parler de développement », avancera-t-il sur un ton sarcastique. Pour les fonctionnaires des banques, rien ne va changer, car leur week-end demeure le « vendredi-samedi ». Même chose pour les services de l'état civil des APC et daïra. Sauf que cela va poser un sérieux problème pour le citoyen. « Cela va nous pénaliser. Jusqu'à maintenant, nous avions la possibilité de retirer ou de légaliser des documents d'état civil le jeudi, mais avec le changement du week-end cela va être difficile, à moins que les services des administrations publiques ouvrent les matinées du vendredi », s'inquiète un citoyen, rencontré à l'annexe de la daïra de Sidi M'hamed à Alger. Ce que va entraîner ce passage au week-end semi-universel, par contre, se sont les habitudes des gens. « Nous sommes habitués, depuis des années, au jeudi-vendredi. Un week-end qui a rythmé notre vie et brusquement on nous propose une fin de semaine entre Riyad et Paris, histoire d'arranger tout le monde. Nous devrons composer avec ce nouveau régime », ironise un fonctionnaire d'Algérie Télécom. Mais à l'occasion du débat autour de « la problématique » de fin de semaine, un nostalgique du week-end universel, Ferhat Bensalem, professeur (contractuel) du lycée en génie électrique, trouve « incompréhensible l'application du week-end dit semi-universel. Il fallait tout simplement revenir au week-end universel comme c'était le cas durant les années soixante. Et cela ne va déranger personne, le prétexte de la prière du vendredi ne tient pas la route, on peut bien travailler le vendredi et faire la prière normalement. Rien ne dit dans le Saint Coran qu'il ne faut pas travailler le vendredi, bien au contraire, il nous incite à travailler immédiatement après la fin de cette prière. » En citoyen averti, M. Bensalem fait une lecture politique de cette décision : « Le choix du week-end obéit à un calcul politicien beaucoup plus qu'aux impératives économiques comme invoqué par le gouvernement. » Notre professeur saisit l'opportunité pour soulever le problème du non-paiement des professeurs contractuels qui restent sans salaires depuis septembre 2008 : « Le gouvernement doit consacrer plus de temps à régler les problèmes réels des citoyens si on veut réellement faire évoluer la situation économique et sociale du pays. » Du côté des fonctions libérales, certains commerçants estiment que ce changement va bouleverser totalement leurs habitudes sans plus. Mais ce n'est pas le cas de Riyad, gérant d'une cafétéria, qui se trouve en face d'un lycée à Alger. Il a été dérouté lorsqu'il a appris que le nouveau week-end permettra aux lycéens de rester chez eux deux jours durant la semaine, les vendredi et samedi. « Ma clientèle est composée essentiellement de lycéens, alors vous imaginez deux jours de suite sans cette clientèle potentielle. Ma caisse sera pratiquement vide. Peu importe le week-end, ce qui m'intéresse, c'est mon chiffre d'affaires. Mais là, je risque de voir mon compte maigrir. De toute manière, mes habitudes resteront les mêmes puisque habituellement je travaille le vendredi matin », se consolera-t-il. Cependant, entre les employés des administrations publiques et ceux de la fonction libérale, le gouvernement semble oublier une catégorie, celle des chômeurs, pour qui le week-end est loin d'être un souci. « Pour nous, le week-end c'est toute la semaine, du vendredi à jeudi. Si El houkouma (gouvernement) pense relancer la machine économique en instaurant un nouveau week-end, c'est peine perdue ! Si elle n'arrive pas à solutionner la question du chômage », s'exclame, Mustapha B., ingénieur en planification et statistiques au chômage depuis trois ans. « Je pense que le gouvernement fait dans le bricolage parce que ses décisions n'ont jamais eu d'impact sur la réalité sociale. Il supprime les crédits, il rajoute plein de taxes et il propose un nouveau week-end, drôle de manière de gérer les affaires publiques », ajoute notre interlocuteur.