La religion islamique et la notion de progrès ne sont, en réalité, nullement antinomiques. Bien au contraire, une religion saine et vivante, ayant à cœur l'éducation de l'âme et l'élévation spirituelle des fidèles, ne saurait aller à l'encontre du progrès. Elle doit en être le moteur et la caution éthique et spirituelle. C'est ce que nous croyons à propos de notre tradition religieuse et c'est ce que nous serinent, en tout cas, les grands hiérarques religieux musulmans à longueur de journée. Si, comme nous l'avons défini, le progrès se reprend dans l'idée de développement à tout point de vue, alors, de conserve, la religion doit exhorter à l'émancipation des hommes et des peuples. Sauf que les chantiers sont titanesques et que les peuples qui s'efforcent d'échapper à la misère, aux maladies endémiques, à l'ignorance sont une multitude. Malheureusement, beaucoup d'entre eux se trouvent dans des contrées islamiques. Rien que l'existence de ces fléaux et leur énumération peuvent constituer un démenti cinglant à l'idée d'un progrès général de la oumma. Certes il y a des raisons extrinsèques à cette situation, mais ce sont les facteurs endogènes qui nous interpellent et qu'il faut savoir mettre en exergue, étudier et œuvrer quant à la disparition de leurs méfaits. Ce n'est sûrement pas de l'auto-flagellation que de le souligner et de le dire. Ce ne sera qu'une volonté de diagnostiquer le mal afin de lui trouver la médication appropriée. La religion doit enjoindre au partage et à la solidarité et nous n'en voyons guère. Elle enseigne que les croyants sont frères et nous en sommes loin. Les exemples abondent et nous ne voulons pas nous y appesantir. En réalité, il s'agit de rompre un paradoxe terrible : jamais le musulman n'a connu des tiraillements aussi grands entre son vécu et la richesse de l'enseignement de sa tradition religieuse. Que faire pour que les musulmans et, par delà, tous les hommes aient des retombées positives de ce « progrès » tout en veillant à ce que les qualités et les valeurs humaines ne soient pas flétries ? La seule réponse qui vaille s'inscrit dans le cœur de l'homme. Nous savons tous, en consonant avec le verset coranique de la sourate du Tonnerre, qu'aucune nation, aucun peuple et aucune communauté ne changera ni évoluera si, pris individuellement, les membres de cette nation ou de ce peuple ou encore de cette communauté n'entreprennent pas un véritable travail d'introspection. C'est un travail de conversion dans son sens de retour au divin avec sincérité et probité. Un effort conjugué avec l'éducation, l'instruction, l'acquisition du savoir et la connaissance. Ainsi le progrès ira-t-il de pair avec l'épanouissement moral et spirituel des êtres. Dans ce cas, les préceptes nobles et les commandements moraux de la religion aident à ce que la civilisation des hommes, dans ce village planétaire qu'est désormais la Terre, ne soit pas dépourvue d'âme pour que la justice sociale et une éthique du développement soient instaurées et reconnues. D'un autre côté, les religions, quelles qu'elles soient, auront à accepter d'être remises en cause dans leurs visions de l'univers et de l'homme par les récents travaux et les résultats tant des sciences de la nature que ceux des sciences de la culture. A ce sujet, les adeptes des grandes traditions religieuses doivent faire preuve de discernement et de lucidité pour en finir avec les thèses éculées et surannées. Il est temps d'arrêter de se pâmer de satisfaction devant un certain concordisme de pacotille entre les données révélées et les découvertes scientifiques. Nous aurons à y revenir très prochainement.