D'abord, ils le battent sauvagement, ensuite, ils le tuent en passant sur son corps avec un pick-up. La raison d'une telle brutalité ? Selon les procureurs chargés de l'affaire, les jeunes s'étaient fixé comme mission de «trouver une personne de race noire et lui faire du mal». L'incident a, semble-t-il, été filmé par une caméra de surveillance, qui a enregistré les différentes phases de cette attaque, qui font froid dans le dos. Pour certains, cet incident vient rappeler de manière tragique que, dans la ville où le héros de la lutte pour les droits civiques des Noirs, Medgar Evers assassiné en 1962, le racisme a la vie dure. Mais ce cas n'est que l'un des nombreux exemples d'actes de violence raciste qui sont perpétrés chaque jour dans toutes les régions du monde. Le racisme, l'intolérance et la discrimination demeurent un des problèmes les plus pressants de notre temps et c'est une honte. Malgré des décennies de plaidoyers, des efforts de nombreux groupes et de nombreux pays, de preuves innombrables des dégâts terribles causés par le racisme, ce dernier persiste. Aucune société n'en est exempte, qu'elle soit grande ou petite, riche ou pauvre. Le 22 septembre, les dirigeants mondiaux auront l'occasion de galvaniser le combat contre le racisme, lors d'une réunion à haute visibilité qui commémorera le 10e anniversaire de l'adoption de la Déclaration et programme d'action de Durban (DPAD) pour combattre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. La DPAD a été adoptée par consensus lors de la Conférence mondiale contre le racisme de 2001. Elle contenait un cadre global d'actions pour faire face au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance qui y est associée, en tant que traits persistants de notre temps. Les Etats membres se sont mis d'accord pour combattre la xénophobie, la discrimination contre les migrants, les populations autochtones, les Roms, les personnes d'ascendance africaine, ainsi que la discrimination basée sur l'ascendance. En 2009, les Etats ont procédé à un examen du chemin parcouru depuis l'adoption de la DPAD et ont réitéré et élargi leurs engagements dans un document, qui renforçait le programme d'actions antiracisme. A cette occasion, ils ont réaffirmé la nécessité de placer la discussion sur le plan de l'équité et des principes, le seul qui convienne pour un tel débat, en l'inscrivant dans le contexte du droit humanitaire international. Dans de nombreux pays, le cadre et le processus établis par la DPAD ont joué un rôle dans l'amélioration des conditions de vie de nombreux groupes vulnérables. Mais la mise en œuvre des engagements est toujours irrégulière et loin d'être satisfaisante. Il convient de reconnaître que la globalisation est réputée avoir mis en lumière combien il est difficile d'assurer que dans des sociétés de plus en plus multiculturelles, des groupes d'origines diverses se respectent les uns les autres. Nous voyons l'intolérance se manifester sous des formes nouvelles, telles que le trafic d'êtres humains, dont les victimes sont généralement des femmes et des enfants de statut socio-économique modeste. Les réfugiés, les demandeurs d'asile, les travailleurs migrants et les immigrants sans papiers sont de plus en plus stigmatisés, voire considérés comme des criminels. La xénophobie est en hausse, dans la pire de ses formes, quand elle a été utilisée pour servir les objectifs de programmes politiques basés sur la suprématie d'une race. La manipulation de la perception populaire de la diversité a attisé des conflits armés prolongés et a facilité le soudain embrasement de violents conflits communautaires. En tant qu'ancienne juge et présidente du Tribunal pénal international des Nations unies pour le Rwanda, j'ai appris directement comment des communautés entières peuvent être annihilées par la haine. Mais, il m'a aussi été donné de connaître des actes de bravoure magnifiques. Un épisode est profondément gravé dans ma mémoire. Il s'est produit dans le nord-ouest du Rwanda, quand des miliciens hutu ont attaqué une école et ordonné aux élèves de se séparer en deux groupes, Hutu et Tutsi. Les élèves ont refusé de s'identifier en termes d'origine ethnique, pour ne pas trahir leurs camarades. Dix-sept filles ont été tuées en conséquence de leur attitude courageuse. Et je ne cesse de me demander : comment pouvons-nous être à la hauteur de ces enfants ? Je crois que nous devrions tous œuvrer ensemble pour parvenir à un environnement dans lequel l'égalité, la justice et la non-discrimination soient des valeurs respectées. Ces impératifs étaient très présents dans mon esprit quand je suis allée à Yad Vashem, dans le cadre de ma visite en Israël en février dernier. Cette visite a constitué un puissant rappel que la haine raciale, les crimes contre l'humanité et le génocide ne doivent jamais être tolérés et que l'Holocauste ne doit jamais être oublié. La DPAD contient un tel appel. Elle exhorte chacun d'entre nous à se servir du souvenir de l'Holocauste comme d'une force de changement et à mettre notre expérience collective et l'héritage du passé au service d'un avenir débarrassé du racisme pour tous. Un mois plus tard, j'ai visité l'île de Gorée au Sénégal, la tristement célèbre «Porte sans retour» d'où d'innombrables Africains étaient envoyés enchaînés vers les Amériques à l'époque de la traite transatlantique des esclaves. Alors que je me déplaçais dans l'île où des milliers d'êtres humains ont été vendus comme des marchandises, j'ai réalisé qu'on ne peut jamais dédommager vraiment les victimes de crimes racistes, qui laissent une cicatrice sur la conscience de l'humanité. Les Nations Unies ont fait de 2011 l'Année des personnes d'ascendance africaine, mais nous ne pourrons jamais rendre justice complètement aux millions de victimes des préjugés et de l'intolérance, ainsi qu'à leurs descendants qui continuent à endurer l'héritage de la discrimination. Ce que nous pouvons en revanche, c'est faire en sorte que leur épreuve soit un appel à l'action pour s'occuper des souffrances d'autrui, aujourd'hui et dans l'avenir.