Outre certains dysfonctionnements dans l'approvisionnement des produits pharmaceutiques (non-signature des avenants, réduction de 70% et 80% des quantités de produits), les nouvelles dispositions de la loi de finances complémentaire 2009 (LFC) compliquent davantage la situation. Il en est de même pour certains produits utilisés pour l'hygiène hospitalière et l'industrie agroalimentaire (désinfectants, solutions hydro-alcooliques). La pandémie de grippe A(H1N1) menace réellement des établissements sanitaires qui sont actuellement en rupture de stock. Les premiers impacts de ces mesures commencent à se faire sentir sur le terrain. Les opérateurs économiques parlent d'un étranglement financier, ce qui provoquera des ruptures de stocks et, par conséquent, une hausse des prix. Les premières victimes sont évidement les malades. « Si ces mesures ont un aspect positif pour la réduction des importations dans certains secteurs, elle porte par contre préjudice au secteur de la santé. Un secteur extrêmement sensible. De telles mesures nécessitent au préalable de la concertation et surtout d'une mise en place d'un plan d'action pour mieux organiser les choses et éviter des perturbations du marché national », nous explique un opérateur économique, qui précise qu'il y a une grande différence entre l'importation d'un produit essentiel comme le médicament et les bananes ou les voitures. Ainsi, les pharmacies sont aujourd'hui dépourvues de plusieurs produits d'urgence. Plus d'une quarantaine de médicaments sont actuellement introuvables dans les officines. Il est de même dans les établissements hospitaliers. Les produits en question sont pour la majorité des médicaments d'urgence. Citons quelques uns d'entre eux, pris sur une liste dont nous détenons une copie : Aldactone 75mg, Medrol 16mg cp, Andriol cp, Tegretol sirop, Adepal, Rifamycine pde, Urobacid 400, Utrogestan, Stediril, Xalatan collyre, Solumedrol 20 et 40, Celestene gouttes, Spasfon inj, Primperan inj, Tobrex collyre, Normacol lavement, Sintrom, Gavison, Oralcon, Levothyrox 50 et 100mg, Dilatrend 6,25mg, Dederidat, Debridat sirop, Smecta, Maxilase sirop et cp, Fluvermal sirop, Fluvermal cp, Nifluril pde, Ferrosanol, Neo-codeine adulte, Madopar 250, Totapen 250 sirop…. Pour le président du Syndicat national des pharmaciens d'officine (SNAPO), M. Belambri, la situation est insoutenable. « Les ruptures sont devenues permanentes, elles ne s'arrêtent plus, un produit réapparaît et un autre disparaît. Cette rupture touche souvent des médicaments d'urgence comme les corticoïdes injectables ou des produits hautement stratégiques. Des produits fabriqués localement sont aussi touchés, des médicaments de classes thérapeutiques totalement banales comme la chlortetracycline ophtalmique (connue sous le nom d'auréomycine ophtalmique) ou tout simplement la vitamine C en comprimés ou la cyproheptadine en sirop et comprimés (des antihistaminiques). Au passage devons-nous signaler aussi l'absence totale de collutoires et de bains de bouche ? », a-t-il signalé. Ceci complique sérieusement, ajoute-t-il, le travail quotidien du pharmacien. « On ne sait plus quoi stocker à titre préventif afin de pouvoir répondre à la demande de ces milliers de malades devant lesquels nous nous retrouvons totalement désarmés et sans aucune parole pour calmer leur douleur ou leur colère », a-t-il indiqué. Et de préciser : « Les opérateurs en pharmacie ne nient pas ces ruptures et ces perturbations. Pis, ils annoncent que ça risque de s'aggraver à cause des nouvelles dispositions de la loi de finances complémentaire. » « Nous travaillons au jour le jour et nous sommes toujours en attente des fax et des coups de téléphone de nos grossistes pour nous annoncer la disponibilité de tel ou tel produit, mais toujours en quantité limitée », déplore-t-il. Le président de l'Union nationale des opérateurs de la pharmacie (UNOP), Amar Ziad, parle d'une asphyxie financière qui pourrait mettre les opérateurs économiques en grande difficulté (voir entretien). Abondant dans le même ordre d'idées, Amina Hemmadi, directrice commerciale de l'entreprise Nosoclean – un des fournisseurs des hôpitaux en produits d'hygiène hospitalière et de désinfectants – affirme que des problèmes de rupture affectent déjà des établissements de santé. Ce qui risque de s'aggraver à l'avenir avec ces nouvelles mesures de la LFC 2009 qui exigent une mobilisation de fonds prématurée et un délai de procédure majoré de 2 mois au moins. Elle estime que dans ces conditions, il est difficile d'assurer une disponibilité permanente. « La situation ne peut s'améliorer que si les délais de payement par les hôpitaux changent. Ils sont en moyenne de 9 mois. Ce qui va perturber nos prévisions et ralentir fortement nos capacités de rotation et de réapprovisionnement », a-t-elle signalé en précisant qu'une lettre a été adressée aux gestionnaires des établissements publics. « Cette situation se trouve aggravée par les nouvelles dispositions de cette loi de finances générant un surcoût certain, les délais annoncés des prochaines livraisons s'en trouvent déjà compromis », lit-on dans cette correspondance les invitant désormais au règlement des commandes « avec un délai réaliste qui ne saurait dépasser 30 j, et ce, par un engagement écrit ».