Paris De notre correspondant Timadeuc-Tibhirine-Midelt, Bretagne-Médéa-Atlas,France-Algérie-Maroc, frère Jean-Pierre Schumacher n'a jamais rompu le dialogue. Il continue de prôner le rapprochement entre les communautés. Sa vie a basculé la nuit du 26 au 27 mars 1999, quand il a perdu sept de ses frères au monastère de Tibhirine. Dans le livre L'esprit de Tibhirine, co-écrit avec le journaliste Nicolas Ballet, il revient sur ce douloureux épisode, mais va bien au-delà. Le moine trappiste révèle qu'il a été sauvé par le jardinier du monastère, présenté juste comme Mohamed, grâce à un mensonge par omission. Les kidnappeurs «ont demandé : ils sont bien sept ? Et il leur a répondu : C'est comme vous dites. Or, nous étions neuf». Ainsi les frères Jean-Pierre Schumacher et Amédée (décédé en 2008) eurent la vie sauve. Le livre ne se veut pas une énième enquête sur l'enlèvement sanglant. Frère Jean-Pierre, 88 ans, est moine trappiste et prêtre au prieuré de Notre-Dame de l'Atlas, à Midelt (Maroc) depuis la fermeture de l'abbaye. Le presque octogénaire n'a gardé en lui aucune haine, aucun ressentiment. Son livre est un appel au vivre ensemble. De l'Algérie socialiste puis islamiste, il en garde de bons et de très moins bons souvenirs. Le vieux moine refuse de prendre parti et évoque les islamistes comme «les frères de la montagne». Le livre s'ouvre sur une lettre manuscrite de l'homme qui a inspiré le film Des hommes et des dieux, évoquant son départ, en 1964, du monastère trappiste de Timadeuc, en Bretagne, pour «construire une petite communauté implantée en plein milieu musulman, vivant pauvre parmi les pauvres». Son objectif ? La paix, toujours la paix. Il s'insurge contre les stigmatisations, «ces violences lointaines nous atteignent, notamment quand l'islam se retrouve injustement mis en cause dans sa globalité». L'esprit de Tibhirine apporte un apaisement là où se déchaînent les haines, une réponse humble et intelligente aux discours prônant la confrontation.