C'est vers 20h 30 que la vedette des gardes-côtes de la Façade maritime ouest a accosté le port d'Oran avec à son bord 30 rescapés marocains, tous originaires de Kalâat Sraghna (Marrakech) qui étaient à bord de la deuxième embarcation de fortune. Trois, jugés dans un état critique, ont été aussitôt pris en charge par une équipe médicale sous les tentes dressées dans l'enceinte portuaire d'Oran par la Protection civile. Six autres naufragés marocains, dont un mort, ont été ramenés vers 22h 30 par une autre vedette des gardes-côtes. Ils étaient 65 Marocains, candidats à l'émigration clandestine, à avoir embarqué sur un boat people sur une plage de la ville d'El Hoceïma (Maroc oriental), pour tenter une traversée en direction de la ville espagnole d'Almeria. L'un d'eux, Bouazrina Afériel, âgé de 67 ans, a déclaré avoir tenté « de fuir le chômage et la pauvreté qui prévalent dans mon (son) pays. J'ai déboursé pour cela 200 dirhams » Un autre, Ameur Fahma, âgé de 21 ans, dira : « Beaucoup de mes compatriotes, qui étaient des clandestins, ont été régularisés en Espagne, cela m'a incité à tenter le voyage de la dernière chance et pourquoi pas bénéficier d'une régularisation. » Mustapha Bouhcine, 28 ans, a pour sa part révélé que « l'organisateur de ces traversées de la mort est un certain El Hadj Hocine, natif de la ville d'El Hoceïma. Il est connu pour ses agissements, mais il n'a jamais été inquiété ». Notons que les 35 rescapés marocains et les 24 autres de différentes nationalités africaines, qui ont embarqué séparément sur deux zodiacs, ont été évacués vers le service des urgences du centre hospitalier universitaire d'Oran où une équipe médicale est à leur chevet pour leur prodiguer les soins nécessaires. Les deux boat people ont été surpris par les mauvaises conditions climatiques et ont dérivé durant sept jours (du samedi au vendredi). Au total, ce sont 46 candidats à l'immigration clandestine - 16 Africains et 30 Marocains - qui ont péri noyés en mer en tentant la traversée pour rallier la péninsule ibérique. Selon des recoupements d'informations recueillies auprès des rescapés, les uns sont tombés de l'embarcation, les autres ont été carrément poussés par leurs compatriotes dans un réflexe de survie. « Le problème de ces dizaines, pour ne pas dire des centaines, de candidats à l'émigration clandestine n'est pas de se libérer ou de construire une autre société, il se pose en termes d'intégration dans une société qui ne veut pas d'eux. C'est l'exclusion qui est aujourd'hui le mal social prioritaire qui frappe de façon évidente et massive les pays de la rive sud de la Méditerranée », ajoutera, dépité, notre interlocuteur. Cela étant, devant la monotonie, l'oisiveté et l'exclusion, le désir de prendre le large devient une obsession chez beaucoup de jeunes pour qui l'avenir est de plus en plus sombre. Cependant, lorsque le rêve courtise l'aventure, le désir d'aller voir ailleurs sera toujours plus fort que la vie. Tant que les causes du désespoir de toute une jeunesse ne seront pas bannies, il y aura toujours des candidats à l'exil forcé.