Mobilis ambitionne de conquérir des parts de marché, mais avant, il faut rattraper un certain retard. Quelle est votre stratégie de relance ? Mobilis est une entreprise publique, c'est une SPA qui a son conseil d'administration et son assemblée générale. Tous ces organes légaux fonctionnent puisqu'on a eu déjà en début d'année une AG et trois conseils d'administration. Mobilis est une filiale d'Algérie Télécom à 100% qui a été créée pour prendre en charge le domaine du mobile, c'est évidemment la conséquence de la restructuration du secteur et de l'ouverture à la concurrence du marché algérien qui a été consacrée par la loi 2000-03, voilà une présentation sommaire de l'entreprise pour placer les repères. Cette loi a traité deux volets : l'ouverture du marché et la restructuration du secteur. On a travaillé durement et tardivement sur tous les fronts : réseau, organisation, marketing, conception des offres commerciales et en même temps dès le départ, nous avons opéré un diagnostic du réseau existant. Nous avons été amenés à opérer de profondes restructurations et à l'aménagement du réseau existant. On devait le faire parce que c'était vital pour nous, car il fallait que nos clients constatent qu'il y a du changement, au moins dans la qualité de service du réseau existant. Les clients se sont aperçus graduellement de ce changement, même s'il s'agit d'une mise à niveau. Nous avons fait augmenter les capacités du réseau à 50% au titre de ce réaménagement, ce qui nous a permis de lancer les autres services. Parallèlement, nous avons déployé le réseau des 500 000 lignes et on a imprégné une forte cadence, on a changé de procédures de réalisation : on est passé à 5 sous-traitants dans le domaine de la construction des sites, ce sont des entreprises d'envergure internationale. Nous avons modifié complètement notre façon de suivre les réalisations et d'opérer. A partir de septembre, nous avons fait ce qu'on a appelé la relance commerciale de Mobilis qui a été accompagnée de réductions de tarifs d'accès. Au début du Ramadhan, on s'est lancé dans deux promotions qui ont fait augmenter nos ventes à 30 000 abonnés/jour. C'était du jamais-vu ! Au 31 décembre 2004, nous avons dépassé un million d'abonnés (1 176 000 abonnés). L'objectif a été atteint. Nous avions annoncé 1000 BTS, on était proche de ce chiffre. Sur le plan de la distribution, nous sommes passés d'un distributeur exclusif Algerika à deux dans une première étape avec Algérie Poste qui a 1300 points de vente (bureaux de poste) en qui nous avons une entière confiance et beaucoup de conviction de réussite. Un grand challenge vous attend pour 2005... Pour cette année, on a un programme qui a commencé en vérité en septembre dans sa phase ingénierie et spécifications, car il fallait passer par là, nous avons commencé cette phase en octobre, en lançant nos appels d'offres en même temps. Nous avons opté pour trois constructeurs fournisseurs de réseaux BSS et BTS et nous avons opté pour huit sous-traitants d'acquisition/construction de sites et en même temps, nous avons étendu notre organisation aux directions régionales. Nous avons également opté pour créer nos propres réseaux de distribution directe (les boutiques Mobilis) que nous avons commencé à déployer. Nous avons déjà une à Alger qu'on inaugurera incessamment. Nous allons reprendre complètement l'Actel de Sofia, nous avons une qui est prête à Constantine et une à Oran et nous comptons arriver au moins à une boutique Mobilis par wilaya. Vous avez annoncé le chiffre de trois millions d'abonnés en 2005. Vous pensez que c'est un projet réalisable ? Absolument, le plus dur est fait : arriver à signer ces contrats, le planning est arrêté dans ces contrats et la machine est mise en place et elle va démarrer dans les délais. C'est un programme de 2000 BTS en principe, nous pouvons avoir plus de 2 millions d'abonnés, à nous de garantir la bonne qualité de service, on affirme qu'on fera 2 millions. Aujourd'hui, je dis que nous avons un taux très bon de nombre d'abonnés par BTS, c'est un peu comme ça qu'on mesure la qualité de service. Nous sommes une entreprise publique et je me suis engagé à garantir la qualité de service, nous n'allons pas surcharger, nous pouvions continuer à le faire après le 31 décembre 2004, mais on a arrêté volontairement pour opérer les aménagements du réseau et le rééquilibrer pour garantir la qualité de service. Comme vous pouvez le constater, notre réseau fonctionne correctement à part quelques points que nous sommes en train de parfaire. Le nombre d'abonnés a atteint 1 200 000 à la fin janvier 2005. Notre effectif est de 600 salariés et le nombre de téléconseillers du service client est de 100. Vous vous êtes lancés dans marché du GPRS. Il y a un débat entre les trois opérateurs entre ceux qui disent que le marché est mûr et qu'il faut foncer et ceux qui disent qu'il est immature, mais en devenir. Apparemment, vous vous placez dans l'optique du multimédia... C'est quoi le GPRS ? C'est tout simplement la possibilité de transmettre des données de toute nature via le poste mobile : c'est la définition de base. Ces donnés, on les transmettait aussi sur le GSM, mais on les transmettait à faible vitesse (9 kbps) ; aujourd'hui, avec le GPRS, on peut passer à 44 kbps. Avant, à partir d'un terminal mobile, on pouvait accéder à l'internet, il faut juste faire le fameux numéro de l'Eepad ou de Djaweb (1515), j'utilise mon portable comme un modem avec un PC, mais c'est du 9 kbps, aujourd'hui, on peut faire du 44 kbps, c'est quand même supérieur au modem de 33 kbps. Par ailleurs, le GPRS a amené des nouveautés : c'est le portail, c'est l'accès du mobile directement à Internet, vous n'avez pas besoin de faire le 1515 sur le réseau mobile-fixe pour arriver, vous placez votre portable, il est directement un PC, vous avez un navigateur et vous entrez directement à Internet, vous pouvez lire votre mail, le transmettre, voir des pages web, télécharger des fichiers et une fois toutes ces opérations effectuées, vous mettez votre terminal en infrarouge avec votre micro-ordinateur et vous videz tout ça dans le micro-ordinateur. L'avantage est là : où vous allez, vous pouvez lire votre mail (courrier électronique), vous pouvez télécharger des fichiers, vous pouvez au lieu d'un SMS transmettre un MMS qui est un SMS plus élaboré - parce que le SMS ne faisait que du texte, le MMS fait du texte plus de l'image -, donc on peut envoyer une photo et une séquence vidéo. Est-ce qu'on peut dire que le marché algérien n'est pas mûr pour ça ? Vous savez, chaque fois qu'en Algérie on sait lancer dans de nouveaux services, on avait avancé cela, mais on a été tout de suite démenti et très rapidement. L'Algérien est très branché. Avez-vous eu les premiers échos après le lancement de ces services ? Quand on lance un service, il faut avoir à l'esprit qu'il faut toujours un temps de démarrage. Nous sommes dans cette phase-là. Allez-vous faire des bilans périodiques ? Nous allons le faire. Il y a un temps d'initiation, de diffusion et nous sommes dans ce temps-là. Mais quand l'effet d'avalanche arrivera, tout le monde demandera ces services : ça va être transmis de bouche à oreille, tout le monde verra et testera, ça ne va pas s'arrêter à télécharger des logos, de la musique ou des sonneries, on va devenir professionnel, aujourd'hui, nous avons des demandes de professionnels concernant le GPRS. On n'investit pas pour investir : il faut qu'on soit rentables. Le débat est un peu dépassé. On parle de troisième et de quatrième générations. Parmi les arguments de ceux qui affirment que le GPRS n'est pas encore une solution à mettre sur le marché, figure l'absence de contenu dans les portail... Oui, mais cela c'est d'une manière générale, il y a toujours deux phases : une de mise à disposition de l'outil qui est le réseau, à savoir les fonctionnalités (téléphone, GPRS) et un temps pour que les clients sachent que cet outil existe et un temps pour que le contenu se déclenche, je pense qu'aujourd'hui, nous sommes en temps de déclenchement du contenu, nous avons signé des conventions avec des fournisseurs de contenu, des fournisseurs de renom et on a démarré. Tous les jours, on est en pourparlers avec d'autres pour être alimentés en contenu. Tout le monde parle aujourd'hui des horaires de voyages, de prières, des résultats de matchs de football et des news (Push et Pool Wap). Tout cela ira très vite. L'évolution du GPRS dépend beaucoup du développement de la monétique. Or en Algérie, le commerce électronique n'existe pas encore. Vous touchez un problème vital pour l'Algérie. En fait, si on avait ces facilités depuis longtemps, on aurait eu déjà le commerce électronique qui manque chez nous et qui fait que nous sommes l'un des derniers pays au monde à ne pas avoir le commerce électronique. Cette absence d'outil bride un peu le développement des services des TIC. Vous avez expérimenté l'UMTS. Il y a certains qui disent que puisque la licence ne sera octroyée qu'en 2007, pourquoi faire des démonstrations maintenant ? Encore une fois, on se trompe parce que quand on est en présence d'une nouvelle technologie, on doit nécessairement passer par la phase d'acquisition de cette technologie. Quand on parle de nouveauté, on pense toujours à un laboratoire, si on n'a pas un laboratoire pour se préparer, quand on aura cette licence, c'est là que commencera ce laboratoire et cela sera peut-être trop tard. Aujourd'hui, nous avons du temps devant nous, le réseau a été mis en place, c'est un réseau pilote, nous allons l'évaluer, le tester sous tous ses angles, spécialement des questions d'interopérabilité avec le GSM, le roaming et les services dans les deux sens, la question de l'homogénéisation, de la maintenance, comment les faire évoluer, avec quelle stratégie. Les opérateurs historiques sont les premiers à avoir l'UMTS. Il y a effectivement le coût du terminal, mais il ne faut pas penser que ça va rester à l'état actuel, il y a une stratégie industrielle, au départ d'un produit, il y a un effet de compensation à la production, quand on lance ce type de produits, très souvent, ça fonctionne à perte, il y a un business plan où on démarre à perte pour créer le marché et une fois créé, on regagne. Mobilis veut investir le marché international de façon graduelle. Est-ce une stratégie de l'entreprise ? Il faut voir loin. Je dis tout simplement, c'est pas de l'utopie d'y penser et ce n'est pas impossible à faire, des cas sont là devant nous, il s'agit de se constituer, de maîtriser chez soi, de faire ses armes, tout le reste est possible. Il n'y a pas de choses impossibles dans ce domaine, il suffit de bien démarrer, mais il ne faut pas se tromper : nous avons encore fort à faire en Algérie. Comment analysez-vous le marché algérien avec trois opérateurs opérationnels ? Le marché algérien de la téléphonie mobile a étonné tout le monde, tous les analystes et planificateurs, puisque quand j'étais au ministère comme directeur général, on avait tablé sur 3 millions à la fin de l'année, c'était très optimiste, on a dépassé les 4 millions. On parle de 5 millions à fin 2005. Je crois qu'on va dépasser largement les 6 millions. C'est un marché qui a été sous-estimé. On a tablé sur 40% en 2010 de densité, aujourd'hui, tout est là pour penser qu'on dépassera largement cette estimation. L'Algérie est entrée de plain-pied dans la société de l'information même si nous sommes au début et au stade des premières cogitations. La société de l'information est fortement consommatrice de l'information et le téléphone est un élément de base. Il y a 20 ans, quand vous avez un parent à l'étranger, quand il vous envoie une lettre tous les 6 mois, c'est bon, ensuite on est passé au téléphone, pratiquement une à deux fois par semaine, aujourd'hui avec le mobile, les membres de la famille sont en contact toutes les minutes. C'est entré dans la vie du citoyen. Dans les prochains mois, on ne pourra plus imaginer quelqu'un sans un portable. Les télécoms sont un outil indispensable dans le développement des NTIC. Ils vont bouleverser la société dans son ensemble, dans sa façon de voir, d'être et dans ses habitudes. On assiste au phénomène du télétravail, mais pas comme on l'a compris dans le passé : il ne s'agit pas de transférer par exemple la saisie de masse en Asie, le télétravail, c'est tout simplement au lieu d'avoir son bureau dans l'entreprise, on l'a chez soi. On est câblé, on entre dans le système interne de l'entreprise et on ne bouge pas de chez soi. Quel est le profil des abonnés de Mobilis ? Ce qui consomme le plus, c'est le secteur d'affaires (postpayé) et les jeunes (prépayé). Mais le prépayé fait consommer aux autres, on a tendance à penser qu'il ne consomme pas, mais le prépayé a son revenu de l'interconnexion. Mobilis a beaucoup de mauvais payeurs ? Nous avons constaté, à partir de la relance de Mobilis, un gros montant de factures impayées, il n'y a pas de chiffres, mais c'est un gros montant. Evidemment, il y a une explication : cela vient du fait du transfert de l'activité d'Algérie Télécom vers Mobilis et de la mise en place du nouveau réseau. Il n'y a pas eu un suivi rigoureux des bimestres et comme on a affaire à des salariés, leurs factures se sont cumulées progressivement et il leur est devenu difficile de payer. Aujourd'hui, on a fait comprendre à nos clients par tous les moyens que s'ils veulent que Mobilis progresse et se développe, il a besoin de revenus, s'il ne recouvre pas ses créances, il ne peut pas être à la hauteur de leurs aspirations. Nous avons mis en place parallèlement une grande mécanique pour permettre le recouvrement, nous avons fait un diagnostic très profond de ce phénomène et nous avons pris les mesures comme la facture sur Internet qu'on peut télécharger à partir du site web, pour régler les problèmes des nombreux clients qui ont changé d'adresse et qui ont du mal à retourner à l'ancienne adresse pour payer. Il y a eu un autre problème de saisie des factures : il se passe beaucoup de temps entre le bureau de poste et l'Actel. Concernant le vol de portables, il semble que vous ayez une méthode de le contrecarrer ? Pour que l'action soit efficace, il faut une collaboration de l'ensemble des opérateurs en plus de celle des services de sécurité (DGSN). Il faut mettre à niveau son réseau et le doter de l'équipement qui fait cette fonction. A Mobilis, cet équipement existe. L'action doit aussi être coordonnée par l'ARPT pour aller vers cet objectif. Le problème, c'est lorsqu'un portable utilisé par la concurrence est volé et inversement. Il y a un problème administratif à régler. Sur quel imprimé il faut déclarer la perte, car on ne peut agir que lorsqu'on prouve que le portable a été volé.