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Ces métiers qui agonisent
Publié dans El Watan le 15 - 07 - 2014

A peine si une poignée de ces «gardiens» du temple de l'artisanat traditionnel tente de faire contre mauvaise fortune bon cœur pour perpétuer un legs séculaire. «Il n'est pas aisé de dénicher la matière première», dira dépité l'artisan maroquinier, Mostefa Boulachab, qui a élu ses quartiers dans la rue du Dr Mohamed Seghir Benlarbey. «Cette saison, je suis censé travailler sans répit, mais faute de matière première je me trouve pénalisé (…). Je me roule les pouces», lance-t-il sur un ton aigri, à notre endroit.
Et de renchérir : «Nous n'exigeons rien, sinon que l'Etat daigne nous approvisionner en intrants pour perpétuer notre activité artisanale.» Son atelier est quasiment plein de vide : à peine quelques objets accrochés au mur depuis des mois pour de potentiels chalands. Ni basane, ni vachette, ni accessoires nécessaires pour fabriquer des sacs à main, des portefeuilles, des ceintures et autres objets pratiques pour la gent féminine, fait savoir, plein d'amertume, le maroquinier.
Contraints et résignés, les quelques dinandiers disséminés dans le dédale casbadji se contentent, eux, de recycler des objets déjà conçus ou de transformer des chutes de cuivre usagé qu'ils ramènent de l'intérieur du pays. Ils sont deux ou trois artisans dinandiers qui tentent, tant bien que mal, de faire de la résistance pour maintenir vivant un tant soit peu cet héritage artisanal. A l'image des Boudjemaâ Gasti et Belaïd qui, contre vents et marées, continuent à s'adonner avec passion à leur activité artisanale aux côtés du septuagénaire, âmmi Mohamed
El Hachemi, propriétaire d'une échoppe dans la rue Katarougil (qata' erdjel), sise au n° 2 où nous observons une halte, l'espace d'un détour dans l'antique médina.
«La corporation de dinanderie a tendance à s'éclipser du paysage casbadji, contrairement à d'autres villes de pays voisins où les maâlems marteleurs offrent une des belles vitrines destinées pour le tourisme en quête de curiosité», rappelle Boudjemaâ, non sans souligner, avec un brin de révolte, que les maîtres dinandiers ont déserté l'espace sans qu'il y ait une relève sûre, susceptible de pérenniser ce savoir-faire ancestral. Les trois «compères» réunissent par-ci par-là des lots de pièces de cuivre rouge-brun ou jaune, dissemblables et gâtés par le temps pour en faire des objets servant aux usages de la vie courante, des accessoires de décoration non sans créer également des pièces, selon la commande formulée par certains magasins huppés du centre-ville ou des produits destinés à des particuliers, notamment lors du mois de Ramadhan.
Chaque jour que Dieu fait suffit sa peine, sommes-nous tentés de lire sur leur visage. Un labeur qui, désormais, rapporte si peu, sinon qu'il leur assure la pitance. S'attelant à donner forme aux objets, nos artisans, assis devant leur bigorne, domptent le métal. Ils évoluent dans leur réduit, au rythme du son métronomique du marteau et du ciseau. Décaper la pièce, la transformer dans le tour, la souder, la marteler, avant de la ciseler en lui conférant, sous l'œil expert de âmmi El Hachemi, des motifs décoratifs que schématise un mélange de dessins traditionnels s'inspirant de motifs arabesques et de formes géométriques.
Une activité ardue, surtout lorsqu'il s'agit de procéder à l'opération de l'étamage par voie chimique (traitement à l'étain ou tqazdîr) des plateaux circulaire (snî ou sînya), ou des ustensiles à usage culinaire. «Ni le département de l'artisanat ni la CAM (ndlr Chambre de l'artisanat et des métiers) ne daignent nous faciliter la fourniture des inputs à même de préserver notre exercice», disent-ils. Un métier qui leur permet, d'une part, de subvenir à leurs besoins et, d'autre part, de pérenniser des métiers traditionnels qui constituent, à bien des égards, une valeur ajoutée pour le tourisme. Car, faut-il souligner, cette disette n'est pas sans déplaire au visiteur qui désire, lors d'une virée à travers le dédale de La Casbah, s'offrir quelques souvenirs.


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