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Murdjadjo Amachaho
Publié dans El Watan le 14 - 03 - 2015

Sous cette enseigne, de nombreuses activités et réalisations ont permis de faire de la ville d'Oran un pôle national exemplaire en matière de lecture enfantine, bien que, de l'avis même des membres de l'association, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre des modèles qui ne se comptent plus seulement dans les pays développés, puisque des expériences fortes et novatrices apparaissent de plus en plus dans les pays émergents.
Les membres de l'association se sont en tout cas distingués en emmenant le livre et des activités de lecture, souvent ludiques, dans les écoles, les services de pédiatrie ou les quartiers grâce à son bibliobus. Le Petit Lecteur dispose également d'une bibliothèque avec plus de 1200 inscrits et 25 000 ouvrages. L'association édite également des livres pour enfants.
Le Festival du conte se présente donc comme la partie la plus visible d'un programme global permanent animé par des femmes et des hommes dévoués à cette cause et convaincus que la lecture, dès le plus jeune âge, est un facteur d'épanouissement et de développement personnel et social. Pour cette 9e édition, qui débutera lundi prochain, 16 mars, et s'achèvera le samedi 21 mars, avec l'arrivée du printemps, les organisateurs ont choisi comme thème générique «Une paix contée dès l'enfance».
Un thème lié au contexte régional et mondial marqué par des paroxysmes de violence qui n'épargnent pas les enfants, de manière directe ou indirecte. Le Petit Lecteur présente ainsi son événement : «Pour cette année, les paroles voyageuses seront au rendez-vous incontournable du public oranais ; nous transporterons encore une fois dans l'univers fantastique des contes du terroir, des récits de vie et nous ferons aussi amarrer sur l'île du conte contemporain et les valeurs de paix, de tolérance et du vivre-ensemble du conte traditionnel : Les Mille et Une Nuits, Kalila wa Dimna, le facétieux Djeha, personnage universel, les contes africains, les contes de Grimm, de Taos Amrouche, de Nacer Khemir et bien d'autres».
Ces contes, mais aussi ces adages et devinettes, en arabe, en tamazight, en français, en italien et en espagnol dessineront un panorama fantastique du monde, entraînant les spectateurs et participants du Congo à Cuba, de l'Italie à l'Egypte ou de Suisse en Tunisie avec de nombreux bivouacs en Algérie dans l'immensité de ses héritages oraux.
Avec des moyens limités (et surtout de la bonne volonté), le Festival du conte a réussi, chaque année, à étendre son programme et sa participation. Il le doit d'abord au soutien remarquable de l'APC d'Oran dont le parrainage date de 2007, début du festival, ainsi qu'à divers partenaires relevant de l'Education nationale, à l'Institut français d'Oran, au collectif des bibliothécaires de la région Paca (France), aux écoles privées, Hayat School et Sibawaih, au CISP.
Ne bénéficiant pas de subvention institutionnelle ni de sponsoring d'entreprises, le festival s'appuie surtout sur le partenariat associatif local, national et international pour asseoir son programme. Pour cette édition, il rayonnera d'ailleurs dans une trentaine d'espaces, à Oran et dans toute la région. Les centres culturels d'Oran et de plusieurs communes limitrophes seront touchés, de même que le Théâtre régional Abdelkader Alloula pour «une après-midi d'immersion dans le monde imaginaire».
Sont également concernés les établissements scolaires, les unités pédiatriques, ainsi que, bien sûr, la bibliothèque jeunesse Le Petit Lecteur et la Maison du conte qu'elle abrite depuis l'année dernière. Un atelier pour enfants, intitulé «Le conte, d'une rive à l'autre», sera animé avec l'association Graine de Paix et le centre social de Rouguières, à Marseille. Les conteurs invités feront escale à Nedroma pour se produire dans les «derbs» (ruelles) de la vieille ville, en compagnie de l'association El Mouahidia.
A Sidi Bel Abbès, avec la coopérative indépendante Masrah Eddik, le monde du conte envahira le Théâtre régional Kateb Yacine. Toujours au chapitre de cette formidable synergie associative, citons le spectacle interactif autour du conte et du voyage, avec l'association marseillaise Alif Ba Ta dans une saga des alphabets à travers la Méditerranée.
Les associations féminines Afedec et Fard seront de la partie aussi avec des lectures de textes de la défunte écrivaine Assia Djebar, sous le thème «Dire la femme». Deux autres actions méritent d'être distinguées : la lecture de contes du patrimoine oranais dans les vieux bains turcs avec l'association SDH (Santé Sidi El Houari) et la prestation de conteurs invités du festival dans les rames du tramway d'Oran.
Une belle incursion du conte entre le passé et le présent de la ville. Le tout s'achèvera avec la balade dans le jardin mythique d'Oran, la Promenade Ibn Badis, avec la collaboration de l'association Bel Horizon qui agit pour la promotion de la ville à travers des circuits historiques et culturels. Les organisateurs tiennent enfin à remercier la contribution de plusieurs artistes et notamment des peintres Denis Martinez et Fouzia M'naouer.
Une vingtaine de conteurs algériens et étrangers sont invités cette année. Parmi eux figurera le Congolais Jorius Mabiala. Né à Brazzaville et vivant en France, il a été littéralement adopté par les habitants d'Oran. Il avait participé à la première édition du festival en 2007 et est revenu à toutes les autres, offrant sa passion et son talent avec un sens de l'humour consommé.
Formé à la comédie et à la danse, c'est dans le conte qu'il a trouvé son chemin artistique. Il a créé en 1996 dans son pays la compagnie Africa Graffitis et il participe aujourd'hui à de nombreux festivals du conte en France et dans le monde. C'est aussi dans cette compagnie que s'est révélé un autre conteur congolais émérite, également présent à Oran, Serge Roland Kaya, dit Kayro.
Pour sa part, Pierre Rosat peut être présenté comme un Suisse très Africain. Cet ancien employé de bureau, devenu animateur social, est comédien professionnel depuis 1995. Sa rencontre en 1997 avec le griot burkinabé Hassan Kassi Kouyaté a été un déclic dans son parcours. Il est l'auteur de neuf spectacles de conte ainsi que formateur dans ce domaine. Ce sera sa deuxième participation à Oran.
Pour compléter cette dimension africaine du Festival du conte d'Oran, on notera la première participation du danseur et chorégraphe Crysogone Diangouaya, du Congo Brazzaville. Né en 1967, il a fondé dans son pays un centre consacré à l'expression corporelle, l'art dramatique, le conte, les percussions et le chant africains, de même que la première compagnie de danse contemporaine congolaise, ainsi que le Festival chorégraphique de Brazzaville et enfin, l'association des Jeunes créateurs ! Un palmarès qui ressemble à un conte.
Duo peut-être unique au monde qui lie une mère et sa fille, Coralio Rodriguez (la mère) et Amanda Cepero viennent de Cuba avec l'univers onirique, à la fois mystérieux et joyeux des Caraïbes. Mère et fille content et chantent en même temps. Les deux ont reçu des formations académiques au théâtre dans les meilleures écoles de La Havane et Coralia a été notamment l'élève de Francisco Garzon Céspedes, initiateur du renouveau du conte à Cuba, en Amérique latine et en Espagne. Le Français Michel Galaret est une figure de proue du conte dans son pays. Infatigable brasseur d'histoires, il va les chercher dans la tradition orale, commedans la création moderne. Kamel Guennoun, né en 1953 à Royan, a passé sa jeunesse en Algérie avant de retourner en France.
Un parcours exceptionnel : docker, déménageur, ouvrier, il se voue ensuite à l'animation socioculturelle qui lui permet de découvrir en 1987 le monde du conte. Depuis, il pratique cet art sans relâche puisant dans le patrimoine de Kabylie ou de Charente. Il conte dans le monde entier et intervient au Centre méditerranéen de littérature orale à Alès.
De double culture également, algérienne et alsacienne, Cahina Bari est entrée dans cet univers par l'entremise d'un conte kabyle qui l'a fait bifurquer d'une carrière entre journalisme et enseignement. Autre duo, celui des Volubiles, formé par les Françaises Barbara Glet et Anne-Lise Vouaux-Massel, formées au théâtre et au chant. La première a même touché au jonglage et au spectacle de clown. Les deux manient le conte en va-et-vient sur le registre de l'étonnement perpétuel.
L'Italienne Liuba Scudieri, née dans le sud de son pays, a vécu à Milan et à Rome d'où elle a embrassé l'ensemble de la Méditerranée. Formée à l'anthropologie et au théâtre, elle active dans l'association Amani où elle recueille des contes et récits, fables et faits divers qu'elle met en paroles de scène. Avec une démarche très originale, le jeune Egyptien Ossama Mohamed Helmy Farag viendra d'Alexandrie pour montrer comment il a intégré l'origami, l'art japonais du pliage de papier, à celui du conte. Sous ses doigts experts, il forme des personnages que sa parole accompagne.
Bien sûr, les conteurs de chez nous ne sont pas en reste avec le maestro du conte populaire, Sedik Mahi, l'enfant de Sidi Bel Abbès, qui y a commencé en 1975 (il avait quinze ans) le théâtre dans la troupe des Quatre-Saisons. Animateur du ciné-club de la ville, de 1984 à 1991, sa connaissance du cinéma lui sert aujourd'hui dans sa carrière de conteur, qu'il mène tel un troubadour, allant de ville en ville, colportant les légendes du pays. Il a fondé à Sidi Bel Abbès la troupe Machahou, en hommage à l'écrivain Mouloud Mammeri.
C'est un fidèle du Festival du conte auquel il participe depuis sa création. Plus récemment apparue, Sihem Kennouche d'Alger est devenue depuis quelques années une figure de la sauvegarde et de la transmission du terroir algérien et maghrébin. Cette ancienne enseignante et mère de famille est accoutumée à l'art de dire qu'elle a développé à la radio. Son talent s'appuie notamment sur l'héritage oral de ses deux grands-mères et une connaissance de la littérature arabe ancienne et de plusieurs autres.
Elle est la créatrice et l'animatrice du spectacle original «Semaa Enda», produit par l'AARC et qui réunit contes et chants du Maghreb. Pour sa part, Djamila Hamitou, originaire de Tiaret dont elle possède à la perfection le patrimoine oral, vit et travaille à Oran. Brillante conteuse, elle sait mener son auditoire aux frontières entre réel et fantastique. Noureddine Oughlissi d'Alger est un spécialiste des contes amazighs et il excelle dans le récit de Vava Inouva popularisé par le chanteur Idir et dont la découverte a déterminé son parcours de conteur.
C'est aussi sur les traces de l'incontournable Djeha que ce conteur entraîne son public. De Beni Saf, le pluridisciplinaire Kada Bensemiha (comédien, chorégraphe, marionnettiste, imitateur, metteur en scène et même peintre) est issu du théâtre amateur. Né en 1952 à Sidi Bel Abbès, cet homme-orchestre a mis la totalité de ses talents au service du conte. Enfin, sur les traces des Mille et Une Nuits, Sadek El Kebir, qui fut le créateur dans les années 1980 d'une célèbre émission télévisée de contes, sera lui aussi de la partie. Cet ancien cinéaste a trouvé dans le conte un moyen de s'exprimer qu'il pratique avec un art consommé du récit, s'appuyant sur une voix grave, des expressions maîtrisées du visage et une gestuelle limitée mais efficace.
Tout ce beau monde rivalisera d'imagination et d'originalité pour magnifier un art de la parole que le monde contemporain n'a pas anéanti et dont le public se recrute autant parmi les petits que les adultes.
*Programmes détaillés sur la page Facebook de l'association.


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