Le ministre chinois des Affaires étrangères a effectué, la semaine dernière, une visite en Algérie. Quels ont été les sujets débattus avec les responsables algériens lors de son séjour ? Cette visite intervient après des escales effectuée au Kenya, au Sierra Leone, au Nigeria et au Maroc. C'est pour nous une visite importante qui vient conforter la relation d'amitié traditionnelle qui lie l'Algérie à la Chine. Elle (la visite) a été couronnée de succès et elle nous a permis de passer en revue les rapports entre les deux pays. Depuis quelques années, les visites officielles des responsables des deux pays se sont multipliées et la coopération a été élargie à plusieurs domaines. Cette visite nous a permis de parler des relations bilatérales entre l'Algérie et la Chine ainsi que des positions des deux pays par rapport à certaines questions régionales et internationales d'intérêt commun. La Chine a augmenté le volume de ses échanges commerciaux avec l'Algérie en 2009. Quelles sont les perspectives de cette coopération pour les années à venir ? En dépit de la crise économique internationale, le volume des échanges commerciaux entre l'Algérie et la Chine a augmenté de 8,8% pendant les 11 premiers mois de 2009. Le volume global a atteint 4,46% et nous considérons l'année 2010 comme un nouveau départ, d'autant plus que la Chine entend maintenir sa croissance soutenue. Nous avons beaucoup d'opportunités d'affaires pour 2010, notamment avec le démarrage d'un ambitieux nouveau plan quinquennal 2010-2014. Justement, lors de la visite du ministre chinois des Affaires étrangères, nous avons évoqué, avec la partie algérienne, les perspectives de coopération entre les deux pays. Nous avons retenu le souhait de la partie algérienne de concentrer les efforts sur le transfert de technologie. Nous avons donc signé des accords qui portent sur l'entraide judiciaire et commerciale, sur la coopération économique et technique ainsi que sur le renforcement du partenariat dans le domaine agricole. Avez-vous identifié des projets à monter en Algérie à la faveur de la visite du chef de la diplomatie chinoise ? Nous avons déjà sur notre agenda un projet-pilote qui vise le développement de l'agriculture dans les zones arides ; nous avons identifié un second projet dans le domaine de la santé, qui consiste à envoyer une mission médicale chinoise en Algérie. Nous envisageons aussi le renforcement des relations dans le domaine de l'enseignement car le problème de la langue constitue un handicap majeur pour les Chinois activant en Algérie. Pour cela, nous avons décidé de former des Chinois dans les universités algériennes et nous offrons annuellement une quarantaine de bourses d'études à des étudiants algériens. Quelles sont les prévisions de croissance de la Chine pour 2010 ? Il est vrai que la mondialisation a permis l'émergence de beaucoup de problèmes qui dépassent les frontières d'un pays, à l'instar de la sécurité, du climat et des crises financières et économiques... Nous nous sommes engagés dans des négociations multilatérales afin de contribuer à résoudre certains de ces problèmes. Nous continuons à vivre les effets de la crise financière et économique et nous considérons qu'il est impératif d'aller vers la réforme des institutions de la finance internationale. La crise a démontré la faiblesse et la fragilité du système financier international. Nous contribuons, au sein du G20, à surmonter cette crise et à trouver des solutions aux failles du système financier international par la mise en place d'une meilleure régulation possible. Cependant, la Chine, qui a pu réaliser en 2009 un taux de croissance supérieur à 8%, entend maintenir un rythme soutenu pour 2010. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, quelle est la position du gouvernement chinois sur certaines questions internationales, comme la question palestinienne, le nucléaire iranien et le problème du Darfour au Soudan ? Nous participons, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, à consolider les efforts de paix et de stabilité dans certains points chauds de la planète. Le dossier palestinien reste le problème majeur. Ce ne sont pas les feuilles de route qui manquent car plus de 200 résolutions sont au fond des tiroirs de l'ONU, mais Israël continue à tourner le dos aux efforts de paix en maintenant sa politique de colonisation à travers la construction des colonies. Nous suivons de près cette situation et nous continuons à envoyer des aides au peuple palestinien. Quant à la question relative au nucléaire iranien, un mécanisme de négociation à six a été institué et notre position par rapport à ce dossier est claire : l'Iran doit d'abord respecter la convention de non-prolifération des armes nucléaires qu'elle a signée, mais nous considérons aussi qu'il est en droit d'utiliser le nucléaire à des fins civiles. Maintenant, il y a des pays qui veulent sanctionner coûte que coûte l'Iran, mais nous pensons que ce n'est pas la meilleure solution. Vous avez évoqué aussi la question du Darfour, que nous considérons aussi comme un des points chauds du globe. C'est aussi un sujet de concertation au niveau de l'Union africaine et de la Ligue arabe. La Chine soutient l'accord de paix signé par les différentes parties, car nous avons des relations importantes avec le Soudan. Nous avons envoyé plus de 2000 agents pour le maintien de la paix au Darfour et nous participons activement au développement de cette partie du Soudan. Il est vrai qu'il y a du pétrole dans cette région, mais il y a aussi un énorme problème lié à la mobilisation de l'eau. Il semble que les entreprises chinoises s'intéressent déjà au plan quinquennal 2010-2014 décidé par le gouvernement algérien… Le plan quinquennal 2010-2014 constitue une grande opportunité pour la Chine. Pour l'Algérie, il est aussi un axe important pour le développement par la réalisation d'infrastructures. Le gouvernement algérien a souhaité tirer profit de l'expérience de la Chine en la matière et nous allons participer à tous les appels d'offres afin de diversifier les domaines de coopération. Nous avons actuellement un montant de 900 millions de dollars d'investissements directs en Algérie et nous comptons multiplier ce chiffre dans les années à venir. Le gouvernement chinois a d'ailleurs créé un fonds spécial pour le soutien des investissements en Afrique. Avec l'ensemble des pays africains partenaires de la Chine, nous avons 106,8 milliards de dollars d'échanges commerciaux, tandis que le volume des investissements s'établit à 26,6 milliards de dollars à fin 2008. Ceci dit, nous rencontrons beaucoup de difficultés en Algérie, à savoir le handicap de la langue, les difficultés de s'adapter à la législation, l'octroi de visas aux travailleurs chinois... Nous avons pour le moment 30 000 Chinois qui travaillent en Algérie et ce chiffre est en évolution. 30 000 Chinois travaillent en Algérie dans le cadre des grands projets, mais il y a aussi les gérants de magasins… Pour les gérants des magasins à Alger et dans certaines autres régions du pays, il s'agit de commerces détenus par des privés qui n'ont aucun rapport avec les travailleurs chinois qui viennent dans le cadre de contrats conclus avec l'Algérie. Ce sont des commerçants qui font de l'import-export et les prix bas de leurs produits reflètent une mauvaise qualité et les difficultés financières dans laquelle ils évoluent. L'Algérie peut réguler ce petit marché avec le concours des laboratoires de contrôle de qualité. Des scandales de corruption ont émaillé la construction de l'autoroute Est-Ouest et des entreprises chinoises seraient impliquées. Elles auraient versé des pots-de-vin à des parties algériennes pour remporter les marchés. Quel est votre commentaire ? Pour ce qui est du projet de l'autoroute Est-Ouest, la durée du chantier est de 40 mois et le parachèvement des travaux a été fixé à juillet 2010. Il faut que vous sachiez que les entreprises chinoises chargées de la réalisation travaillent en plein air et sont donc confrontées aux aléas climatiques. En outre, il s'est avéré que plus on avance dans le projet, plus il y a des problèmes qui surgissent. Mais je pense que nous allons finir le projet dans les délais car sur 16 lots, 10 ont été d'ores et déjà livrés. Pour ce qui est de la corruption, je pense que la politique des gouvernements chinois et algérien dans le cadre de la lutte contre ce fléau est connue. Cependant, ce problème de corruption existe partout à travers le monde. Les sociétés chinoises en charge du projet de l'autoroute Est-Ouest sont parmi les plus importantes en Chine et sont cotées en Bourse. Ceci dit, une gestion saine et transparente est exigée. Mais nous ne pouvons pas dire tout de même qu'il n'y a aucun problème. Je pense qu'il y a aussi une part de manipulation impliquant des pays qui ne sont pas contents du niveau de coopération entre l'Algérie et la Chine. Les contrats conclus dans le cadre du projet de l'autoroute ne répondent pas au principe de gré à gré ; il y a eu des appels d'offres et des critères de sélection sont imposés à tous les soumissionnaires. Maintenant, s'il y a vraiment des histoires de pots-de-vin comme vous venez de l'évoquer, cela implique inévitablement plusieurs parties et c'est aux instances de contrôle algériennes de vérifier cela. Il y a un proverbe chinois qui dit : il y a des gens qui incendient partout et des gens qui ne peuvent pas allumer une chandelle. Pour revenir au projet en question, nous attendons de signer un accord complémentaire car, initialement, nous n'avons pas prévu certains travaux liés à la construction de certains ponts, à titre d'exemple. Et ce contrat complémentaire concerne tous les travaux supplémentaires qui ont été réalisés par les entreprises en charge de ce projet. Les entreprises chinoises s'intéressent aussi à la réalisation des aires de repos et les stations-service prévues sur le tracé de l'autoroute. Nous sommes donc dans l'attente des appels d'offres de Naftal. La Chine, considérée comme l'un des grands pollueurs de la planète, a échappé à un accord contraignant sur le climat lors du dernier sommet de Copenhague. Quelle analyse faites-vous de cette rencontre ? Le climat est un défi pour toute l'humanité et un travail de longue haleine qu'il faudra accomplir. Il est vrai que la résolution de Copenhague ne répond pas à toutes les attentes des peuples, mais le gouvernement chinois la considère comme positive. Des pays développés ne veulent pas assumer leurs responsabilités historiques de la situation actuelle et tentent de diviser les pays en développement. Pour la Chine, nous ciblons l'objectif de réduire de 40 à 45% nos émissions de CO2 d'ici 2020. Nous envisageons aussi d'augmenter nos réserves forestières et de réduire la consommation des énergies fossiles.