Les Etats-Unis d'Amérique semblent bien partis pour devenir le second plus grand partenaire de l'Algérie après la Russie dans le secteur de la défense. Le commandant des forces aériennes du Commandement militaire des Etats-Unis d'Amérique pour l'Afrique (Africom), le général-major Ronald R. Ladnier, a émis clairement, mardi soir, lors d'une conférence de presse animée au siège l'ambassade US à Alger, son souhait de doter la coopération entre les unités opérationnelles qu'il dirige et les forces aériennes algériennes d'une « vision stratégique ». En confiant, notamment, le fait que l'Africom et les forces armées algériennes sont actuellement en train de construire un « plan d'engagement pour l'avenir », le responsable américain atteste sans équivoque qu'Alger et Washington se sont déjà entendu, dans une large mesure, sur les grandes lignes de ce que sera la coopération entre l'ANP et l'armée américaine. Reste maintenant à savoir à quelles conditions, si conditions il y a, celle-ci se fera. Le général-major Ladnier, en se laissant aller à quelques confidences concernant surtout les attentes exprimées par ses homologues algériens en matière de coopération, laisse entendre de manière limpide également que les responsables politiques américains sont prêts à les satisfaire. Les déclarations du général-major Ladnier – qui peuvent aussi bien être interprétées comme des appels du pied de la part des autorités américaines – prouvent à tout le moins que l'embargo sur les armes auquel l'Algérie avait été soumise durant les années 1990 est désormais levé. L'annonce, par le commandant des forces aériennes de l'Africom, de l'existence de discussions approfondies entre l'ANP et l'armée américaine devant déboucher sur la mise en place, à moyen terme, d'un partenariat stratégique n'est pas vraiment une surprise pour les experts en matière de défense. Pour beaucoup, la perspective de voir Washington et Alger coopérer dans un domaine aussi sensible que la défense était pour le moins « très claire » au lendemain de la visite, le 17 avril 2006, dans la capitale fédérale américaine, du chef d'état-major de l'ANP, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah. Cette visite, dont la durée n'avait pas été précisée et qui est passée presque inaperçue au sein de l'opinion publique, était inscrite dans le cadre « des perspectives de développement des relations de coopération entre les armées des deux pays ». Concrètement, il devait être surtout question de traiter de la coopération « technique » et « stratégique ». Cela pour dire que les discussions étaient déjà bien avancées à l'époque. Ce n'est sans doute pas un hasard qu'à la même époque, de nombreuses sources avaient fait état d'une volonté de l'ANP d'acquérir des équipements militaires américains. A noter que le chef d'état-major de l'ANP avait été reçu par le général Peter Pace, le président du Joint Chiefs of Staff (JCS) ou comité des chefs d'états-majors des différents corps de l'armée américaine. Le général Peter Pace occupe la position la plus élevée dans le système militaire des Etats-Unis. Pour les « puristes » de la politique de défense algérienne, surtout ceux pour qui il ne peut exister de relation autre que celle entretenue avec l'armée russe, la coopération nouée par l'ANP avec l'US Army doit certainement être assimilée à un sacrilège. La redéfinition par l'ANP, durant ces quinze dernières années, de ses options stratégiques et l'adoption d'une conduite plus pragmatique dans ses rapports avec le monde ont toutefois amené les responsables politiques et militaires algériens à tisser de nouveaux partenariats. Dans la foulée, Alger a cherché aussi à acquérir des armes et des matériels militaires ailleurs que sur les marchés traditionnels incarnés par les anciennes Républiques de l'Est. Bien évidemment, l'arrivée des Etats-Unis en Algérie aura certainement pour effet de réduire quelque peu la quote-part des bénéfices réalisés avec l'ANP par les fabricants russes d'armement (Moscou est, de loin, le premier fournisseur d'armes de l'Algérie). Celle-ci devrait se faire aussi au détriment des constructeurs français qui comptent encore sur le président Sarkozy pour décrocher de gros contrats. Généralement, là où ils s'installent, les Américains ne laissent que peu de place aux autres et particulièrement aux Français. C'est bien connu, lorsqu'il est question de défense et de ventes d'armes, Paris et Washington sont comme chien et chat.