Une enquête de police passionnante au pays de la prochaine Coupe du monde. Zulu est un roman qui vous prend par la main, vous entraîne dans une aventure palpitante et ne vous lâche plus jusqu'à la dernière page. Le titre Zulu signale clairement le lieu du récit, le lieu où vont se jouer des trajets de vie dans cette partie du monde qu'est l'Afrique du Sud. Le décor planté est celui de la ville de Cape Town, ville qui recevra la Coupe du monde de football 2010 pour laquelle l'équipe algérienne est qualifiée. L'intrigue se déroule dans une agglomération qui va dévoiler plusieurs de ses facettes : la beauté du site et des beaux quartiers en bord de mer, d'autres sur les hauteurs, mais surtout les quartiers les plus pauvres et les plus démunis que sont les townships où les Noirs s'entassent. Il y a aussi les endroits sulfureux, voire douteux, où se rencontrent des personnes souvent à la dérive et où les règlements de compte ne se font pas dans la dentelle. Dans ce récit à tiroirs, le lecteur est transporté, à un moment tragique, vers les régions désertiques du Namib, où les intérêts les plus sordides s'affirment loin des regards. L'enquête est menée tambour battant par la section d'une police motivée et décidée à en découdre. Zulu est un thriller qui fait dresser les cheveux sur la tête et donne au lecteur cette étrange sensation d'être de plus en plus impliqué dans une histoire qui tourne autour de trois personnages principaux, tous inspecteurs de la police criminelle de Cape Town : Ali Neuman d'origine zulu, chef de la brigade criminelle, Brian Ekpeen et le jeune Fletcher, tous deux Sud-africains blancs. Ils enquêtent sur un meurtre mystérieux dans les milieux troubles de la drogue et de la marginalité. L'intrigue de ce roman inattendu est en fait simple : la fille d'un ancien champion de rugby, issue de la bourgeoisie blanche de Cape Town, est assassinée après avoir été droguée, voire violée et abandonnée dans une partie de la ville, sur les hauteurs qui surplombent l'océan et où une mafia de narco-trafiquants règne sans partage. L'inspecteur en chef, Ali Neumen, est chargé avec son équipe de mener l'enquête pour comprendre ce qui s'est passé du côté de Table Mountain. Jusque-là, l'histoire pourrait être celle de n'importe quel roman policier. Mais voilà que ce polar vous entraîne au-delà du genre. C'est que le lieu du crime n'est pas un pays banal, c'est celui de Nelson Mandela, le pays arc-en-ciel, où tout acte ou toute parole d'un individu peut endosser de multiples interprétations et prendre des proportions autrement plus compliquées. L'intérêt de ce roman est que l'auteur intègre avec une précision surprenante le contexte social et politique, avec un grand mérite d'ailleurs lorsqu'on sait qu'il n'est pas Sud-africain. Avec un sens aigu de la narration policière, cet écrivain français intègre l'histoire de l'Afrique du Sud avec une dextérité d'écriture remarquable. La composition est fluide, la progression des scènes s'enchaîne de manière évidente, sans temps mort et l'imbrication des deux éléments – l'intrigue et le contexte –, donne à lire une atmosphère spécifique, celle d'une Afrique du Sud taraudée par les vieux démons d'un racisme latent. Au final, le récit apparaît comme un « sans fautes », notamment pour la psychologie des personnages dont la vérité humaine et sociale convaincrait le plus Sud-Africain des Sud-Africains. Caryl Ferey a su entrer avec brio et aisance dans un monde qui lui est étranger et il démontre au lecteur à quel point il a dû être habité par l'Afrique du Sud durant la rédaction de son roman. Ali Neumen et son équipe finissent par élucider le meurtre et démasquer une équipe mafieuse qui, sous couvert de drogue, expérimente en fait certains produits pharmaceutiques sur les Noirs paumés des townships. Les membres de cette nébuleuse appartiennent à une frange de Blancs qui n'ont toujours pas admis l'existence de la nouvelle Afrique du Sud et qui s'enrichissent sur le malheur des Noirs en menant des expériences illicites avec l'aide de certains mafieux noirs qui s'en prennent à la mère d'Ali Neumen dans les townships. Cependant, au-delà de l'histoire sordide et effrayante, totalement imaginaire – mais sait-on jamais ? – Caryl Ferey réussit le tour de force de décrire un pays post-apartheid toujours hanté par son histoire, un pays qui arrive péniblement à sortir du ségregationnisme qui a créé des traumatismes difficiles à effacer chez certains Blancs, comme le lecteur le constate dans la description minutieuse des rapports entre Noirs et Blancs. L'écriture est précise, concise et les mots justes. Cette langue élégante réussit à aborder sans concession la question du sida qui fait des ravages dans ce pays qui reste exceptionnel. Pour cela, Zulu est un roman à lire pour le plaisir de l'intrigue, pour une introduction à l'Afrique du Sud et ses fantômes, pour ceux aussi qui boudent les livres d'histoire, en sachant toutefois que le récit est une fiction. Caryl Ferey a obtenu le Grand prix de littérature policière, le prix Jean Amila au Salon du livre d'expression populaire et de critique sociale d'Arras en France en 2009 ainsi que le Grand prix du roman noir français en 2009 pour ce roman superbe.