La suppression de l'obligation d'investissement imposée aux importateurs nationaux, condition contenue dans le cahier des charges du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, annoncée par le ministre du Commerce, Nourredine Boukrouh à partir de Genève, a soulevé le courroux de certains opérateurs en pharmacie. Mais cela n'est pas le cas pour d'autres tels le Syndicat algérien de l'industrie pharmaceutique (SAIP) et le président-directeur général de Saïdal. Des opérateurs privés, près de 17 entreprises, réunis au sein de l'Union nationale des opérateurs en pharmacie (UNOP) estiment que les déclarations de Boukrouh sont en contradiction avec l'esprit de la législation algérienne relative à la promotion de l'investissement productif dans le secteur de l'industrie pharmaceutique. Pour eux, ce revirement « troublant » fragilise non seulement le secteur de la production, en prenant de court les opérateurs, mais ne leur laisse aucun espoir d'attendre un accompagnement et un soutien de l'Etat. Ils relèvent que la libéralisation, sans préparation, du commerce extérieur, entamée dans les années 1990 « s'est faite pour tous les secteurs sans aucune condition, sauf pour le secteur pharmaceutique ». Selon eux, aujourd'hui plusieurs unités privées conformes aux normes internationales ont commencé à produire et d'autres sont sur le point d'être inaugurées. Des observateurs avertis déplorent le fait que « cette jeune industrie soit exposée à une concurrence féroce contre laquelle les entreprises ne sont pas préparées. » Il est clair aussi, selon eux, que « le seul intérêt des multinationales est la solvabilité financière de l'Algérie et un système de remboursement très généreux ». L'UNOP a tenu à rappeler, dans un communiqué rendu public, il y a quelques jours, que les efforts et le volume des investissements des opérateurs « méritent une attention des pouvoirs publics et un traitement approprié lors des négociations avec l'Union européenne et l'OMC ». C'est ainsi que les opérateurs réclament une protection de leur secteur « stratégique ». L'UNOP est convaincue que « cette protection est d'autant plus nécessaire que les investissements réalisés ont besoin d'une période transitoire pour se mettre à niveau et être en mesure d'affronter la concurrence étrangère. Ouvrir le marché algérien à la concurrence étrangère sans aucune condition, c'est à ne pas en douter, réduire à néant tous les efforts d'investissement consentis par ces opérateurs en les exposant à une concurrence inégale et destructrice ». Les inquiétudes de l'UNOP ne sont pas du tout celles du président-directeur général de Saïdal, un des plus grands producteurs algériens. Pour M. Aoun, la suppression de l'obligation d'investissement est une bonne chose. « C'est un passage obligé. On ne peut pas prétendre accéder à l'OMC tout en restant renfermé sur soi-même. Depuis 1991 à ce jour, je peux dire que les unités d'investissement se comptent sur les doigts d'une seule main. Cette nouvelle mesure nous permettra de nous mettre à niveau, nous adapter et travailler sur les deux leviers importants qui sont la qualité et le prix qui doivent être compétitifs », dira-t-il. Pour M. Aoun, l'ouverture du marché permettra l'émergence des professionnels. « Cela est également une bonne chose pour la santé des citoyens ». Interrogé sur la question, le SAIP a préféré ne pas s'exprimer. De son côté, le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, entend mettre un terme à « l'anarchie » et aller vers une meilleure organisation du marché. La nouvelle réglementation prévoit des mesures qui seront appliquées pour les producteurs et les importateurs. Selon le directeur de la communication, M. Belkessam, cette nouvelle réglementation fera une distinction claire et franche entre le statut d'importateur et celui du producteur. « Les mesures avantageuses accordées aux producteurs ne doivent pas profiter à l'importateur. La marge bénéficiaire du producteur sera plus attractive que celle de l'importateur », a-t-il signalé, l'importation de médicaments sera, ainsi, soumise à des conditions plus drastiques. Selon notre interlocuteur, aucun produit ne pourra être admis à l'importation s'il n'est pas commercialisé dans son pays d'origine. L'importateur doit également présenter un document le justifiant ainsi que les prix pratiqués dans ces pays. Il est également exigé aux importateurs de rendre compte une fois tous les six mois de la situation de leur stock de médicaments. Une fois toutes ces conditions remplies, l'autorisation à l'importation est accordée. Dans un entretien accordé au journal El Khabar, le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Mourad Redjimi, est revenu sur ces nouvelles mesures qui feront, a-t-il déclaré, objet d'une série de décrets qui sera publiée avant la fin du mois en cours. Pour Mourad Redjimi, la suppression de l'obligation d'investissement n'affècte en aucun cas la production nationale qui est, selon lui, « minime ». Il a souligné que dans la gamme de produits fabriqués en Algérie, les produits essentiels occupent une place minoritaire. « La production nationale ne représente que 20% de la consommation nationale », a-t-il signalé.