– Vous écrivez la poésie dans votre langue maternelle qui est le tamazight, pourquoi ce choix ? La majorité de mes poèmes sont écrits en langue kabyle, ma langue maternelle. Ils ont été dictés par mon rapport sensible avec ma culture, mon environnement, ma passion pour ma culture et aussi Clio, l'une des neuf muses de la mythologie ! J'avoue que l'ambiance familiale dans laquelle j'ai été élevé m'a aidé. Mon grand-père maternel était poète, ma mère a toujours adoré réciter les anciens poèmes, puis la Radio chaîne II a été mon école sur les ondes que je ne ratais jamais. C'était grâce à cette radio que j'ai découvert les Ben Mohamed, Mohamed Benhanafi, si L'hocine Aït Ouarab et d'autres poètes. Ajouter à cela les chanteurs qui m'ont bercé comme Aït meguellet, CherifkKheddam, Farid, Amour Abdenour, Youcef Abdjaoui… Le tamazight a traversé des siècles dans l'oralité, maintenant que les moyens sont disponibles, il faut bien l'écrire et le promouvoir, parce qu'il n'a rien à envier aux autres langues du monde. Aussi, depuis plus de 20 ans, le tamazight est enseigné en Algérie. C'est une langue nationale et officielle, il faut donc produire un maximum de livres dans toutes les spécialités, pas uniquement dans la poésie. A ce jour, il y a des publications dans pas mal de spécialités même scientifiques. – La majorité de vos poèmes ont été traduits vers le français et l'anglais. Une manière pour vous de toucher un plus large public… Quand j'avais décidé d'éditer mes recueils de poésie, j'ai d'abord pensé le faire dans deux langues, en kabyle puis traduis vers la langue française. Après l'expérience des trois premiers recueils, j'ai eu aussi l'idée de les traduire en langue anglaise, puis je les ai traduits aussi en langue arabe avec l'aide de plusieurs de mes amis que je remercie au passage. Mon premier poème que j'ai publié aux USA en 2005 en kabyle traduit en anglais m'a beaucoup encouragé, et ce poème sur la Saint Valentin est traduit aujourd'hui en 15 langues et chanté par la chanteur Idir Bellali. J'ai aussi publié dans cinq anthologies internationales de poésie en français et en anglais. Ainsi que dans plusieurs revues et magazines internationaux. En ce moment, je bosse avec d'autres traducteurs pour travailler sur mes poèmes en allemand, en italien et en espagnol. On a toujours lu les auteurs étrangers, à notre tour maintenant de leur exporter nos projets pour qu'ils découvrent nos idées, nos écrits. Sans ces traductions, on ne pourra le faire. En 2009 et 2014, j'ai édité deux recueils de poésie Contusions et La toupie et l'échelle, en France, aux éditions Edilivre. – Dans votre dernier recueil Collier d'idées, vous explorez plusieurs thèmes. Quels sont ceux qui vous inspirent le plus ? Pour moi tout recueil de poésie que j'édite, je le considère comme un bouquet de roses avec leurs épines. Je ne choisis guère mes sujets ou thèmes. Ils s'imposent à moi sans rendez-vous et je ne choisis même pas mes mots, c'est l'inspiration du moment qui fait son travail, moi je n'ai qu'à suivre sa dictée. Je touche à tout, l'amour, la société, la femme, les rêves, l'environnement, la négligence, la jalousie, l'invasion culturelle. Comme aussi j'adore les fables et je fais parler les outils, les ustensiles ! J'ai déjà fait parler le miroir, l'aiguille, le couteau, la porte, le pari du soleil et du vent. Dans ce recueil aussi, j'ai rendu un vibrant hommage au barde Si Mohand U M'hand et traduit un long poème de Jules Antoine, poète français. J'aime avoir un regard singulier et une nouvelle touche dans mes écris. Ce recueil, je l'ai déjà édité en tamazight et traduit en français par le poète chanteur et traducteur Idir Bellali. En même-temps avec Collier d'idées, j'ai édité aussi un recueil en anglais sous le titre de The spinning top and the ladder traduit du kabyle par Camelea Benmammar. – D'ailleurs, pourquoi avez-vous choisi la poésie pour vous exprimer. Un genre littéraire presque délaissé par les maisons d'édition algériennes. Quand j'étais à l'école primaire et au collège, mes enseignants m'avaient prédit de devenir écrivain. Ils adoraient mes rédactions, mon vocabulaire et ma manière de traiter les sujets. En ce temps-là, je n'avais pas cru et je n'imaginais même pas être poète. C'était au lycée que j'avais écrit mon premier poème en 1984, et depuis je n'ai pas arrêté d'écrire et je trouve tout le plaisir à le faire, et à ce jour, j'ai édité 15 recueils de poésie en quatre langues. J'ai rencontré plein d'embûches dans mon parcours. Cependant, j'ai réussi à surpasser ça. J'ai édité neuf recueils de poésie à compte d'auteur, mais ces dernières années, j'ai surtout édité chez trois éditeurs six recueils de poésie. Ils ne se sont manifestés qu'après avoir vu que mes livres se vendent bien et ma poésie est appréciée du public. Le premier éditeur que j'avais contacté pour éditer mon premier livre, et qui avait refusé en prétextant que la poésie ne se vend pas, quelques années plus tard est revenu à la charge pour éditer mes nouveaux livres et que j'ai refusé par principe. – Pour vous, est-ce une sorte de résistance de continuer à produire de la poésie ? La poésie a toujours été et restera le maître mot de la culture kabyle, la philosophie qu'on retrouve dans nos poèmes et maximes et proverbes en est la preuve. Je n'ai pas choisi d'écrire et je ne peux pas décider d'arrêter, c'est une passion, un don et c'est un devoir envers ma culture. J'ai déjà entamé l'écriture d'un roman depuis presqu'une année, dans ma tête, je l'ai terminé, mais son écriture n'a pas encore vu le jour, car je suis au four et au moulin avec mes multiples passions. Comme aussi j'ai terminé un recueil de proverbes kabyles, plus de 4600, que j'éditerai aussi dans quelque temps. J'ai aussi des contes et des nouvelles à mettre au profit de nos lecteurs. La majorité des romanciers a commencé par éditer des recueils de poésie, et ce genre de romans sont très bien appréciés aussi, car on retrouve les belles paroles, les rimes, la musicalité dans les phrases…Il n'y a pas un village en Kabylie où on ne trouve pas de poètes, presque dans chaque famille, on peut compter déjà plus d'un. – Quels auteurs ou poètes admirez-vous le plus ? Je suis venu à la poésie sans aucun rendez-vous. Je me suis retrouvé dedans un certain printemps 1984 quand j'étais lycéen. Plein de poètes m'ont beaucoup apporté comme Si Mohand Ou M'hand, Aït Menguellet, Slimane Azem, Cherif Kheddam, Ben Mohamed, Si L'hocine Aït Ouarab, Matoub, Si Moh, Jules Antoine, Shakespeare, Ben Guitoune, Nizar Qebbani, Jean de La Fontaine, pour n'en citer que ceux-là. – Pensez-vous que des manifestations comme le SILA (Salon international du livre d'Alger) vous donnent de la visibilité ? Heureusement, le SILA est une superbe opportunité pour tout auteur pour rencontrer ses lecteurs et présenter ses œuvres. J'ai participé à onze éditions et c'était vraiment très bien. C'est un réel plaisir, d'ailleurs chaque année, avant la date du SILA, j'édite un à deux livres, au grand bonheur de mes lecteurs. Au SILA, ce sont des centaines de milliers de personnes qui viennent chaque année des quatre coins du pays. Au point où on se fraie difficilement un passage pour passer d'un stand à un autre. Il y a encore quelques salons locaux et régionaux où j'ai participé et c'est tout aussi intéressant, comme le Salon de Tizi Ouzou, Alger, Boumerdès, Bouira, Béjaïa et Oran. Je suis aussi sollicité par plusieurs fêtes culturelles ici en Kabylie. C'est magnifique aussi, car en Kabylie profonde, il y a un grand lectorat et un véritable engouement pour le livre. – Quel est votre prochain recueil ? En ce moment, je travaille sur un nouveau recueil de poésies en tamazight. Il reste juste à finir sa saisie et choisir un titre. Deux traductions en arabe paraîtront bientôt : Khalilati, par Abdelkader Abdi et Qiladat Afkar, par Arezki Keteb. Tazlagt n tikta est en pleine traduction par Ghalia Bedrani en langue anglaise. Je compte éditer la compilation de tous mes recueils de poésie en tamazight et en français dans deux grands volumes. Il y a également Tiderray qui a été édité en tamazight et en français, il sera édité bientôt en cd au plaisir de mes fans qui aiment écouter la poésie en musique. Enfin, un recueil de proverbes kabyles, dont la majorité est inédite, est fin prêt aussi et verra le jour dans quelques semaines.