Le gouvernement irakien et une bonne partie de la classe politique de ce pays sont persuadés que les élections législatives d'aujourd'hui sont cruciales et qu'elles n'ont rien à voir avec le vote identitaire de 2005. Pour que tout cela soit réel, il faut que la participation des électeurs suive ce discours ; mais dans le cas de l'Irak, il faut que les communautés conviennent avec ce mot d'ordre. Est-ce le cas pour l'Irak où rien ne va entre les différentes communautés, certaines étant au moins suspectées de vouloir un statut qui aille bien au-delà de ce qu'autorise le fédéralisme décidé en octobre 2006, un système qui ne fait pas déjà l'unanimité. Et le chemin qui y mène, ardu il est vrai, mais le moins coûteux en vies humaines est le recours à la politique, ce qui, par voie de conséquence, signifie la proscription de la violence entre Irakiens. Mais pour que cela soit possible, il faut que les politiques aillent au-delà de leurs discours, afin d'impliquer le plus grand nombre et de favoriser la participation de toutes les communautés et surtout des sunnites qui devraient retrouver le chemin des urnes après les avoir boudées en 2005, lors des premières législatives depuis l'invasion américaine en mars 2003. « Il ne s'agit ici ni plus ni moins que de fixer l'avenir de l'Irak », estime l'anthropologue irakien Hosham Dawood, basé à Paris. Une forte participation des sunnites, qui représentent 23,6% de la population, rééquilibrera la donne politique et signifiera qu'ils acceptent le jeu politique malgré leur perte du pouvoir au profit des chiites (58,8%). « En 2005, ce fut un vote identitaire et cette année c'est un vote utilitaire, car la population optera pour des candidats dont elle pense qu'ils pourront améliorer leur quotidien », résume le ministre communiste des Sciences et de la Technologie, Raïd Fahmi. S'il peut paraître prétentieux de vouloir reconstituer la mosaïque irakienne, le prochain gouvernement irakien aura pour tâche d'éviter l'éparpillement de ses membres, et dans son prolongement, cette attitude de défi à l'égard de l'autorité centrale. C'est pourquoi, même les Américains considèrent que le processus de formation du gouvernement après ce scrutin risque de prendre des mois, rappelant que lors du précédent scrutin en 2005, « il avait fallu près de cinq mois pour former un gouvernement ». Ce qui témoigne de l'âpreté du débat politique et surtout de l'obligation pour le futur cabinet de bannir l'exclusion, ce qui ramènerait le pays à un nouveau départ de la séparation entre communautés, et surtout de la violence qui a causé tant de dégâts à l'Irak. Que serait ce scrutin, si les Etats-Unis n'avaient pas aidé à sa « crédibilisation » en suggérant au gouvernement sortant de Nouri Al Maliki de revenir sur sa décision d'exclure des candidats ? Pour ainsi dire, ce fut une opération de sauvetage. Il en ainsi pour l'Irak contraint beaucoup plus de parer à l'urgence. Celle de donner aux Irakiens ce sentiment qu'il faut réellement tourner la page du passé, sans craindre quoi que ce soit.