Sollicités par Hakim Fikioui, l'apiculteur qui a découvert cette stèle avant de la mettre à l'abri d'éventuels prédateurs ou des actes de vandalisme, nous nous sommes rendus sur les lieux en compagnie d'une équipe d'archéologues conduite par Farid Kherbouche pour voir de plus près ce vestige qui nous vient du fond des âges. «Ce bloc gréseux brunâtre non dégrossi porte sur une face naturelle relativement plane des gravures en caractères libyques parfaitement lisibles. Il s'agit d'une stèle funéraire portant un texte court que les épigraphes pourraient restituer. La grande majorité des inscriptions libyques découvertes en Afrique du Nord sont réservées au domaine funéraire. On connaît néanmoins des exceptions, comme celle de Dougga en Tunisie qui date du règne de Micipsa et qui commémore la construction d'un temple dédié à Massinissa en 138 av. J.-C.», analyse Farid Kherbouche. «L'emplacement de la découverte de l'inscription d'Ikedjane peut correspondre à celui d'une nécropole, mais aucune construction ni sépulture ne sont actuellement visibles en surface. La roche est d'origine locale et nous pensons même qu'elle a été extraite non loin de son lieu de découverte. Des négatifs d'enlèvements sur un gros bloc in situ correspondent aux dimensions de notre stèle. Des fouilles et sondages archéologiques sur ce site pourraient préciser le contexte (funéraire) et la datation de cette inscription», poursuit l'archéologue. Sollicitée par nos soins, Samia Aït Ali Yahia, maître de conférences à l'université de Tizi Ouzou, spécialiste des stèles libyques et auteur de deux ouvrages sur le sujet, a bien voulu nous livrer son interprétation. «La stèle qui se présente sous forme d'une dalle rectangulaire brisée sur le côté gauche comporte des gravures composées de caractères libyques constitués de 4 lignes écrites verticalement et de 14 caractères», analyse en premier lieu notre spécialiste en épigraphie. Elle ajoute que le terme «caractères libyques» désigne l'écriture des anciens Berbères. C'est un mot qui tire son origine de Libye, terme par lequel les Grecs désignaient l'Afrique, ou encore de Lebou terme par lequel les pharaons désignaient la partie occidentale de l'Egypte. Quant à la signification des caractères, Samia Aït Ali Yahia affirme : «On retrouve le groupe initial des trois caractères M.U.U. sur cette stèle qui est déjà connu et publié par Chabot. Il pourrait s'agir du nom d'un roi ou d'une région.» Concernant l'âge de la stèle, notre spécialiste ne se prononce pas car les stèles libyques sont très difficiles à dater par manque d'indices archéologiques. «L'analyse approfondie de cette stèle montre combien il est utile de recueillir de tels documents. Il est certain que si des documents pareils venaient s'ajouter à ceux que nous possédons déjà, notre connaissance, aussi bien de la période que des caractères libyques s'éclairera peu à peu», dit-elle.