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Dr Charles Saint-Prot. Directeur de l'Observatoire d'études géopolitiques (Paris) : « Israël, les USA et l'Iran complotent pour la partition de l'Irak »
L'Irak vient de tenir des élections législatives présentées comme cruciales dans un contexte pour le moins violent. Pensez-vous que ce scrutin soit vraiment utile dans de telles circonstances ? Il serait utile de donner la parole au peuple irakien s'il était possible qu'il s'exprime librement et en toute indépendance. Tel n'est pas le cas, puisque l'Irak est un pays qui reste occupé par les Etats-Unis et leurs supplétifs dont plusieurs dizaines de milliers de mercenaires et soumis à la loi des milices kurdes, proches de la CIA et des services israéliens, ou chiites dont la plupart sont encadrées par les pasdarans et les agents iraniens. L'Iran soutient ouvertement la coalition chiite rassemblant le parti de Moqtada Sadr et le Conseil suprême islamique irakien, mais il a également des pions importants du côté de Nouri al-Maliki. Même s'il est aujourd'hui le candidat des Etats-Unis, il ne faut pas oublier que Nouri Jawad Maliki a passé une partie de sa vie au sein du mouvement terroriste Al Dawa à Téhéran. Par ailleurs, il faut bien constater qu'une partie importante de la population — les Arabes sunnites — a été quasiment empêchée de présenter librement des listes de candidats, et cela sous prétexte de bannir de la représentation nationale ceux qui sont soupçonnés d'avoir appartenu au parti Baâth, ce qui était tout de même le cas de millions de personnes ! En fait, des pans entiers de la population ont des difficultés à s'exprimer : d'abord, les sunnites, mais aussi les Kurdes du parti Goran qui est en proie aux menaces des deux formations kurdes féodales et corrompues qui accaparent le pouvoir dans cette région. Sont également exclus du jeu les Irakiens chiites laïcs qui étaient très nombreux à l'époque du président Saddam Hussein et dont beaucoup étaient d'ailleurs baâthistes. Sans compter les malheureux Irakiens chrétiens qui sont terrorisés. On conçoit que dans un tel contexte, la tenue d'élections législatives soit une parodie dont on ne peut certainement pas attendre grand-chose de positif. Pensez-vous que le peuple irakien ait envie de participer à des élections sur fond de menaces d'attentats. N'est-ce pas une sorte de fait accompli du gouvernement El Maliki que le contexte semble favoriser ? Le blocage est moins dû à la peur des attentats qu'au manque de crédibilité du processus. Globalement, à de rares exceptions, le choix est de voter pour les collaborateurs des Etats-Unis ou les agents de l'Iran. De fait, les fraudes risquent d'être aussi massives que pour les élections régionales de 2005. Il est indéniable que ce contexte de peur, de dégoût et de fraude favorise le parti de Maliki, même s'il représente réellement moins de 30% de l'électorat. Y a-t-il un risque que ces législatives soient les dernières élections d'un Irak « uni » ? Tout l'enjeu est celui de l'avenir de l'unité de l'Irak. Israël, très influent auprès des dirigeants féodaux kurdes, l'Iran et, dans une moindre mesure, les Etats-Unis, complotent évidemment pour une partition de l'Irak afin d'affaiblir encore plus la nation arabe. Il y a une vraie inquiétude sur la volonté kurde d'annexer la ville de Kirkouk et les champs pétroliers voisins. Le point d'équilibre et de stabilité de l'Irak est la communauté arabe sunnite, parce qu'elle est sunnite comme les Irakiens kurdes et arabe comme les Irakiens chiites. Or, la communauté arabe sunnite est marginalisée. Dans la mesure où les élections, tenues dans les conditions déplorables que j'ai rappelées, risquent de voir le triomphe des forces séparatistes kurdes et de partis pro-iraniens, il est à craindre que l'unité de l'Irak soit en péril. Pourtant, il est un facteur qu'il ne faut pas sous-estimer, c'est que le peuple irakien dans sa majorité est attaché à l'unité d'un pays qui existe tout de même depuis 8000 ans ! Finalement, c'est peut-être du peuple, quand il pourra s'exprimer librement, que viendra le salut de l'Irak. Mais la première condition du renouveau, c'est bien entendu la fin des ingérences américaines, iraniennes et autres.