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Le mouvement syndical en Algérie et la dynamique des syndicats autonomes
Publié dans El Watan le 07 - 03 - 2018

Il faut rappeler pour la mémoire historique, les syndicats autonomes sont apparus dans les années 1990 grâce à la Constitution de 1989 qui consacre le pluralisme syndical et politique.
L'activité gouvernementale et la démocratie fonctionneront mieux que lorsque la croissance économique hors la rente augmente régulièrement, l'élément confiance est renforcé davantage et enfin, la priorité à la compétence dont notamment de grands hommes capables de peser sur le cours des événements et d'améliorer la situation socioéconomique. Sur ce point, le mal algérien, c'est qu'on est dans un pays où le développement des hydrocarbures (rente) n'a pas entraîné le développement socioéconomique, notamment notre économie est demeurée subventionnée et structurellement importatrice et qu'elle n'a toujours pas surmonté, vient d'entrer dans une phase sévère de déclin, dont les indicateurs de la micro-économie sont de moins en moins rassurants.
Cela ne peut pas se concrétiser sans l'implication effective des élites intellectuelles, chercheurs et des travailleurs à travers leurs représentations syndicales et leurs organisations professionnelles. Il faut que ces dernières deviennent aujourd'hui un moyen de la bonne gouvernance du pays. Ce qui nous unit, c'est l'avenir du pays, son économie réelle.
De nos jours, il est bien admis que ce n'est plus l'exploitation qui est à craindre, mais l'exclusion individuelle ou collective. Un pays qui oublie, qui marginalise ou qui ne donne pas d'importance aux valeurs humaines n'a sûrement pas d'avenir. On ne peut pas charmer avec un discours partisan ou populiste qui ne prend pas en compte les réalités socio-économiques du pays et aussi les aspirations populaires et les sensibilités qui s'expriment au sein de la société civile ainsi que nos élites intellectuelles et scientifiques.
Oui, en effet, comme à chaque fois, les partenaires sociaux (syndicats autonomes) sont mis à rude épreuve depuis plusieurs années au point où une seule organisation a pu se pérenniser : l'UGTA, l'unique partenaire social reconnu, malgré l'existence de dizaines d'organisations agréées, mais ignorées. Il est nécessaire et important d'instaurer le dialogue pour donner de solides fondements à la démocratie participative dans ce pays que nous ne laisserons pas tomber. Au rythme où vont les choses, le mouvement syndical autonome occupe le terrain des revendications socioprofessionnelles à travers des grèves cycliques et illimitées qui durent depuis des mois.
Face aux difficultés du dialogue social et des libertés syndicales, il y aura encore des grèves et encore du retard puisque ces grèves sont déclarées illégales et les grévistes encore et de plus en plus persuadés que leur grève est juste. Au-delà des revendications socioprofessionnelles légitimes qu'il pourrait y avoir, il s'agit d'apprécier sainement la situation actuelle et de s'engager dans le travail de manière à faire en sorte que notre bien commun, qui est l'Algérie, renoue véritablement avec la croissance économique hors hydrocarbures.
Dans les pays démocratiques, les citoyens et les organisations syndicales et professionnelles jouissent généralement du droit à plus de libertés syndicales et d'expression, notamment de discuter et de critiquer le système social et politique. Rien dans ces pays ne peut échapper au débat contradictoire. Cela n'empêche pas ces pays de demeurer stables et de vivre dans une harmonie économique et sociale.
En revanche, si nous refusons le débat contradictoire et écartons les grèves dans le cadre de la Constitution où nous nous interdisons l'esprit critique, nous ne pourrons pas combler nos lacunes et corriger nos erreurs. En somme, cela permet aux sociétés de s'observer mutuellement et de vérifier si elles ont des lacunes, maladresses ou des défauts. L'une des règles d'or de ces pays aujourd'hui, symbole de richesse, c'est l'évolution et le progrès des sociétés dans le monde où les enjeux économiques seront davantage construits autour des ressources humaines et des intelligences. A ce propos, nous citons un exemple édifiant : «Je n'ai pas besoin d'ordinateur, j'ai Attali», disait François Mitterrand, président français.
Il ne se passe pas en effet un jour sans que la presse ne rapporte pas des mouvements de protestation qui occupent le terrain des revendications sociales à travers des marches, grèves cycliques et illimitées qui durent depuis des mois tant du côté du secteur administratif, santé, enseignement que du secteur économique. En plus des manifestations qu'organisent les chômeurs, les demandeurs de logements, aujourd'hui des collégiens et des lycéens n'ont pas hésité à improviser des marches dans plusieurs villes du pays pour crier leur colère contre la radiation des enseignants en grève et le report des examens.
Et plus que cela, il y a la bureaucratie et les affaires inhérentes aux scandales de corruption qui viennent de secouer l'opinion publique qui aggravent encore la situation tant ils constituent un frein à l'amélioration du climat social, ce qui demeure regrettable, sachant que l'Algérie reste le plus vaste territoire d'Afrique aux grandes potentialités et richesses, un marché stratégique notamment aux portes de l'Europe et de l'Afrique, et qui aurait permis à notre pays de se développer démocratiquement, économiquement et socialement et de rejoindre les pays développés ou du moins lesdits émergents dont notamment la Russie, le Brésil, la Chine, l'Inde, l'Afrique du Sud, l'Indonésie, le Vietnam, les pays du Golfe…
Et par conséquent, répondre à toutes ces attentes sociales qui sont de nature socioéconomique et s'imposer dans les mutations régionales et capable de s'adapter aux évolutions des sociétés modernes pour une Algérie nouvelle. Ainsi, la dimension du savoir, de l'économie et la valeur humaine doivent être capitalisées à grande échelle dans les secteurs d'activité. C'est sans doute la voie la plus sûre, notamment le meilleur gage pour sortir de la problématique de la crise morale qui paralyse le pays et la société en général et rétablir l'espoir en l'avenir, notamment réhabiliter les forces productives et les valeurs du travail comme vertus pour asseoir les bases de la paix sociale et d'un développement durable.
Cela requiert de stimuler de nouvelles sortes d'intelligences aux difficultés du dialogue social en Algérie entre les employeurs, les syndicats et les pouvoirs publics. Comme le recommande d'ailleurs notre religion : «On a fait de vous une société rassembleuse, de concertation et de consultation sur tous les sujets qui touchent à la nation.»
Evidemment, l'étape actuelle nous impose de bien gérer notre projet de société démocratique, parce que nous sommes un pays aux portes de l'Europe et au cœur de l'Afrique et du Maghreb, ce qui constitue la base du modèle démocratique et social à mettre en place dans le futur. C'est dire, l'ouverture d'un dialogue franc qui doit conduire à la conclusion d'un accord politique, économique et social qui garantira les acquis sociaux à travers la liberté de s'organiser en syndicat.
Par conséquent, donner une nouvelle vie économique et sociale au monde du travail, de la science et de l'économie en général en vue de consolider le front interne et lever ce climat de suspicion pour mieux affronter les défis auxquels est confronté le pays. Sinon, quel rôle pour les syndicats autonomes ?
En fait, cela nécessite que la relation entre l'Etat, la société et les élites soit repensée et développée. Oui, notre pays dispose de ressources largement suffisantes, mais il se doit notamment de miser sur des élites et des cadres qui ont du potentiel dans les stratégies au diapason de l'évolution des technologies et du savoir et capables de peser sur le cours des événements et d'améliorer la situation. Une société sans rente est beaucoup mesurée, utile et rentable.
En effet, à l'ère du XXIe siècle, dominé par la mondialisation particulièrement, le pays est aujourd'hui face aux grands défis qui sont ceux de la démocratie participative dans la gouvernance, la gestion publique et le libéralisme économique qui aspirent à un ordre socioéconomique légitime d'un Etat de droit, qui occupe aujourd'hui une place de choix dans l'amélioration du climat politique, la stabilité et l'environnement des affaires dont dépendra la transition démocratique en question où doivent se projeter à notre avis les valeurs humaines d'excellence comme seuls facteurs de progrès d'une nation qui est l'œuvre de l'intelligentsia et non de dirigeants stagiaires ou d'amateurs.
C'est bien de cela qu'il est aujourd'hui question pour une sortie de crise et préparer une étape nouvelle autour de ce nouveau projet social de l'Algérie nouvelle afin de faire face à l'évolution des mutations socio- économiques mondiales.
C'est dans ce contexte qu'il faut replacer le mouvement social en Algérie qui est le fondement des richesses et du progrès économique, car toutes les questions et dossiers chauds de l'heure sont là, à la lumière du contexte économique actuel. Selon les statistiques, le travail temporaire dans nos entreprises est de 40% dans le secteur public et de 84% dans le secteur privé, alors que 96% des entreprises privées n'ont pas de partenaires sociaux et que 75% des travailleurs du secteur privé ne sont pas déclarés à la sécurité sociale.
Par ailleurs, le salaire d'un footballeur des Ligues professionnelles 1 et 2 est 100 fois supérieur au SNMG (Salaire minimum garanti par l'Etat), soit l'équivalent de 2 000 000 DA/mois et 10 fois et plus celui d'un cadre de haut niveau, d'un chercheur, d'un professeur d'université, ou d'un médecin, d'un journaliste…
Le statut d'un cadre politique ou d'un footballeur vaut mieux que n'importe quel diplôme universitaire. Et comme aussi le rapport salaire sur le Produit intérieur brut (PIB) est inférieur à 30% en moyenne contre une moyenne dépassant les 50% pour les pays développés et émergents. Et enfin, les travailleurs sont les premiers contributeurs au budget de l'Etat. Il est bien évident qu'à ce titre, parler de la crise socioéconomique et financière qui secoue le pays et oublier la question des ressources humaines, la vraie, cela équivaut à oublier qu'une nation se construit avec toutes ses composantes, sans exclusive.
Oui, dès lors, les classes ouvrière, moyenne et les représentants de notre intelligentsia comme étant le symbole que représentent les forces vives de la nation, l'autre enjeu après le pétrole est un élément-clé pour un second souffle de l'économie nationale pour rendre l'Algérie meilleure à l'instar des pays démocratiques, surtout dans le nouveau contexte de la mondialisation, à l'instar des pays émergents, ce sont les partenaires sociaux, qui bâtissent la cohésion en contribuant pour l'avenir de notre pays.
Le paysage syndical algérien vit au rythme des tensions sociales face à une conjoncture économique inquiétante marquée par la cherté de la vie où le pouvoir d'achat a diminué de près de 60%, selon l'ONS. En effet, l'immense majorité des travailleurs et les Algériens en général, dont près de 70% ont aujourd'hui un revenu net inférieur à 30 000 DA /mois, soit près de 80% du seuil de pauvreté, ce qui demeure sous la contrainte d'un modèle administré rentier basé sur les hydrocarbures. Ce qui nous unit, c'est l'avenir du pays, son économie réelle, c'est tout l'enjeu futur afin de garantir à chaque Algérien un emploi et un revenu stable.
Par ailleurs, les motivations de notre élite intellectuelle et de nos cadres d'entreprises ont été détruites durant ces trois dernières décennies, et sans pour autant qu'on évalue les ressources humaines, facteur premier de la richesse d'un pays. En effet, un nombre important de compétences s'est vu contraint de partir en retraite avant l'âge légal (60 ans) ou carrément quitter le pays en raison de leur marginalisation.
Pourquoi ? Parce que, confrontés à des contraintes majeures pour imposer leurs idées et défendre leurs tâches et responsabilités, et mettre en œuvre leurs compétences, nos élites et cadres de haut niveau tombent souvent dans l'opposition et deviennent un problème pour les dirigeants économiques, ce qui a accentué la démobilisation dans le travail et massifié les départs volontaires ou anticipés. Sans compter sur le manque d'égard à l'endroit de ces compétences et cet esprit dogme décliné par la formule «nul n'est indispensable».
Le capital humain, la richesse de demain, est encore un objectif lointain et l'appel aux compétences se fait de moins en moins. Selon les statistiques, près de 260 000 de nos cerveaux et cadres de haut niveau auraient, en effet, quitté le pays depuis le début des années 1980 pour s'installer à l'étranger.
Il est donc nécessaire de se pencher sur la question des énergies humaines avant l'argent et la machine qui peuvent constituer un levier stratégique, une base de l'initiative et de l'action compte tenu de l'ampleur des défis qui attendent l'Algérie dans cette transition. D'où cette réalité amère qui fait que les valeurs du travail ne se manifestent guère en Algérie
De nos jours, le travailleur a besoin d'être écouté, associé à toutes décisions et changements, et enfin récompensé dans son milieu professionnel. Evidemment, l'étape actuelle nous impose de bien gérer notre projet de société démocratique, parce que toute nation qui aspire à devenir un pays développé doit préparer sa transition politique, économique et sociale en intégrant les élites, ce qui sous-entend les vrais intellectuels, en valorisant notamment le travail honnête, l'effort intellectuel et scientifique et les compétences, ce qui permettra au pays d'affronter la mondialisation.
En effet, nous sommes un pays aux portes de l'Europe et au cœur de l'Afrique et du Maghreb dans la perspective d'un véritable développement harmonieux dans le nouveau monde d'aujourd'hui bâti sur la compétitivité et l'intelligentsia.
Cette situation soulève aujourd'hui un sérieux problème de société et de pérennité de la gouvernance économique et politique du pays, car si l'on peut construire des logements, des routes, des écoles, des universités, des usines, c'est bien, mais on ne pourra pas reconstruire un système économique et de formation des élites, scientifiques et des classes moyenne et ouvrière défait aujourd'hui par des crises économiques, politiques et morales sans précédent. Il serait ainsi par exemple souhaitable à notre humble avis de soumettre à débat national, notamment entre autres :
l'avant- projet de loi du code du travail ; la révision du Salaire national minimum garanti (SNMG) ; l'allègement de l'Impôt sur le revenu global (IRG) qui pénalise lourdement les salariés au même titre que les retraités, notamment de revoir le taux de perception pour les salariés et d'exempter les retraités de cette imposition ; la revalorisation annuelle des pensions de retraite, soit 5%, demeure insuffisante, d'où la nécessité de revoir les niveaux actuels à 10% ; la revalorisation du SMIG à 25 000 DA.
En espérant un accroissement de la production et la productivité nationale, d'autant que l'Algérie est forte de plusieurs atouts, la chance que n'ont pas d'autres pays.
Voilà donc notre conviction que notre pays se développe et dispose de suffisamment d'atouts pour un développement durable, notamment créateur d'emplois, de richesses et de technologies en mettant à contribution les valeurs du travail et les ressources humaines comme étant un enjeu économique.
Par M'hamed Abaci
Financier et auteur


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