Ils sont tous là, ils sont partout, des filles, des garçons des enfants volontaires donnant de leur temps et de leur belle énergie en symbiose. Une image inhabituelle, qui le devient avec ces artistes dans l'âme, profondément impliqués dans une dynamique nouvelle, inédite, de nettoyage, d'embellissement et de changement donnant de la couleur et de la vie à des murs morts d'ennui et de négligence. A l'heure où le pays s'apprête à se mobiliser pour le 11e vendredi consécutif, les jeunes de Ouargla s'approprient donc chaque jour des pans entiers de l'espace public, qui se prête à leurs campagnes de nettoyage et d'embellissement, aux fresques murales tantôt bigarrées tantôt monochromes, aux expositions de photos et de peintures et en toute circonstance, à une présence massive et joyeuse d'une jeunesse volontaire et une enfance lui emboîtant le pas. «On est là pour leur faciliter les choses avec les autorités, vous savez la paperasse, les autorisations, les conseils, ils peindraient tous les murs de la ville si ça ne tenait qu'à eux», affirme Salah, un des nombreux coaches de «Sada Chabab», une des associations qui prend à bras-le-corps ces initiatives où les appartenances associatives et personnelles sont solubles et cèdent le pas à l'enthousiasme de Fatma, Anes, Rachad, Hiba, Inaam et les autres. Street art Mercredi 1er mai, une vingtaine de filles et de garçons achèvent le chaulage du mur attenant au siège de l'organisation des moudjahidine. Entre l'emblématique place du 27 Février 1962 et la mairie de Ouargla, un jardin abandonné intéresse ces jeunes gens qui ont adhéré depuis une vingtaine de jours à l'appel publié sur Facebook pour une action simultanée dans plusieurs wilayas du pays, du nom de #Netaawnou_gaa et #l'art_est_public. Dans ce pƒetit jardin qui a pris du jour au lendemain toute la ferveur de ces volontaires, «l'idée était de donner des couleurs à un mur morose pour qu'il soit visible de loin», explique Mohamed, artiste-peintre participant à la campagne. A peine deux heures après, une immense fresque orange apparaissait avec ses dunes sahariennes et ses dromadaires. Entre deux immenses peupliers, des membres de la famille Rehoudja accrochaient les photos de la défunte Abla, ravie à l'affection des siens à la fleur de l'âge en février dernier, six mois à peine après sa sortie de promotion de l'Ecole des beaux-arts d'Azazga. «Nous venons apporter la touche de Abla à cette immense œuvre à laquelle elle aurait sûrement voulu participer», explique sa sœur Asma, les larmes aux yeux, ajoutant : «Abla avait un rêve, une vision pour Ouargla sa ville natale, elle voulait cacher le béton et lui donner des couleurs, elle rêvait d'une école des beaux-arts pour que les jeunes talents ne fassent plus des milliers de kilomètres pour vivre leur passion et en apprendre les rudiments aussi loin, elle qui a passé quatre ans dans les bus avant de décéder peu après avoir obtenu son diplôme.» Anes Baameur, membre du collectif organisateur de l'initiative, lance quant à lui un appel à une mobilisation artistique digne de Ouargla. Non content de regrouper une dizaine d'artistes peintres et de musiciens qui accompagnent l'exposition de photos et de peintures, il encourage les jeunes à collaborer à l'œuvre collective des fresques murales qui marquent selon lui «le renouveau de l'âme artistique de la ville, dans un même endroit des volontaires les aideront, des ateliers de dessin pour les enfants permettront de transmettre le message». Pourquoi le choix de cet emplacement ? Une zone abandonnée au cœur de la ville, tout près de Aïcha Nouaceur, une des plus anciennes écoles primaires. Même la mairie a mis le paquet. soudainement Ouargla se découvre des artistes, un maire à l'écoute, une direction de la jeunesse et des sports qui soutient l'initiative qui se prolongera jusqu'au vendredi après la marche hebdomadaire. Anes Baameur estime que «le hirak a donné libre cours à une pensée positive, pas seulement chez les artistes, les jeunes mais au commun des gens qui adhèrent et appuient moralement et financièrement nos campagnes, c'est une réappropriation de la rue, des espaces, un nouveau langage qui s'instaure entre nous ; nous méritons de vivre mieux ensemble en toute beauté et aux couleurs de l'Algérie.» Ouargla.