– Des agents en civil ont opéré ce matin (hier) aux alentours du tribunal de Sidi M'hamed (Alger) des arrestations parmi les citoyens venus soutenir les détenus d'opinion, qui seront présentés devant le juge d'instruction. Le CNLD a dénoncé une chasse à l'homme… Des agents en civil ont lancé le matin une opération de chasse à l'homme en ciblant les personnes connues du CNLD, du Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), du Réseau de lutte contre la répression et des parents des détenus. Mourad Amiri, qui devait se présenter au procès l'opposant à l'actuel ministre de l'Intérieur, a été embarqué de force devant le tribunal et emmené avec son ami Tahar Achiche au commissariat de Cavaignac. Heureusement, les avocats du collectif de défense ont compris qu'il y avait volonté de condamner Amiri en son absence et ont donc agi… Malgré la répression, le sit-in de solidarité avec les militants a pu se tenir après l'arrivée de Mohcine Belabbas, Ali Laskri, Abdelouahab Fersaoui… – Les cinq militants du Raj ont été présentés devant le procureur après leur interpellation le vendredi 4 octobre… Les militants du RAJ n'ont été présentés devant le tribunal qu'en début d'après-midi (14h). Je rappelle qu'ils ont été arrêtés par des agents en civil, dans une cafétéria du centre-ville d'Alger. Ils ont été contraints d'ouvrir leurs sessions Facebook. Je précise aussi qu'il ne s'agit plus de simples interpellations comme on en a connu auparavant, mais de véritables kidnappings. – Ces arrestations se poursuivent depuis plusieurs jours. Le CNLD a-t-il fait un décompte des détenus à ce jour ? Nous avons recensé 81 détenus. Il y a en outre les 13 manifestants arrêtés entre le 1er et le 5 mars dernier et poursuivis pour «destruction de biens publics», que nous n'avons pas intégrés. Nous verrons avec les avocats comment faire. – Votre collectif a dénoncé le traitement réservé à certaines personnes interpellées… Effectivement. Je commence d'abord par citer le cas de Bilal Ziane, placé en détention avant que le juge ne le libère et le place sous contrôle judiciaire. C'est toujours délicat pour un cancéreux, dont la séance de chimiothérapie, programmée le 28 octobre, peut coïncider avec l'obligation de se présenter à la police. Il y a ce cas du malade mental, Maâti Salah, mis en détention alors qu'il se trouvait par hasard sur le trottoir. Malgré le dossier médical présenté par son frère, la cour d'Alger a décidé de confirmer, contre toute logique, son mandat de dépôt. Il y a l'étudiante, Dahmani Nour El Houda, qui a été arrêtée avec une pancarte dans son sac. Il y a aussi Chebili Smaïl, étudiant en 6e année de médecine à l'université de Tizi Ouzou, placé en détention alors qu'il portait le drapeau amazigh comme cache-col ! L'arrestation de ce jeune étudiant, brillant et estimé de son entourage, a eu lieu à 18h30, à la fin de la marche. – Comment expliquez-vous que des détenus soient libérés ailleurs et mis en détention par les tribunaux d'Alger ? En effet. Il y a le cas de Karim Tabbou, arrêté devant sa femme à Douéra et conduit devant le juge du tribunal de Koléa (Tipasa). Il est accusé la première fois pour «atteinte au moral des troupes». Il est remis en liberté conditionnelle. Seize heures après, il est arrêté au même endroit. Jeudi soir, le tribunal de Sidi M'hamed l'a placé à nouveau sous mandat de dépôt pour «atteinte», cette fois, «à la sécurité de l'Etat» et renvoyé non pas à la maison d'arrêt d'El Harrach, mais à Koléa ! Les juges gagnent du temps pour voir s'ils doivent prolonger la détention préventive. On est actuellement à 107 jours de détention. Avant l'expiration du délai légal (4 mois = 120 jours), nous saurons quelles seront les décisions qui seront prises. Il y aura sûrement des décisions venues d'en haut. En attendant, plus de 80 familles souffrent le martyre. – Des détenus ont décidé aussi d'entamer une grève de la faim. Qu'en est-il ? Ce sont les prisonniers arrêtés lors de la marche du vendredi 13, qui ont affiché leur intention d'entamer une grève de la faim, comme nous l'a précisé l'avocat Abdelghani Badi. La décision a été prise par ces six détenus après la confirmation par la cour d'Alger des mandats de dépôt. Les autres prisonniers arrêtés entre le 21 juin et le 5 juillet ne se sont pas joints à cette action. Selon les avocats, ils disent faire confiance à la mobilisation citoyenne pour les libérer. – Le CNLD a décidé d'engager d'autres actions en faveur des détenus… On va se concerter avec les différents collectifs, le RAJ, les avocats pour programmer des actions. Les avocats ont décidé de faire plus de pressions sur les juges. Je note que le collectif des avocats du barreau de Tizi Ouzou, le plus actif, se réunira lundi (aujourd'hui) à 14h pour s'entendre sur un plan d'actions.