Le 34e vendredi a connu un regain de la mobilisation assez marqué. Pour certains, la répression de mardi dernier a eu l'effet inverse, puisqu'elle a poussé beaucoup plus de citoyens à braver la peur pour dénoncer ce qu'ils ont considéré comme une injustice. Alger a connu, hier, une très forte mobilisation. Si vendredi passé, certains ont vite conclu que la contestation a commencé à faiblir, avec le fléchissement constaté de la mobilisation, hier, à l'occasion du 34e vendredi, le hirak a démontré qu'il arrive toujours à trouver les ressources pour se remobiliser. A cet effet, en plus de la réaffirmation de leur rejet de la présidentielle du 12 décembre, les manifestants ont exprimé leur refus vis-à-vis de l'adoption de la nouvelle loi sur les hydrocarbures qui devra être examinée en Conseil des ministres, probablement demain. Ils ont également dénoncé la répression qu'ont subie les étudiants mardi dernier. Ils étaient nombreux les Algériens qui ont battu le pavé, hier, dans la capitale pour le 34e vendredi de suite. Une forte mobilisation qui pouvait rappeler celle du 5 juillet passé. Vers 15h, la place jouxtant la Grande-Poste à celle d'Audin, les rues Khettabi, Asselah, Amirouche et Hassiba Ben Bouali étaient noires de monde. Alors que des manifestants ont commencé à se regrouper à la Grande-Poste bien avant midi, une marche a démarré de la place du 1er Mai, comme à l'accoutumée aux environs de 14h. Un moment après, tout l'axe de la rue Hassiba Ben Bouali menant de cette esplanade vers la place Maurétania était occupé par les protestataires. La foule se dirigeait vers la Grande-Poste. Au même moment, une autre imposante marche a démarré de Bab El Oued. Et c'est avec des applaudissements que les manifestants qui sont venus de ce quartier populaire ont été accueillis à la Grande-Poste. Vers 15h30, il était devenu difficile de se déplacer dans le centre d'Alger. Bien évidemment, les marcheurs ont réaffirmé leur rejet des élections du 12 décembre qui, d'après eux, ne vont faire que «régénérer le système». «Makanch intikhabat ya îssabat !» (Pas d'élections, bandes), ont encore une fois scandé les manifestants qui ont également clamé : «Lebled bladna, ndirou raina, makanch l vote !» (Ce pays est le nôtre. On fera ce qu'on veut. Il n'y aura pas de vote). Ceux-là s'en tiennent toujours à leur position de rejet d'une élection organisée par des «symboles» de l'ancien système, le chef de l'Etat Abdelkader Bensalah et le Premier ministre Noureddine Bedoui, en l'occurrence, et dans des conditions marquées par des arrestations tous azimuts. C'est pour cela qu'ils ont, par conséquent, réclamé la libération des détenus. Beaucoup de manifestants ont brandi des photos et des pancartes portant les noms de personnes arrêtées ces dernières semaines, à l'image de Karim Tabbou, Fodil Boumala et Samir Belarbi, pour ne citer que ceux-là. Des parents de détenus étaient également présents, chacun d'eux portant la photo de son proche. Soutien aux étudiants et rejet de la nouvelle loi sur les hydrocarbures Ce 34e vendredi est venu aussi comme une réaction à la répression qu'ont subie les étudiants mardi dernier. A chaque fois que la foule arrive devant les policiers antiémeute postés sur place, elle scandait : «Hagarine ettalaba». «Mardi prochain avec les étudiants», ont-ils également crié. L'attitude des services de sécurité, mardi passé, qui ont réprimé et interpellé de nombreux étudiants, empêchant par la même occasion la marche de se dérouler, a été ainsi dénoncée par les manifestants, qui promettent de venir en force à la 34e marche de la communauté universitaire. Bien évidemment, les Algériens du hirak, qui ont pris l'habitude de réagir à l'évolution de la scène politique, dans ses moindres détails, hier, ont été unanimes à rejeter la loi sur les hydrocarbures, qui devrait être adoptée demain en Conseil des ministres. «Qanoun el mahroukat, dirouh fi el Imarat !» (La loi sur les hydrocarbures, appliquez-là aux Emirats), ont-ils scandé. Et contrairement aux fois passées, hier, il n'était plus question de «Klitou lebled ya serakine !» (Vous avez pillé le pays, oh voleurs), mais de «Baatou lebled ya serakine !» (Vous avez vendu le pays, oh voleurs). L'autre slogan qui est apparu, hier, en relation avec cette affaire, est «Nhar lhad fi lbarlamane !» (Dimanche au Parlement). Les manifestants promettent donc de manifester demain devant le siège de l'APN pour dénoncer justement cette loi. Il faut dire que la déclaration du ministre de l'Energie, Mohamed Arkab, qui a évoqué des discussions menées avec «les grandes compagnies classées parmi les cinq meilleures dans le monde» dans le cadre de la préparation de cette loi, n'a pas été appréciée par la majorité des Algériens. «Application des articles 18 et 80 de la Constitution pour protéger les richesses du pays», lit-on sur une pancarte brandie par une manifestante. A noter que l'article 18 stipule que «la propriété publique est un bien de la collectivité nationale», alors qu'il est mentionné dans l'article 80 que «tout citoyen a le devoir de protéger la propriété publique et les intérêts de la collectivité nationale, et de respecter la propriété d'autrui». En tout cas, ce 34e vendredi a connu un regain de la mobilisation assez marqué. Pour certains, la répression de mardi dernier a eu l'effet inverse, puisqu'elle a poussé beaucoup plus de citoyens à braver la peur pour dénoncer ce qu'ils ont considéré comme une injustice. L'approche de la date du 12 décembre pourrait également y être pour quelque chose. Ce qui est certain, c'est que le hirak est toujours là, et ce, 34 semaines après son début.