Si l'attitude des services de sécurité, qui ont empêché pour la première fois une marche du mardi, visait à faire reculer les étudiants, il est clair que cela a produit l'effet inverse. La même chose a été constatée le 20 septembre dernier, à l'occasion du 31e vendredi, qui a connu une certaine remobilisation. La mobilisation a connu, lors du 34e vendredi de la contestation, un net regain par rapport aux précédentes marches, de l'avis de nombreux observateurs. Et ceci a été apparemment relevé au niveau de plusieurs wilayas et pas seulement dans la capitale. Aujourd'hui, il est de plus en plus clair que les «fléchissements» que connaît le mouvement de temps à autre ne sont ni déterminants ni des indicateurs quant à un quelconque recul de la mobilisation. Le mouvement arrive à chaque fois à trouver les ressources nécessaires pour se relancer. Une redynamisation cyclique liée, selon toute vraisemblance, à l'évolution de la scène politique et qui vient souvent en réaction à des décisions, attitudes ou démarches du pouvoir en place. Avant-hier, les manifestants ont, à maintes reprises, dénoncé la répression qu'ont subie les étudiants mardi dernier. «Haggarine talaba !», ont-ils scandé plus d'une fois. Ils ont également promis de venir nombreux mardi prochain pour les soutenir. Si l'analyse des foules dans des mouvements d'une telle ampleur est plus complexe, il n'en demeure pas moins qu'il serait possible que cette répression ait galvanisé les Algériens qui n'ont pas admis que les étudiants puissent être «traités» de la sorte. A cet effet, si cette attitude des services de sécurité, qui ont empêché pour la première fois une marche du mardi, visait à faire reculer les étudiants, il est clair que cela a produit l'effet inverse. La même chose a été constatée le 20 septembre dernier, à l'occasion du 31e vendredi, qui a connu une certaine remobilisation. Un vendredi survenu deux jours après un discours du chef d'état-major de l'ANP durant lequel il avait évoqué «l'interpellation et la saisie des véhicules et des autocars utilisés ainsi que la délivrance d'amendes à leurs propriétaires». En somme, à chaque fois qu'il y a une volonté de verrouiller davantage la capitale ou de réprimer les manifestations, les citoyens sont toujours plus nombreux à marcher le vendredi d'après. L'autre élément qui pourrait également expliquer le regain de la mobilisation d'avant-hier est l'annonce par le gouvernement de l'adoption cette semaine (probablement aujourd'hui), en Conseil des ministres, de la nouvelle loi sur les hydrocarbures et de la loi de finances 2020, qui va apparemment abroger la règle 51/49, hormis pour les secteurs stratégiques. «Qanoun el mahroukat, darouh el issabat !» (La loi sur les hydrocarbures a été confectionnée par les bandes), ont, entre autres, scandé les manifestants. Beaucoup d'entre eux ont brandi des pancartes sur lesquelles ils ont mentionné les articles 18 et 80 de la Constitution, qui renvoient à la protection des richesses du pays. Les manifestants ont, en somme, accusé le gouvernement de vouloir brader le sous-sol algérien. Ils ont, par conséquent, lancé un appel pour se rassembler aujourd'hui devant le siège de l'APN pour justement dénoncer cette loi. Etant conscients de l'importance de ce texte, des manifestants se sont montrés perplexes quant au timing choisi pour le mettre en avant. D'autant plus que le pays n'est qu'à deux mois de la présidentielle. Même des personnalités politiques et des universitaires se sont exprimés sur la question. «Adopter la loi sur les hydrocarbures en ce moment précis mettra le futur Président dans une mauvaise posture», a indiqué le professeur Reda Deghbar. «Un gouvernement illégitime, un Parlement né de la fraude n'ont pas le droit de promulguer une loi sur les hydrocarbures, qui hypothèque l'avenir du pays, et le futur Président ne pourra rien y faire», a quant à lui déclaré le défenseur des droits de l'homme et avocat Mustapha Bouchachi. En tout cas, il est clair que les arrestations répétitives des militants et activistes et la répression de mardi dernier n'ont pas dissuadé les Algériens de sortir en masse dans la rue. Bien au contraire. La volonté de faire passer une loi d'une telle importance à un moment crucial a également fait réagir nombre d'Algériens. Aujourd'hui, il est clair que le hirak, qui s'installe dans la durée, ne donne pas globalement des signes de fléchissement. Il est tout aussi clair que celui-ci ne veut plus se laisser faire pour ce qui est des décisions politiques ayant une conséquence sur l'avenir du pays.