Dans cet entretien, Kamel Rouini ne cache pas son amertume et sa déception quant à la manière avec laquelle le théâtre régional de Annaba est géré. Malgré la faiblesse des moyens, il a créé sa propre coopérative de théâtre, Ikbal, avec laquelle il s'apprête à monter une nouvelle pièce Al Mouhakama, dont la générale est prévue pour le Ramadhan prochain. Il paraît que vous deviez jouer le rôle de Mustapha Ben Boulaïd dans le film de Ahmed Rachedi, mais… Oui. J'ai participé à cinq reprises au casting de ce film. Ahmed Rachedi m'a sollicité pour le personnage de Ben Boulaïd. Mais je ne sais pas ce qui s'est passé après puisque le rôle a été pris par Hacène Kechache. Le délégué de la production m'a contacté pour me dire que j'allais prendre le rôle de Larbi Ben M'hidi. Cependant, j'ai des problèmes avec le scénariste, Saddek Bekhouche qui, il faut le dire, est parachuté dans le domaine du cinéma. Dans le générique du film Ben Boulaïd, mon nom a été enlevé du générique pour des raisons que j'ignore. On ne m'a donné aucune explication. Par le passé, et dans C'était la guerre, j'ai interprété le rôle du commandant Azzedine. J'ai joué aussi dans les films de Sid Ahmed Sejane, de Hadj Rahim et de Kamel Dehane. J'ai eu des rôles comiques. Je viens du théâtre amateur. Ahmed Rachedi m'a donné mon premier rôle au cinéma. Le passage du théâtre au cinéma s'est fait difficilement. Je dois dire que Ahmed Rachedi et Azzeddine Medjoubi m'ont beaucoup aidé. Vous avez fait des reproches au film de Nadia Cherabi, L'envers du miroir, vous avez critiqué le montage... C'est légitime. Chaque comédien veut apparaître. Rachid Farès, qui interprète le rôle de Kamel dans ce film, est un bon ami. Moi, j'avais le rôle de Fatah. Mais, chacun de nous a cherché à « cacher » l'autre. Il y avait un petit conflit. J'ai fait des scènes que j'ai beaucoup aimées. Malheureusement, ces scènes ont été coupées au montage. Nadia Cherabi m'a expliqué que cela était nécessaire pour la réussite du film. Je n'en fais pas un drame du moment que ce choix va dans l'intérêt du long métrage. Nadia Cherabi a également soutenu que vous aurez plus de place dans la version télévisée de L'envers du miroir... Oui. J'ai apprécié le sujet de ce film. Car, il faut affronter ce genre de thème dans notre cinéma. J'attends qu'on me propose d'autres projets. A mon avis, l'Etat devrait s'investir davantage dans le septième art. Vous voulez dire que l'Etat doit financer davantage la production des films ? Personne ne produit de films aujourd'hui en Algérie avec son propre argent. Le seul grand producteur demeure l'Etat. On parle d'une nouvelle entreprise publique dans le secteur du cinéma. J'espère que plusieurs films seront produits par cette nouvelle entité. Trouvez-vous normal qu'ici, à Annaba, grande ville de l'est du pays, il n'existe pas de salle de cinéma digne de ce nom ? Les salles manquent partout dans le pays, pas uniquement à Annaba. Cette ville présente plusieurs atouts pour faire des tournages de film. Il y a des décors naturels tels que la montagne, la plaine et la mer. Par le passé, il y avait un projet de construction de studios. Ce projet n'a malheureusement pas abouti. A Ourzazate, au Maroc, il y a de grands studios. Alors pourquoi ne pas copier ce modèle à Annaba, Béchar ou Bou Saâda ? Je me pose la question. Cela ne coûte rien à un Etat de construire des studios... Vous êtes toujours au théâtre régional de Annaba ? Oui. Avec ma propre coopérative, Ikbal, j'ai monté ma première pièce, Alat el ghela (le mal du fruit) l'année passée. La pièce a décroché le prix du meilleur texte au Festival national du théâtre professionnel à Alger. J'ai été nominé pour le prix de la meilleure interprétation masculine. Toujours dans le cadre de la coopérative, je prépare une nouvelle pièce, Al mouhakama (le jugement) de Larbi Boulbina. La pièce sera prête pour le Ramadhan. Et je suis toujours fonctionnaire au théâtre de Annaba. Dans ce théâtre où il n'existe pas un meneur, on meurt à petit feu et personne ne bouge. Indifférence totale ! Nous avons à faire à des gestionnaires qui détestent tout ce qui est artiste et comédien. Dans ces conditions, on ne peut pas travailler. Il n'existe même pas une commission de lecture dans ce théâtre. Il y a, ici, à Annaba, comme une haine du théâtre de la part des responsables. Bio express : Kamel Rouini est un acteur qui émerge dans le monde du 7e art algérien. Il a eu plusieurs rôles dans des films tels que L'attente de femmes, de Naquel Belouad, sorti en 2001, Les suspects, de Kamel Dehane, sorti en 2004. L'acteur a également joué dans le premier long métrage de Nadia Chérabi, L'envers du miroir. Kamel Rouini est également comédien au théâtre régional de Annaba.