Le code de procédure pénale dans son article 123 stipule : « La détention préventive est une mesure exceptionnelle. » Et de poursuivre dans l'alinéa deux : « Si toutefois les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes, la détention préventive peut être ordonnée ou maintenue. » Si, dans le fond, le texte prétend que la détention provisoire est l'exception et le contrôle judiciaire le principe, il n'en est rien dans la réalité. Ni même dans la rédaction de l'article nommé. En effet, les textes juridiques ont une figure de style quasi mathématique. Il s'agit dans un premier temps d'énoncer le principe puis, dans un second alinéa, d'ajouter l'exception au principe et d'enjoindre les conditions motivant le recours à l'exception. présomption d'innocence L'article 123 débute clairement pas l'exception et son alinéa deux pose les conditions non pas pour recourir à l'exception mais pour justifier la règle principale, à savoir le contrôle judiciaire. Le texte algérien d'ores et déjà conditionne dans sa formulation rédactionnelle le contrôle judiciaire. Ce qui revient à dire que le recours à la détention provisoire est en réalité le principe. Les chiffres le prouvent : les personnes placées en détention provisoire en 2004 représentent 12,03 % de la population carcérale. La sémantique a également été usée afin de réduire de la portée de la mesure si souvent incriminée. Puisqu'en 2001, on est passé de détention préventive à détention provisoire. Par détention préventive, on entendait soustraire les délinquants de la société afin de prévenir de la commission de futures infractions. Par provisoire, on entend réduire la durée de la détention. Certainement par ce que l'on s'est aperçu qu'emprisonner quelqu'un durant une période déterminée n'empêchait pas le crime de se réaliser. Et il s'agissait également d'atténuer quelque peu cette mesure contraire aux principes universels des droits de l'homme. Le problème de l'incarcération en lui-même n'est pas posé. « L'illégalité » réside dans le fait que la personne placée en détention provisoire, donc en prison, n'a pas été jugée. C'est sur un faisceau d'indices et pour des motifs séculaires qu'elle est envoyée en prison. Or nul ne peut être envoyé dans un établissement pénitentiaire, quelle que soit la durée, sans avoir bénéficié d'un jugement juste et équitable. Garantie constitutionnelle. Lorsque des doutes s'instaurent sur la culpabilité d'un individu, la mesure est la garde à vue. Dans un commissariat de police. Dépassé le délai, toute personne devrait recouvrer sa liberté sauf motifs sérieux et concordants. Stipulés dans l'article 123, ils ne sont guère observés par les juges d'instruction ou par les procureurs de la République. Ils se contentent de placer sous mandat de dépôt par mesure de précaution ou par réflexe. « La détention provisoire ne peut être justifiée que si l'inculpé ne présente pas de garanties suffisantes, ou pour conserver des preuves ou pour préserver la victime. Cependant, la définition trop vague de ces conditions ouvre la porte à des excès », explique Me Nordine Benissad, membre de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme. Pourtant, l'Algérie a signé toute une batterie d'instruments juridiques, tels que le pacte international sur les droits civils et politiques qui protège dans son article 9 - 3 de la détention arbitraire et illégale. Sans compter que la Constitution algérienne énonce le principe de la présomption d'innocence. Présomption qui ne peut être débattue sans éléments de preuves contraires. Or la mise en détention provisoire suggère davantage la présomption de culpabilité. « Tout individu a le droit à la liberté. C'est un droit fondamental. En cas d'infraction, il a droit à la tenue d'un procès dans les règles de l'art pour pouvoir assurer sa défense », insiste le professionnel de la justice. Ce pouvoir qui consiste à placer quelqu'un en prison sans jugement est concentré entre les mains d'un seul homme : le juge d'instruction. Qualifié par Balzac d'homme puissant, le juge d'instruction hérite du code napoléonien. En France, suite aux sanctions de la Cour européenne des droits de l'homme, le législateur est revenu à de meilleures intentions en instaurant une formule collégiale de magistrats pour l'administration de mesures aussi graves que la détention provisoire. La population carcérale s'en est trouvée diminuée et les excès contournés. Aujourd'hui, forts de 42 000 personnes, les pénitenciers algériens sont surpeuplés. « Les personnes placées en détention provisoire sont mélangées aux autres. Dans le dernier procès que j'ai défendu à Ghardaïa, un professeur d'université s'est retrouvé en prison. Dans un espace vital qu'il a mesuré : 1,60 m2 », raconte Me Benissad. La durée de la détention provisoire : En matière délictuelle : Si la peine encourue est inférieure à deux ans : la détention provisoire ne peut excéder 20 jours. Si la peine encourue est supérieure à deux ans, la détention provisoire ne peut être supérieure à quatre mois renouvelable une fois par le juge d'instruction. En matière criminelle : La détention provisoire ne peut excéder 4 mois renouvelable par le juge d'instruction deux fois. Ce dernier peut demander à l'issue du septième mois de détention à la chambre d'accusation d'ajouter à nouveau 4 mois. Si le crime est passible de 20 ans de réclusion ou de la réclusion à perpétuité ou de la peine de mort, la détention provisoire peut aller jusqu'à 16 mois. A l'issue du 15e mois, le juge d'instruction peut demander à renouveler un période de quatre mois auprès de la chambre d'accusation.