Le pouvoir s'apprête à entrer de plain-pied dans ce qui tient lieu d'arène du combat politique mené depuis au moins le 22 février 2019 par des millions d'Algériens en vue de permettre une rupture d'avec le système politique honni de ces dernières années. Voire depuis l'indépendance. La Présidence vient en effet de dévoiler les propositions du comité d'experts sur la révision de la Constitution. Grosso modo, ces changements s'articulent autour de six axes liés à la structure des pouvoirs et de leur équilibre. Un régime semi-présidentiel avec le retour d'un chef de gouvernement et quelques réaménagements au profit du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire. Le texte en question devra certes être discuté par les forces politiques en présence et autres acteurs de la société et qui émettront leur avis sur ce qui les concerne au premier chef. Il s'agit là, bien sûr, d'un vaste chantier politique, qui est censé – ne l'oublions pas – livrer la réponse du pouvoir à l'endroit de ces millions d'Algériens qui demandent depuis plus d'une année un changement politique véritable, loin des actions de ravalement de façade du régime politique disqualifié par l'histoire. C'est dire le pari lancé par le nouveau locataire d'El Mouradia. Y arrivera-t-il ? La question reste d'autant plus posée que le pouvoir en place ne semble pas disposer encore de tous ses atouts. Car, quoi qu'on dise, la révision de la Constitution est davantage l'affaire des politiques et donc de la société que du seul cénacle de spécialistes de droit, tel que cela semble être le cas. L'histoire récente du pays a d'ailleurs montré plus d'une fois à quel point le droit a été mis au service d'intérêts politiques étroits sans que personne n'ait pu faire quoi que ce soit juste parce qu'il n'y avait aucun ancrage réel dans la société. C'est dire les enjeux d'une telle révision, qui survient de surcroît après la longue marche des partisans du mouvement populaire du hirak pour un idéal de démocratie. La conduite de ce vaste projet doit normalement être entourée d'un maximum de chances de succès. Cette révision ne peut être efficiente sans l'adhésion du peuple. C'est pourquoi il est à se demander si le pouvoir tient compte de l'environnement délétère actuel qui mine toute entreprise politique en direction de l'opinion tant que l'apaisement des esprits n'est pas de mise. Des manifestants du hirak, qui ont le mérite d'avoir défendu pacifiquement le projet de la démocratie dans le pays, ne peuvent continuer à peupler les prisons algériennes. Les journalistes comme les politiques doivent – c'est un préalable à tout projet vertueux de la part du pouvoir – tirer bénéfice de cet élan de changement qui viserait à instaurer une deuxième République. Il s'agit là d'une ensemble de prérequis pour instaurer cette confiance qui manque tant. Reste ensuite la démarche de la révision de la Loi fondamentale. Il y a peut-être lieu de signaler tout de suite que la conduite d'un projet le condamnera fatalement à l'échec si d'aventure il ne se donne pas les moyens d'organiser un débat franc, contradictoire et pluriel avec tous les segments de la société. Même si certains semblent le condamner à l'avance. Car, pour ces derniers, il ne s'agit pas seulement d'organiser les pouvoirs, mais de faire en sorte que tout le monde soit à égalité de chances d'y arriver.