La transition démocratique était la revendication phare lors des premiers mois du mouvement populaire enclenché en février 2019. Le changement radical réclamé par la rue était à portée de manifestation face à un pouvoir englué dans ses joutes claniques feutrées, parfois martiales, et la spirale des nominations-limogeages aux hauts postes de responsabilité. Une élection au forceps plus tard, et une crise sanitaire toujours en cours, la quête de la transition est encore entretenue mais sur un terrain des luttes passablement saccagé par des débordements idéologiques vindicatifs. Le désir de changement est par endroits hanté par le rêve de refaire les guerres enterrées. L'aspiration à la rupture est souvent doublée d'une invite à en découdre avec le courant politique ayant assumé et encadré le rempart citoyen et sécuritaire contre le projet de la «république islamique». Les débats autour de la problématique centrale du projet de société sont plus aiguisés au sein de la diaspora et ils ne seront pas sans incidences sur le cours des événements en raison du rôle historique de l'émigration dans les dynamiques populaires libératrices. Si les questions déterminantes liées aux principes de la démocratie et à la conception des libertés sont évacuées dans un concert d'incantations, la perspective d'un changement politique ne sera rien d'autre qu'une véritable régression profonde. Le pouvoir en place, autrefois chancelant, est en train de se donner une contenance, mais il ne paraît pas plus entreprenant en matière d'initiatives innovantes, que les forces politiques en charge d'une alternative pour le pays. Pour lui aussi, la transition, c'est parfois la régression. Dans le même document du dernier Conseil des ministres, où il est réitéré la volonté de l'Etat à moderniser son mode de gouvernance, à dépasser la rente pétrolière et impulser le développement des énergies renouvelables, auxquelles un ministère a été dédié, il a été rappelé au ministre de la Santé qu'un avion est mis à sa disposition pour vérifier en tout lieu les «informations réelles ou fictives publiées ici et là». L'intégration des compétences managériales, techniques et scientifiques dans les services déconcentrés de l'Etat aurait été plus judicieuse que de mobiliser un avion, un équipage et des services de sécurité aux fins de démentir une vidéo postée à zéro frais par un internaute. Sur le double plan de la transition énergétique et numérique, l'Etat est perdant face à un citoyen de base. La stabilisation institutionnelle sur laquelle mise le nouveau pouvoir ne sera pas probante en dehors d'une participation active de la société dans la construction d'un destin national. Le bon diagnostic est établi dans le même communiqué du Conseil des ministres qui met l'accent sur la nécessité de regagner la confiance des citoyens «perdue du fait des fausses promesses et des pratiques négatives». Toutefois, le remède, ce ne sont pas les «cellules d'écoute au niveau des ministères», mais la préparation du terrain juridique et politique devant garantir l'exercice de la citoyenneté. La réhabilitation de cette dernière amènera une décantation et dessinera enfin le visage de l'Algérie nouvelle.