C'est dans un contexte de recyclage institutionnel et de velléités de normalisation que le pays s'installe dans une sorte de veille révolutionnaire. Il n'y a ni rupture avec l'ordre ancien ni redémarrage de la vie nationale. Il y a simplement le revisionnage des scènes inversées de justiciables menottés et la réédition des discours martiaux à un rythme quasi cadencé. En toile de fond, l'incroyable résurrection d'une coalition parlementaire qui se réessaie au débat politique alors qu'elle était simplement candidate à l'autodissolution, au même moment où les chefs des partis qui la composent étaient emmenés en prison. Le nouveau pouvoir veut se donner une contenance institutionnelle et accepte de bonne grâce les critiques de députés dont les interventions ne semblent pas diffusées à partir d'une quelconque assemblée élue mais d'un monde politique qui a vécu. Les membres de l'APN conviennent que leur mandat est caduc et leurs déclarations sans impact ni résonance au sein de l'opinion publique dès lors qu'ils estiment que «le rétablissement de la confiance entre le citoyen et les institutions de l'Etat est une condition sine qua non pour la mise en œuvre du plan d'action du gouvernement». Tenus par des parlementaires, censés être les porte-parole de leurs électeurs, ces propos ne sont rien d'autre qu'une auto-invitation à la démission. Pour le pouvoir exécutif, en dépit des recommandations de l'auguste Assemblée, les moyens pour «rétablir la confiance» ne sont pas évidents. C'est au cœur de la problématique nationale depuis que l'option de la transition politique a été sommairement évacuée. Pour «agir» et tenter de mettre en œuvre son programme dans un contexte de défiance citoyenne, le gouvernement n'a d'autre choix que de recourir aux anciennes habitudes et modes opératoires passablement éculés. Chères à un ancien Premier ministre, dont la bonhomie ne l'a pas empêché d'être incarcéré, les réunions avec les walis sont de nouveau convoquées. Elles auront pour vocation de fixer «les priorités et les délais d'exécution du plan d'action». Le sort de ces grands commis de l'Etat n'est pas enviable, après avoir eu à répondre d'«abus de fonction et octroi d'indus avantages» en ayant cru appliquer les instructions centrales. Tout en proclamant vouloir inaugurer de nouvelles méthodes de gestion, l'équipe arrivée aux affaires demeure enferrée dans le discours lénifiant, promettant un «développement équitable et une vie décente aux citoyens». Depuis un an, ces derniers réclament les libertés et le rétablissement de la souveraineté populaire. Celle-ci ne correspond pas au renforcement ou à l'instrumentalisation des services déconcentrés de l'Etat mais à une refondation du système de gouvernance qui redonnera les pleines prérogatives aux Assemblées élues. La crise en cours connaîtra un début de solution quand les tenants du pouvoir réaliseront que la priorité n'est pas l'engagement d'un plan d'action gouvernemental mais une proposition politique pour une transition démocratique.