Aujourd'hui c'est la fête et demain on se gratte la tête», dit l'adage populaire pour qualifier l'inconscience. Ainsi, apprenant la nouvelle du passage massif en classe ou en au cycle supérieur de leurs enfants, des youyous ont fusé un peu partout dans des foyers algériens. Certains sont allés jusqu'à renouer avec les habitudes d'avant corona : festoyer, danser, embrasser... Ces familles ont salué le «succès» de la fille ou du garçon en dehors de toute précaution. A la limite, nous comprenons les enfants quand ils crient victoire. Mais, nous, les adultes, sommes-nous conscients des conséquences sur la santé des uns et des autres qu'un tel comportement peut engendrer ? Et puis, ce qui attend un bon pourcentage des élèves admis n'est nullement réjouissant. On les envoie au «casse-pipe» avec des admissions frelatées – au rabais. Imagine-t-on les difficultés qu'il aura à affronter l'année prochaine avec tant de déficits accumulés, en dehors de toute prise en charge sérieuse et efficace ? A voir les cafouillages dans les annonces ministérielles concernant le calendrier de reprise, l'observateur avisé doute fort que l'année 2020/21 soit une année de bonne récolte. A l'université comme dans les autres cycles ! Ici quelques propositions afin – nous l'espérons – d'amoindrir le choc de la crise sanitaire sur nos enfants. Car choc il y aura dès l'entrée en salle de classe. Rentrée scolaire le 1er septembre – révision jusqu'au 15 – Une phase de remise à niveau psychologique s'impose avec un document didactique à destination des enseignants. Ce document sera élaboré par des psychologues et des pédagogues. La remise à niveau sera étalée sur ces deux semaines et portera sur des séances de 5 à 10 minutes. – Parallèlement, les élèves recevront une remise à niveau pédagogique qui portera sur les deux trimestres de l'année écoulée. – Un test n°1 d'évaluation diagnostique à la fin de la révision (avec remédiation collective). Il portera sur les matières de spécialité ou dites de base. Période du 15 septembre au 31 octobre – Rattrapage du 3e trimestre en 5 semaines et demie selon un emploi de temps aménagé qui mettra l'accent sur les matières de base pour le primaire (arabe, français et calcul) et le collège (rajouter la physique et les sciences naturelles) et les disciplines de spécialité pour les lycéens – en fonction de la filière. – A la fin du 3e trimestre : test n°2 (un samedi) sur ce 3e trimestre portant uniquement sur les matières de base (les langues, maths, physique). La note au test n°2 sera la moyenne de l'élève au 3e trimestre. – La moyenne de passage portera sur les 3 trimestres. – Les 5e AP et les 4 AM seront admis d'office et ceux qui auront plus de 10/20 aux tests n°1 et n°2 cumulés avec les moyennes des 1er et 2e trimestres. Du 2 novembre au 10 novembre Au niveau du collège et du lycée : les élèves admis au collège et au lycée passeront un test de pré-requis ou évaluation diagnostique (d'une journée, un samedi). Seules les matières de base seront testées, soient les langues, les maths, physique et sciences naturelles. Le test se fera au niveau du collège et du lycée. Le test sera corrigé en classe et une remise à niveau/remédiation d'une semaine pour toute la classe. Cette remise à niveau s'organisera de façon à favoriser l'interactivité élèves/élèves via une entraide dans des travaux de groupe. Le test diagnostic et la remise niveau amèneront les élèves à bien suivre les exigences de ces deux cycles sur de bonnes bases. Le bac allégé au maximum de journées. Des épreuves ne porteront que sur les disciplines de spécialité (une proposition pertinente de certains syndicats). les élèves de collège et de lycée recevront des séances de sensibilisation sur les métiers et les spécialités offertes par la Formation et l'Enseignement professionnels (FEP). Au niveau de chaque CEM, organiser des portes ouvertes sur les spécialités du secteur de la FEP et leurs débouchés. Cela aura pour but de susciter des vocations et éventuellement «orienter» les élèves qui désirent cette voie professionnelle (Ecole ou Institut supérieur d'enseignement et de formation professionnelle). Le but aussi est de désengorger les lycées (orientation d'office pour les élèves de 3e, 4e AM et 1re et 2eAS qui ne sont pas admis en classe supérieure – s'ils le désirent bien sûr). Aménagement de l'année scolaire 2020/2021 Elle démarre le 10 novembre. – Assurer 28 à 30 semaines de cours effectifs sachant que les normes internationales sont de 36 à 40 semaines. Si l'année scolaire à venir devait se décliner selon le calendrier traditionnel des vacances et des évaluations, on assistera à une aggravation des retards déjà enregistrés. On ira inévitablement vers la baisse d'une semaine des vacances trimestrielles – sauf pour le préscolaire, les 1re et 2e AP. – Revoir dans le fond et la forme et les compositions et les devoirs surveillés ainsi que la tenue des conseils de classe de fin de trimestre (ne pas empiéter sur les heures de cours). Les programmes par discipline seront bouclés vers la fin du mois de juin 2021. – Dégraisser les programmes par une progression intelligente des leçons. Il sera question d'insister sur les leçons pivots. Si nécessaire, les enseignements fondamentaux (langues, maths, physique et sciences) bénéficieront de l'appoint d'horaires empruntés aux autres disciplines. Bien entendu, selon une démarche consensuelle entre les enseignants concernés. – Travailler chaque samedi et mardi après-midi. Ainsi, on offrira aux élèves des activités de remédiation et de rattrapage de cours, sans oublier les activités périscolaires en collaboration avec les cadres spécialisés des maisons de la culture, des maisons de jeunes et des centres culturels. Pour les élèves en difficulté, des séances de remise à niveau se feront en petits groupes avec des techniques interactives d'entraide mutuelle. – Relancer le sport scolaire de façon à l'échelle communale ou de daïra. – Réfléchir au niveau de la centrale, et ce, dès la rentrée, sur d'autres modalités de passage au collège et au lycée. – Sanctionner sévèrement les élèves qui désertent à la fin du 2e trimestre voire avant (pas de convocation pour l'examen), obligation de suivi des cours. En Algérie, l'absentéisme scolaire est une plaie structurelle qui discrédite l'acte pédagogique. Aller à la traque des cours clandestins qui enlaidissent la noblesse du métier d'enseignant. N'est-ce pas révoltant de voir l'élève devenir client et l'enseignant commerçant ? Il est grand temps que les autorités en charge du commerce informel et des fraudes fiscales sévissent face aux milliards de centimes qui circulent de poche en poche. Certains vendeurs de cours sont déjà sur «le pied de guerre» pour «embaucher» leurs élèves/clients : ils retapent qui sa villa louée qui son garage ou sa cave. Le coronavirus ne dissuadent ni ces enseignants/commerçants, ni ces parents irresponsables. – L'année 2020/21 sera l'occasion idéale de finaliser la réforme du baccalauréat. Il va sans dire que ces propositions constitueront une douche froide pour les parents et les élèves. Mais le travail de sensibilisation doit être réalisé – comme cela se fait dans tous les pays. Il est de notre devoir de leur expliquer que les passages gratuits mènent à une impasse. Et que c'est leur avenir qui risque d'en pâtir. De leur côté, les enseignants – et à voir la belle mobilisation des syndicats – afficheront toute leur générosité et leur don de soi, à l'instar des médecins en cette crise sanitaire de Covid-19 – excepté, bien sûr, les vendeurs de cours clandestins. Et si ce virus avec cette diète pédagogique qu'il nous a imposé nous forçait à nous éloigner de la vieille façon de travailler et de concevoir l'éducation scolaire ? La preuve est que les examens de passage ont été gommés d'un seul trait de circulaire : ce ne sont pas des totems sacrés. Il reste à imaginer des protocoles de prise en charge tant psychologique que pédagogique pour sauver l'année en cours et l'année qui vient. Mais aussi de se forger une mentalité en rupture avec les archaïsmes qui se nichent dans le fonctionnement et l'organisation de notre système scolaire. C'est là tout l'intérêt de ces modestes propositions : lancer le débat. Loin de l'anglais à la place du français, des programmes à revoir, ceux des quatre années «maudites» : comme si les autres étaient nickel. La pédagogie, c'est l'esprit scientifique, mais c'est aussi le bon sens... à partager au maximum. Exit la démagogie, le populisme ou l'idéologie de mauvais aloi. Par Ahmed Tessa Pédagogue